Chapitre 32

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Nicolas n’avait pas vu Clara depuis un moment. Les jours s’étaient enchaînés, rythmés par les rencontres avec Salva et son projet de livre qui avançait. Il avait essayé de se convaincre que tout allait bien, qu’il pouvait tenir seul, mais Clara, elle, avait toujours un don pour tout chambouler. Ce soir-là, il avait décidé d'aller au café où il avait pris l’habitude de la croiser.

En entrant, il la vit tout de suite. Assise au comptoir, elle discutait avec le barman. Ses cheveux, toujours décoiffés comme par provocation, encadraient un visage illuminé par un sourire à la fois radieux et inquiet. Elle l’aperçut avant qu’il ne puisse dire quoi que ce soit.

— Eh bien, regarde qui est là ! lança-t-elle en se retournant, faussement sarcastique. Tu n’es pas encore mort, finalement.

Nicolas s'approcha, souriant, mais un peu mal à l'aise. Clara pouvait être une énigme, parfois tendre, parfois dure, mais jamais prévisible.

— Moi, me foutre en l’air ? Tu me connais mal, répliqua-t-il avec un sourire forcé.

Clara leva un sourcil, prenant une longue gorgée de son verre.

— Franchement, j'ai commencé à me poser des questions, répondit-elle plus sérieusement. Tu sais bien que j’adore ma liberté, mais là, j’avoue… tu m’as manqué, dit-elle en jouant avec son verre. C’était devenu pesant, cette absence de nouvelles. Ça me manquait de te taquiner pour te remettre sur les rails. À un moment, j’ai même cru que tu t’étais tiré pour de bon sans prévenir, ou pire... que t’avais fini par te foutre en l’air. J’espère que t’as des trucs à raconter. T’as finalement écrit ce putain de bouquin ou quoi ?

Elle le regardait droit dans les yeux, un mélange d’amusement et d’inquiétude dans le regard. Elle avait toujours cette manière d'abuser dans son langage, sans jamais être méchante, mais avec juste ce qu’il fallait de vérité pour le faire réfléchir. Nicolas ne put s’empêcher de sourire. Elle était à la fois un soutien et une épine dans son pied, toujours prête à le pousser hors de sa zone de confort.

— T’inquiète, répondit-il. Je vais pas me foutre en l’air, même si parfois c’est tentant. Et ce bouquin, j'ai commencé à l’écrire.

Clara le fixa un moment, comme si elle évaluait la sincérité de ses mots, puis le regarda avec des yeux ronds, visiblement surprise.

— T’as commencé ?! Attends, tu te fous de moi ou c’est vrai ? Je te préviens, je vais pas attendre que tu sois sur ton lit de mort pour lire que les trois chapitres que tu aurais pu pondre. Allez, viens, on trinque à ta survie, et tu me racontes.

— Non, non, sérieux, je l’ai fait. J’ai même posté quelques chapitres sur un site.

Clara ouvrit de grands yeux, surprise et excitée.

— Sérieux ? Tu rigoles pas là ? T’as vraiment publié des trucs ?

— Ouais. J’en ai mis une partie sur un site. Mais… ça a viré au cauchemar.

Clara fronça les sourcils, intriguée mais amusée à l’idée que ça puisse mal tourner.

— OK, raconte, qu’est-ce qui s’est passé ?

— J’ai laissé un passage qui parlait un peu trop de ma relation avec Sophie. Je pensais que c’était assez déguisé, mais… apparemment, pas assez. Mon ex est tombée dessus. Et elle l’a très mal pris.

Clara éclata de rire, incapable de contenir son amusement.

— Incroyable, tu l’as vraiment fait ! Et alors ? Ça a donné quoi ?

Nicolas grimaça, se grattant la nuque.

— C’est là que ça devient un peu... compliqué. J’ai posté une partie, et au début, tout se passait bien. Quelques retours, des commentaires encourageants, tu vois. Mais le truc, c’est que c'est une histoire fortement décalquée sur des passages de ma vie avec Sophie.

