Prologue : Déchirée
Olivia sentit le petit bouger contre sa poitrine. Les cris apeurés lui parvinrent. Elle ne pouvait faire autrement. Ils avaient froid. Le fin drap enroulé autour de l'enfant ne suffisait pas à le réchauffer. Ça n'était pas important, il mourrait quelques heures plus tard. Ses pieds transis de froid s'enfonçaient dans la boue. A bout de forces, la jeune femme ne pouvait plus avancer.
Depuis combien de temps marchait-elle ? Son mari allait s'inquiéter et demander de l'aide à la maréchaussée, chose qu'elle souhaitait à tout prix éviter. Le bébé la gênait. Elle était perdue. Le ciel orageux pleurait. Les gouttes de pluie glacées coulèrent sur ses joues, pareilles à des larmes.
Elle le déposerait ici. La nature prendrait soin de lui. Tremblotant et manquant de renverser l'enfant à terre, elle parcourut encore quelques mètres à la recherche d'un abri. La jeune mère pensait à lui, à une maigre défense qui pourrait lui permettre de vivre un peu plus longtemps face à ce monde si injuste. Elle retira l'enfant de sa poitrine et y vit la beauté. Les grands yeux marrons, la petite bouche et le petit corps. Il était magnifique. Comme son père. Le duvet commençait tout juste à pousser sur son crâne, elle le frôla doucement comme pour ne pas l'abîmer. Olivia décida de rester forte et le déposa sur un petit lit de feuilles situé au creux d'un grand chêne. Puis elle pleura. Pourquoi était-elle si effondrée ? Elle ne voulait pas de cet enfant, elle l'avait haï lorsqu'il avait grandi au creux de son ventre et la peur l'avait saisie. Etait-ce si dur d'abandonner un enfant ? Était-ce ça l'amour maternel ? Elle n'avait jamais désirée être mère, ce rôle ne lui convenait pas. Pourtant, il en avait été ainsi.
Elle resta sous la pluie, la capuche rabattue sur son beau visage pâle. Dieu qu'il était beau, qu'il était inconscient. Ses petits mains potelées balayaient l'air de gestes si doux et si adorables. Pouvait-elle le reprendre ? Une voix intérieure lui ordonnait de ne pas laisser de place aux regrets. Olivia n'en voulait pas. Ce serait abandonner l'idée qu'elle avait préparé pendant ces longs mois de torture. Elle y était, il fallait accomplir cette tâche ingrate. Elle lui tourna lentement le dos puis laissa échapper un douloureux soupir. Elle se remit à marcher dans la pénombre de la forêt. Son foyer lui manquait. Mais pas le bébé. Sentant l'éloignement de sa mère, il hurla. Elle ne les entendit pas car aux hurlements désespérés, se mêlait le grondement sévère du tonnerre.
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