Idiomes et sémantique

2 minutes de lecture

14h

Ne jamais faire confiance à Awa. Son "raccourci" n'était qu'une vaste blague, et elle m'a fait tourner en rond pendant des heures avant de finalement me montrer gracieusement la bonne direction. En arrivant, je m'affale sur le canapé, éreintée, et je ferme doucement les yeux. Me laissera-t-elle une seconde de répit ?

- Non, déclare-t-elle comme si elle avait lu dans mes pensées. D'ailleurs, je dois te couper la main, puisque je me moquais de toi tout à l'heure.

Je me met en position fœtale sous les coussins, terrorisée : elle brandit un hachoir de cuisine en acier bien aiguisé, prête à accomplir sa sentence.

- Donne ta main, tu dois respecter ta promesse, dit-elle d'une voix très calme.

J'ose glisser un coup d'œil par-dessus ma barricade sommaire. Ses yeux bleus sont écarquillés. Elle, si belle en temps normal, me semble terrifiante et démoniaque dans sa folie et ses pulsions meurtrières. Je me souviens soudain qu'elle est la fille d'assassins - celle de Risu de surcroît - et qu'elle a grandi dans ce milieu. Cette réminiscence me sauve la mise, et je reprends mes esprits.

- Non, je lui réponds fermement sans me découvrir pour autant (courageuse, mais pas téméraire ! Faut pas pousser mémé dans les orties quand même !). Primo, je n'ai absolument pas envie de me faire couper la main, car il se trouve que j'en aie encore besoin pour... - J'hésite. - Pour coudre, voilà !

Elle me regarde d'un air désabusé.

- Pour coudre ?

Sa voix est dégoulinante de sarcasme. Je n'en peux plus de cette gamine trop lucide !

- Deuxio, ce n'était qu'une façon de parler, de mettre ma main à couper. Personne ne le fait réellement.

- Si, dans la classe, Menbou-sensei¹ l'a fait !

Je commence à avoir des sueurs froides ; cette petite me donne du fil à retordre. Ce n'est tout de même pas de ma faute si ce sont tous des malades mentaux !

- Et tertio, tu interprètes cette expression de travers. C'est si je m'étais trompée et que tu ne te moquais pas de moi, qu'il aurait fallu hypothétiquement me couper la main.

Trop de mots savants. Elle me fixe sans ciller.

- N'essaie pas de m'embrouiller avec ton vocabulaire de citadine, me déclare-t-elle froidement. En plus, j'ai très bien compris. Je ne suis pas idiote.

Mon corps est agité d'un soubresaut. Je suis dans de sales draps. Si je me mets à dos la fille, que diras la mère... Qu'allais-je faire dans cette galère ?

- S'il-te-plaît, Awa, soit gentille et laisse-moi ma main.

Ma supplication a l'air d'atteindre son cœur - en a-t-elle vraiment un ? Elle baisse son arme et dit, comme si de rien n'était ;

- J'ai faim, prépare-moi à manger.

Elle a repris son expression neutre habituelle, et son visage est dénué de toute trace d'animosité, le rictus démoniaque a disparu. Je me relève, rassurée. Mon discours d'adulte responsable a porté ses fruits, elle me respecte.

¹ menbou (麺棒) signifie "rouleau à pâtisserie" (on ne juge pas, tout auteur a le droit de ne pas avoir d'inspiration, et pour un malade mental ce nom lui va comme un gant !). Sensei est le suffixe ajouté aux noms des professeurs ( )

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire KagomeAohane ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0