Chapitre 50

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Sophie observa Nicolas, et un léger sourire s’esquissait sur son visage, empreint d’une touche de lassitude.

— Nicolas, je comprends que ce soit important pour toi, ce texte. Mais tu te rends compte du prix que ça a ? Elle marqua une pause, cherchant ses mots. Pour toi, pour Alice… et même pour moi, en quelque sorte.

Nicolas serra les poings, ses yeux fuyant ceux de Sophie. Son visage se crispa, et il laissa échapper un souffle court.

— Ce n’est pas une question de blesser qui que ce soit, Sophie. Ce que j’écris, c’est plus que notre histoire. C’est... la réalité de beaucoup de gens qui vivent des relations compliquées. C’est pour eux que je le fais, pas pour régler mes comptes. Tu comprends ça ?

Sophie resta silencieuse un moment, puis, d’une voix calme, presque détachée, elle reprend :

— Peut-être. Peut-être que ça t’aide de le croire. Mais Nicolas, ce texte, il porte aussi la trace de notre vie, de nos souvenirs. Ce ne sont pas juste des mots. Elle laissa flotter un silence entre eux, et reprend. Il y a Alice qui va lire ça un jour, tu y penses ?

Nicolas poussait un soupir agacé.

— Oui, j’y pense. Et tu sais quoi ? J’espère même qu’elle le lira. Parce que la vie, c’est aussi ça. C’est des erreurs, des échecs, des...

Elle l’interrompit, ravalant un flot d’émotions.

— Je veux qu’elle sache que son père n’a pas été parfait, mais qu’il a au moins essayé de faire quelque chose de vrai.

Sophie le fixa, et malgré elle, un soupir las s’échappa de ses lèvres.

— Et c’est là que tu te trompes, Nicolas. On n’a pas besoin d’être parfait, mais on peut choisir de ne pas montrer que ce qui est mauvais.

Elle inclina la tête, cherchant à capter son regard.

— Il y a des gens qui te lisent, c’est vrai. Mais peut-être qu’ils ont aussi besoin de lire quelque chose qui leur montre qu’il y a des moments qui valent la peine, malgré tout.

Nicolas hésitait, les mots se bousculant dans sa tête.

— Je ne dis pas qu’il n’y a eu que du noir. C’est pas ça. Mais... c’est important, cette part sombre. C’est elle qui résonne avec ceux qui souffrent. Si j’édulcore tout, ce ne sera plus moi, ni ce que j’ai vécu.

Sophie laissa échapper un léger sourire, sans chaleur particulière.

— Peut-être qu’en équilibrant les choses, tu n’édulcores pas, mais tu montres juste une autre vérité, plus complète. Un message d’espoir, pas seulement un témoignage de douleur.

Elle le fixa intensément.

— Peut-être que ce serait bien de montrer que même dans la chute, il y a des moments où on a volé.

Nicolas réfléchit, visiblement tiraillé entre son envie d’honnêteté brute et cette idée de lumière que Sophie lui proposait.

— Peut-être… Je ne sais pas. Mais tout n’a pas été aussi beau que tu le dis.

Sophie lui lance un regard froid, sans pour autant se départir de son calme.

— Je ne dis pas ça pour minimiser la douleur. Elle est bien réelle. Mais avant tout ça, avant que ça dérape, il y avait des choses qui nous ont construits, qui nous ont fait grandir. Elle marqua une pause, comme pour le convaincre. Rappelle-toi de ces moments-là aussi. C’est tout ce que je dis. Parce qu’en fin de compte, quand tu auras couché tout ça sur le papier, est-ce que tu voudras vraiment que tout ce que tu as vécu soit réduit à une série de blessures ?

Nicolas hocha la tête, sans vraiment répondre. Il hésitait, comme si quelque chose en lui commençait à céder.

— J’ai... mis du temps à accepter ça, tu sais. Que malgré tout, il y avait des bons souvenirs. Que ça ne pouvait pas se réduire à cette fin, aussi douloureuse soit-elle.

Elle le regarda, une lueur de tendresse perçant sa façade froide.

— Alors parle-en, Nicolas. Laisse ce Marc, ce personnage qui te ressemble tant, admettre que, oui, il y a eu de la beauté là-dedans. Parce qu’on ne se remet pas des épreuves sans se souvenir de ce qui était bon. C’est là que se trouve la force des vrais récits.

Il détourne le regard, un brin ému, mais se ressaisit.

— Peut-être que j’en parlerai. Peut-être que je montrerai aussi ces bons moments. C’est vrai que sans eux, je ne serais pas ici, je ne serais pas moi, même dans mes échecs.

Sophie sourit, cette fois-ci avec une touche de sincérité.

— Alors, je pense qu’on se comprend.

Elle marque une dernière pause.

— Et je suis désolée pour ce qui s’est passé, pour cet internement. Mais je pensais que ça t’aurait fait du bien.

Nicolas serra les poings à nouveau, son regard s’endurcissant.

— Eh bien, non, Sophie. Ça ne m’a pas fait de bien. Ça m’a fait sentir comme un prisonnier, privé de tout contrôle sur ma propre vie.

Elle reste un instant silencieuse, avant de simplement acquiescer, son regard adouci, laissant planer un silence qui, pour la première fois, ne semble plus si lourd.

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