Deux.
Puis mon frère et moi divergèrent.
La cour du collège nous réunissait d'habitude, et je courrais vers lui, à chaque récréation, dans la continuité d'une relation osmotique. Il était juste et entièrement : "mon grand-frère".
Notre différence d'âge était minime : dix-sept mois. Lui, " finissait " la décade des "fifthties", tandis que je commençais, celle des "sixties".
Pourtant, il me précédait, comme le gardien d'une époque révolue et presque scellée, annonciatrice d'une ère joyeuse de prospérité.
Cette fois, il brisa net mon élan, sans que j'en comprît le sens. Meurtri au plus profond de moi, les larmes se mirent aussitôt à couler, alors qu'une colère sourde m'envahissait.
Il rompait notre pacte sacré comme pour me dire :
- Maintenant avance !.... Grandit !
- Tu es seul désormais.
Il a bifurqué vers une classe de transition, dite, "pratique", et, très vite, directement dans un cursus d'apprentissage.
On lui a demandé de lever la main, en réponse à la question :
- Qui veut-être apprenti ?
Je sus que je perdais mon frère, dont la voix muait déjà, et qui évitait, désormais, mon contact.
M notre gardienne trouva rapidement la boulangerie qui l'accueillerait en alternance. Paradoxalement, le minotier dont le camion avait embouti la voiture de mon père, avait oeuvré en ce sens, et usé de son influence auprès de l'entreprise.
- Il y a deux places : le patron accepte de vous prendre tout les deux.
On me proposait d'entrer dans cette voie : incongrue, en ce qui me concernait.
J'agrippais violemment mon frère, le secouant pour le faire renoncer :
- Maman ne voudrait pas !...Tu dois continuer les études !
Je compris que nous n'avançions plus ensemble.
Désormais nous étions deux.
Annotations
Versions