De gustibus et coloribus non disputandum
NDA : Spéciale dédicace à Mme Clara et à toute les anciens 4ème B, avec qui j'ai appris ce magnifique proverbe latin !
7h
Awa saute sur mon sac de couchage et me tire les cheveux en poussant des cris stridents. J'émerge, les yeux bouffis de sommeil, et lui demande gentiment ce qu'il y a. Comme elle continue son cirque, je lui balance la torgnole du siècle, et elle se calme enfin.
Je l'observe, c'est la première fois que je vois la fille de Risu. Elle a de courts cheveux noirs, des yeux bleus fascinants, des lèvres fines et délicates, des dents blanches bien alignées dans sa bouche. Elle est de petite taille, à peine 1m10 alors qu'elle a cinq ans. Elle porte un petit anneau argenté à l'oreille gauche, de très bon goût selon moi.
Une chose me frappe, à laquelle je ne m'attendais pas du tout : Awa est une petite fille très belle. Elle dégage une aura d'élégance féline, à l'instar de sa mère, mais la surpasse en terme de grâce.
Bien sûr, elle a une tête disproportionnée par rapport à son corps, comme tous les enfants, mais ce défaut disparaîtra en grandissant.
Pour moi, cette enfant reflète la perfection physique. C'est étonnant qu'elle ait été mise à l'écart et ne participe pas à la sortie culturelle avec des petits camarades de classe...
Elle me dévisage, ses yeux bleu glacier plongent dans mon âme et la sondent, la soupèsent consciencieusement. Enfin, quand son examen est terminé, elle me lance :
- T'es qui ?
- L'amie de ta maman, je lui réponds en me composant un visage aimable. Elle m'a demandé de m'occuper de toi aujourd'hui.
- Ah oui, tu es Bonne-poire-lèche-botte ?
Je garde ma contenance, mais cette petite a beau être très belle, elle me tape déjà sur le système.
- Je m'appelle Akari, pas Bob-L'Éponge-Je ne sais quoi.
- Je préfère Bob-L'Éponge.
- Moi je préfère Akari.
Je suis aussi têtue qu'elle, elle l'apprendra à ses dépends. La joute verbale continua ainsi, Awa me proposant des surnoms tout aussi stupides les uns que les autres. Je vous en mets quelques uns, mais interdit de se moquer hein ! Il y avait, entre autres : Maya l'Abeille, Yakari, Barbie, et aussi des moins innocents, comme Terminator, Ken Kaneki, ou encore Lastine - je me demande vraiment où elle a pu avoir accès à de tels films, violents et fortement déconseillés au enfants.
Donc, une fois les présentations terminées, je rentre dans le vif du sujet :
- Pourquoi es-tu déjà debout à cette heure matinale ?
Je réprime un bâillement, mes yeux papillonnent : je ne peux m'éveiller aussi tôt pendant le week-end, ma religion me l'interdit. Je suis thermossiste, et notre secte adore la grande déesse Pmop, qui nous a apporté les Thermos. J'explique tout ceci à Awa, qui me juge sans vergogne.
- Il n'est pas tôt, me répond-elle comme si c'était une évidence. À 7h, je suis déjà en cours depuis deux heures !
J'en reste coite : la vérité sort de la bouche des enfants, mais quand même, de là à affirmer que 7h est une heure normale pour se réveiller le week-end...
Je lui dis d'aller de recoucher, parce que moi j'ai encore sommeil. Ce à quoi elle me rétorque :
- J'ai faim.
- On ne réveille pas les gens en sursaut juste parce qu'on a faim. Si tu ne veux pas m'attendre pour petit-déjeuner, va manger toute seule.
Je suis bien décidée à ne pas céder à cette fillette hautaine et impulsive, pour lui apprendre qui est le maître ici.
Je m'emmitoufle dans mon sac de courage et enfouis mon visage dans l'oreiller.
- Risu a dit que tu devais m'obéir et me préparer à manger quand je voulais.
Elle ne crie pas, c'est une simple constatation, mais qui sonne comme un avertissement à mes oreilles.
Diantre, cette petite a de la verve pour son âge.
Par peur de décevoir cette chère Risu, je me lève, soudain motivée, et commence à m'activer dans la cuisine. J'y trouve du pain noir, du miel, des carottes, des œufs et du lait. Je concocte un assortiment de toutes ces denrées en sifflotant gaiement ; mais lorsqu'Awa arrive pour réclamer sa part, elle fait la grimace devant les œufs sur le plat et les carottes râpées.
Je lui demande ce qu'il ne va pas, inquiète de la réaction de Risu si sa fille n'avait pas été satisfaite par mes services : elle pourrait me renvoyer, ou pire, ne plus me parler !
- J'aime pas les légumes, expliqua Awa en faisant la moue.
- Qu'est-ce que tu voudrais manger dans ce cas ?
Elle me jette un coup d'œil furtif, cherchant à déterminer si elle pouvait me mener en bateau ou pas. La réponse semble être oui, puisqu'elle ouvre le réfrigérateur et en sort de la glace et du jus d'ananas, puis extrait du buffet un bouteille de rhum, du lait de coco et du lait concentré sucré.
- Fais-moi un piña-colada, m'intime-t-elle en me tendant les ingrédients.
Je la regarde, éberluée. Elle me rend mon regard, glaciale.
Ma résolution en prend un coup. Je mets de côté ma fierté et ma résolution de ne pas me laisser faire par cette fillette tyrannique, et lui obéis sans sourciller.
Assise à la table de la cuisine, elle sirote son cocktail, un petit sourire triomphant aux lèvres.
Je ne m'avoue pas vaincue pour autant.
Elle ne m'aura pas si facilement la prochaine fois, je me promets en mangeant le petit-déjeuner délaissé par Awa.
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