"Si les temps revenaient,...".
C'est au fond d'un bar qu'il avait levé son verre en l'honneur de son père défunt. Un coup de fil du gendarme,...il s'y attendait,...en théorie...Il venait de passer cinq mois auprès de ses parents et avait conscience qu'il ne verrait sans doute plus son père vivant.
Il raccrocha le téléphone fixe sur son socle submergé par la violence du drame. Choc frontal sans airbag, pare-brise fracassé et éjection du pilote immédiate. Un flot de sang s'échappa de ses narines, comme si ses yeux explosaient ainsi que sa tête.
Il crut qu'il allait se vider sur l'instant. Impossible de prévoir ça. La mort est une abstraction. Une vue de l'esprit, terrible et romantique,...un argument littéraire,...???...
Rien ne nous y prépare vraiment. Il faut encaisser. Vivre la situation, désincarné sans doute, mais acteur total du désastre. Dans un état second, on accepte, on entre dans le process,....Audition odieuse,préparatifs mortuaires et morbide, en dosser le rôle au pied levé, du fils, du frère, du maître de cérémonie,...
Deux grands rapaces tournent majestueusement dans les airs , comme un hommage du ciel, à ce moment azur...On se dirige vers le petit cimetière du village. Le poète apprêté et calme rejoint sa couche au creux des côteaux. Petit comité réuni à la va vite: un ou deux voisins, le maire et l'employé communal, la fratrie décomposée/recomposée pour l'occasion. Ma mère et épouse du défunt, et les enfants de ma soeur. Deux ados venus "comme ils sont", comme sorti d'un festival rock.
Intervalle incongru, clandestin, presque volé au quotidien tranquille. Le temps, en dignité, semble suspendre son cours. Suaire légitime et solennel, il conduit la célébration.
La messe pastorale est dite.
Hommage au poète mort et éternel : mon père. De précieuses lettres d'or sont gravées dans le marbre gris, essence précieuse, parfum exquis et concentré parfait , sans commencement ni fin.
La sèvre décroit rapidement après la pluie intense. On nettoie les scories comme si de rien n'était. Je repasserai le pont une fois de plus, jusqu'à la petite gare plus haut. Vingt minutes pour rejoindre la ville, puis à nouveau la rade.
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