Chapitre 9.2 - Trahison
L’Exécuteur qui avait si lâchement tué Egas était maintenant attaché à une chaise métallique clouée à même le sol. March et Lecca n’avaient pas encore quitté les geôles, car ils devaient d’abord s’occuper d’effacer leurs traces. Ils avaient commencé par se débarrasser du corps de l’autre Exécuteur. Il pesait une tonne, mais heureusement, les geôles disposaient de leur propre crématoire et le chemin n’avait pas été long.
March portait encore la tenue d’Exécuteur qu’il avait volé. Son propriétaire ne se réveillera pas avant un bon moment vu le coup qu’il lui avait donné. C’était tout juste assez pour ne pas le tuer. Il tiendrait sa promesse à Saira.
Pourtant la colère bouillait en lui. Le meurtrier qui avait tué son ami était face à lui, il souriait même. Il aurait pu lui arracher ce sourire d’un claquement de doigts…
Mais non. Il restait calme, pour Saira.
— Vous auriez dû me tuer quand vous en aviez l’occasion, dit l’Exécuteur.
D’après l’Inquisiteur, il s’appelait Redaelle, et il le connaissait depuis des années. Il l’avait recruté lui-même.
Lecca pansait sa jambe, assis devant une table couverte d’outils chirurgicaux habituellement utilisés pour tout autre chose.
— On peut facilement changer d’avis, dit Lecca avant de nouer son pansement à l’aide de ses dents. Je crois bien que notre ami ici présent ne demande que ça !
March bondit vers Redaell, faisant apparaitre ses lames qu’il apposa sur sa gorge. La mise en scène eut son effet, même Lecca porta la main à son arme par peur. March invoqua toute sa volonté pour ne pas laisser la lame s’enfoncer dans la chair.
— Parle, dit simplement March.
— Je… je… qu’est-ce qui me prouve que vous n’aller pas ma tuer après ? Il me faut une garantie.
Lecca se leva et s’approcha de March en boitant. Il posa la main sur le pommeau d’une de ses armes en l’invitant à les éloigner. March les fit disparaitre d’une simple pensée, ce qui ne manqua pas de surprendre les deux autres.
— Redaell, je sais que tu es une personne sensée. Je dois avouer que j’ai d’abord été surpris que notre assassin ici présent te laisse en vie. Comme quoi, on peut tous changer, n’est-ce pas ?
March ne répondit pas. Il n’aimait pas les insinuations de l’Inquisiteur, mais c’était sa seule chance d’en apprendre plus sur le complot.
— J’ai moi-même pensé te laisser te vider de ton sang, lentement. Rien que pour te faire payer la blessure que tu m’as infligée. Mais pourquoi gâcher un outil qui puisse servir, n’est-ce pas ?
Redaell glapit.
— Je suis prêt à vous dire ce que je sais, mais je veux votre parole. Vous me laisserez filer d’ici une fois que vous aurez ce que vous voulez.
— Tu me connais Redaell, je suis un grand défenseur de la vérité, incapable de mentir même pour défendre ma propre vie ! Je te promets que nous te laisserons passer le pas de cette cellule en vie.
L’Exécuteur sembla convaincu. March l’était beaucoup moins.
— C’est le Haut-Mysteriarch qui m’a chargé de te surveiller.
— Qu’a-t-il dit exactement ?
— Il a dit que si toi ou un autre aviez des doutes sur sa personne, je devrais m’en occuper et ne pas laisser de témoin.
— Combien ?
— Combien quoi ?
— Ne me fais pas perdre mon temps Redaell. Je te connais mieux que ta propre mère ! Combien t’a-t-il payé pour me trahir ?
Redaell détourna le visage.
— Je sais à quel point tu es endetté, imbécile ! Je t’avais dit que les jeux te mènerait à ta perte. Alors, combien ? Mille, deux mille, plus ?
— Cinq mille pièces d’argent…
— Pfff, quel gâchis ! Et dire que j’ai cru pouvoir te changer. Tu es intelligent, Redaell, mais aveuglé par tes vices. Qu’a-t-il dit d’autre ?
— Rien. Il a simplement dit que si je ne suivais pas ses ordres, c’est moi qu’il ferait assassiner.
March le prit par le col de sa chemise.
— Et moi, qu’a-t-il dit à mon sujet ?
— Rien ! Je le jure ! Ma mission ne concernait que Lecca.
— Menteur !
March fit réapparaitre sa lame.
— March ! cria Lecca. On a besoin de lui.
March se tourna vers l’Inquisiteur, incertain de pouvoir retenir sa rage plus longtemps.
— Pourquoi ? On a ce qu’il faut non ? Le Haut Mysteriarch est coupable. C’est lui qui tire les ficelles de ce jeu sinistre.
— Peut-être. Mais que comptes-tu faire ? L’assassiner ?
— Non.
— Dans ce cas, laisse-moi faire. Redaelle est témoin des révélations d’Egas et il a directement été soudoyé par Weisz. Il va pouvoir nous aider. À nous deux, nous ne pourrons rien changer. Il nous faut convaincre une personne de plus.
— Qui ?
— Ça, tu le découvriras bien assez tôt !
L’Inquisiteur sourit.
— Me fais-tu confiance ? demanda Lecca.
— Non.
— Bien, tu aurais été fou de le faire. Malgré tout, vas-tu suivre mon plan ?
— Je n’ai pas le choix.
— Exactement. Tu vas écrire une lettre au Haut Mysteriarch en le menaçant de révéler tous ses secrets. Tu lui donneras rendez-vous sous la coupole de la Cathédrale du Mystère, dans trois jours, à l’aube.
— Cela va faire de moi une cible facile, la Cathédrale peut être facilement cernée.
— Tu ne seras pas seul, j’interviendrais à temps. As-tu bien compris mes indications ?
— Oui, mais je n’aime pas être dans l’ignorance. Tu ne m’as pas dit comment tu comptais arrêter le Haut Mysteriarch.
— Je te l’ai dit, il y a encore une personne qui a un rôle crucial à jouer. Je ne souhaite pas révéler mes cartes dès maintenant.
Lecca sortit de la cellule et March le suivit.
— Hé ! cria Redaell depuis sa cellule. Lecca, tu m’avais promis de me laisser partir !
— Je t’ai promis de te laisser sortir de cette cellule en vie. Je n’ai pas dit quand !
March renfila le casque d’Exécuteur et suivit Lecca dans les couloirs obscurs du Mysterium, confiant son destin à un homme qui aimait visiblement jouer avec la vérité des mots.
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