— Et qu’est-ce que t’avais écrit qui l’a mise en rogne comme ça ?

— C’était pas méchant… mais j’ai décrit quelques disputes et la manière dont notre relation s’est effondrée, répondit Nicolas en soupirant. Elle m’a appelé, m’a hurlé dessus pendant une heure. Elle voulait que je retire le texte du site.

Clara éclata de rire à nouveau, mais cette fois avec une touche de compassion.

— Attends, t’as mis quoi dans ce bouquin pour qu’elle réagisse comme ça ? Tu l’as peinte en méchante sorcière ou quoi ?

— Non, non... enfin, pas exactement. Disons que c’était un peu brut. Je n’ai pas cherché à enjoliver, tu vois ? J’ai juste raconté un peu les choses comme elles étaient. Et elle est tombée dessus. Et là, c’est parti en cacahuète. Elle a vu rouge. Elle m’a accusé de raconter notre vie à tout le monde, de l’exposer. Elle a cru que je la salissais. Elle l’a pris comme une attaque personnelle. Elle m’a dit que je me victimisais, que je jouais les pauvres types malmenés alors que c’est pas du tout ce que je voulais faire.

Clara secoua la tête, mi-amusée, mi-intriguée.

— Attends, t’as pas enlevé le texte ? demanda Clara, surprise.

— Non, je l’ai laissé en ligne, répondit Nicolas en se redressant un peu. J’ai pas envie de me censurer. C’est mon histoire, même si elle en fait partie. Ça fait partie de ce que j’ai vécu, et j’ai besoin de le dire.

Clara hocha la tête, son sourire s’adoucissant.

— Je te comprends. Mais t’es conscient que c’est pas fini, non ? Elle va sûrement te relancer.

— Ouais, probablement. Mais j’ai décidé de continuer, malgré tout. C’est pas juste à propos d’elle ou d'une autre, c’est aussi mon histoire, puis une histoire d'autres types de manière générale. C'est bien plus qu'une simple histoire de rupture, c'est une histoire de fuite, de malaise, de détails qui mis bout à bout te fait réfléchir à des trucs plus profond.

Clara resta silencieuse un moment, son sourire s’effaçant peu à peu pour laisser place à une expression plus sérieuse.

— Je comprends, Nico, si tu veux vraiment continuer à écrire ce bouquin, va falloir que tu sois prêt à affronter ce genre de trucs. Parce que ça risque de pas être la dernière fois que quelqu’un va se sentir visé. Surtout si tu parles de ta vie.

Nicolas hocha la tête. Elle avait raison, encore une fois. S’il voulait aller jusqu’au bout, il allait devoir accepter les critiques, les tensions, les conflits, même avec ceux qui comptaient pour lui.

— Ouais, t’as raison, admit-il. Mais sur le coup, ça m’a juste fait flipper. J’avais l’impression de tout foutre en l’air alors que j’essayais juste de... tourner la page.

Clara sourit à nouveau, plus doucement cette fois.

— T’as pas tout foutu en l’air, t’as juste touché un nerf sensible. Peut-être que c’est un signe que t’es sur la bonne voie, qui sait ? Écris pour toi d’abord, et le reste, tu verras bien.

Nicolas sourit, reconnaissant. Clara avait cette manière de remettre les choses en perspective. Peut-être qu’il n’avait pas tout raté, après tout. Peut-être que ce premier essai, aussi chaotique avait-il l'air d'être, était juste le début de quelque chose de plus grand.

Clara leva son verre pour porter un toast.

— Eh ben, t’as déclenché un sacré bordel ! À ce putain de bouquin, mon choux. J’espère que tu vas pas lâcher l’affaire cette fois.

Ils trinquèrent, Nicolas ressentant une pointe de satisfaction. Clara avait cette manière de relativiser les choses tout en le poussant à continuer, sans s’encombrer des complications.

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