Chapitre 42
Nicolas arriva à l’appartement en trombe, tentant de maîtriser sa colère. Il entra et vit Astride assise dans le salon, l’air impassible. Il prit une grande inspiration et demanda, d’une voix qu’il voulait calme, mais qui tremblait légèrement :
— Pourquoi tu m’as envoyé ce message, Astride ? Pourquoi tu veux m’empêcher de voir notre fils ?
Elle leva à peine les yeux vers lui avant de répondre, d’un ton sec :
— Ton comportement avec mes filles est inacceptable. T’as rien à leur dire. Ce ne sont pas tes enfants.
Nicolas sentit une vague de colère monter en lui, mais il la réprima, se forçant à rester calme. Il remit les choses dans leur contexte, essayant de raisonner avec elle.
— Elles s’insultaient, elles se jetaient des objets dessus et tu n’étais pas là. Ta mère ne faisait rien. Je ne pouvais pas laisser ça passer, pas devant notre fils. Je leur ai juste demandé d’arrêter, Astride. C’est tout.
Elle resta silencieuse un moment, puis répliqua, les mâchoires serrées :
— T’as dépassé les bornes. Elles ont déjà assez de problèmes sans que tu t’en mêles.
Nicolas sentit que la discussion n’irait nulle part. Alors, il décida de changer de tactique.
— Très bien. Tu sais ce qu’on va faire ? Tant que tes enfants ne sont pas capables de se comporter sans violence, je prends le petit avec moi. Il sera en sécurité chez mes parents, comme ça tu sauras où il est.
Il monta rapidement à l’étage pour préparer des affaires pour son fils, déterminé à le mettre à l’abri de cette ambiance toxique. Mais à peine avait-il commencé à ranger les vêtements qu’il entendit de l’agitation en bas.
Il descendit précipitamment et vit Astride, sa mère et ses filles en train de manœuvrer. Aidée, elle avait pris son fils et était déjà en route pour sortir de l’appartement.
Il essaya de rejoindre la porte d’entrée, mais l’une des filles se mit en travers de son chemin pour bloquer la sortie. La grand-mère et l´ainé d'Astride le tenaient fermement, l’empêchant d’avancer. Par la fenêtre, il l'aperçut installant son fils dans la voiture et démarrant.
— Putain, mais qu’est-ce que vous faites ? cria-t-il en descendant les escaliers quatre à quatre.
Il tenta de s’approcher de la porte, mais sa belle-mère et les enfants se mirent en travers de son chemin, l’empêchant de passer. Il voulut sauter par la fenêtre pour les rattraper, mais ils l’attrapèrent et l’immobilisèrent, bloquant tous ses mouvements. Pendant ce temps, il entendit du bruit à l’autre bout de la pièce : quelqu’un essayait d’appeler la police.
Il avait l'impression de revivre ce qu'il a vécu il y a quatorze ans. Ça recommençait.
— Ah, c’est comme ça ? Vous voulez jouer à ça ?
Il sortit son téléphone en tremblant de rage et composa le numéro d’urgence. Lorsque le gendarme décrocha, il déversa toute sa frustration.
— Allô, gendarmerie ? Je veux signaler un enlèvement, ma compagne vient de partir avec mon fils ! Il y a eu des violences entre ses filles sous les yeux du petit et maintenant elle l’emmène sans mon accord.
Le gendarme au bout du fil répondit calmement :
— Monsieur, ça n’est pas un enlèvement si l’enfant est avec sa mère. Je comprends que vous soyez énervé, mais il n’y a pas lieu de qualifier ça ainsi.
— Vous ne comprenez pas ! Ils m’ont empêché de sortir, ils m’ont retenu pendant qu’elle partait ! s’écria Nicolas, sentant sa colère monter encore plus.
Le gendarme resta calme :
— Monsieur, il faut que vous respiriez un bon coup. Ce n’est pas une situation d’enlèvement, mais un conflit familial. Prenez du recul avant que les choses n’empirent.
Pendant ce temps, Nicolas entendait les voix de la grand-mère et des filles autour de lui, hurlant qu’il était violent et qu’il avait “maltraité” les enfants d’Astride. Elles parlaient assez fort pour que le gendarme puisse les entendre au téléphone.
— Vous entendez ça ? continua Nicolas, enragé. Elles essayent de me faire passer pour un monstre alors que tout ce que je voulais, c’était protéger mon fils !
Le gendarme tenta de l’apaiser :
— Monsieur, je comprends votre frustration, mais essayez de garder votre calme. Vous ne pouvez pas gérer cela de manière impulsive.
Nicolas, malgré la tempête qui grondait en lui, prit une profonde inspiration et ferma les yeux. Il écoutait attentivement l’officier au bout du fil, qui, d’une voix posée, tentait de le ramener à un état de calme.
— Monsieur, elle va revenir. Il faut que vous restiez calme et que vous laissiez la situation se dérouler. Ne vous inquiétez pas, tout va s’arranger.
Peu à peu, les mots du gendarme firent leur effet. Nicolas sentit sa respiration ralentir, sa colère se dissiper, même si le poids de l’injustice pesait toujours sur lui. Il baissa les épaules, essayant de se détacher du chaos qui l’entourait.
Il était devenu si calme que, de l’autre côté de la ligne, le gendarme ne percevait plus que les cris incessants autour de Nicolas. La grand-mère, les enfants d’Astride, tous accusaient Nicolas à voix haute, sans retenue.
Mais lui, pour la première fois, réussit à les ignorer. Comme si, dans ce silence qu’il s’imposait, il pouvait voir plus clair.
Nicolas finit par remercier l’officier d’un ton plus calme, et l’appel prit fin. À peine eut-il raccroché que la grand-mère, déterminée à faire entendre sa version des faits, saisit son téléphone et composa de nouveau le numéro.
— Allô ! Je vous appelle pour vous dire que le beau-père de mes petits enfant, là, il est violent ! Il voulait enlever son propre fils ! Et il est violent avec mes petits-enfants. Il a déjà sorti le grand de 17 ans de sa chambre de force parce qu’il n’écoutait pas. Une autre fois, il a mis les filles à genoux, face au mur, les mains sur la tête, pour les punir ! Il les harcèle quand ils ne font pas ce qu’il demande !
Le gendarme, visiblement le même que celui qui avait parlé à Nicolas, l’écoutait patiemment, mais la grand-mère ne cessait de se répéter.
— Madame, commença le gendarme d’une voix plus ferme. Vous êtes en train de me parler de méthodes d’éducation, pas de maltraitance. Ce que vous appelez “harcèlement”, c’est ce qu’on pourrait plutôt nommer “martèlement éducatif”, c’est-à-dire de la répétition pour faire comprendre aux enfants les règles.
Elle bafouilla, essayant de reprendre ses accusations.
— Mais… mais il est violent ! Il…
Le gendarme la coupa.
— Écoutez, vous êtes la grand-mère, pas le parent. Il n’y a pas d’urgence ici, pas de raison d’envoyer une patrouille. Vous bloquez une ligne d’urgence pour des cas graves.
Face à cette réprimande, la grand-mère continua de ressasser les mêmes plaintes, mais sans savoir vraiment quoi répondre. Le gendarme, de plus en plus agacé, finit par hausser le ton.
— Madame, c’est la dernière fois que je vous le dis : vous êtes en train de bloquer une ligne d’urgence. Si vous n’avez rien de nouveau à dire ou un vrai danger à signaler, je vais devoir mettre fin à cet appel !
La grand-mère, désarçonnée, resta sans voix. Le gendarme finit par raccrocher, laissant Nicolas seul dans le calme relatif, tandis que la grand-mère, rouge de colère, serrait le combiné entre ses doigts.
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