Chapitre 43
Nicolas se tenait sur le balcon, sa cigarette à la main, incapable de trouver une solution. Chaque bouffée qu’il prenait semblait l’étouffer un peu plus. Il se frappait légèrement le crâne, espérant que cela lui amènerait une idée, une échappatoire à cette situation qui devenait incontrôlable. À l’intérieur, les voix montaient. Ils parlaient à Astride, lui rapportant la conversation avec la police, et insistant sur le fait que les flics ne voulaient pas intervenir. Chaque mot l’irritait, comme si on le poussait lentement vers un point de non-retour.
Soudain, son téléphone vibra dans sa poche. C’était Astride.
— Allô ? dit-il en essayant de rester calme.
— Tu as vraiment appelé la police ? répondit-elle sèchement.
— Oui, parce que ta mère menaçait de le faire avant moi. Il fallait bien que je réagisse.
— Tu te rends compte de ce que tu as fait ? Si l’Aide Sociale à l'Enfance apprend ça, ça peut me retomber dessus ! Mon travail, Nicolas, tu y penses ?
— Et alors ? répliqua-t-il, presque détaché.
Un silence pesant s’installa, comme si les mots s’étaient épuisés.
— Je reviens. On va en parler, finit-elle par dire avant de raccrocher.
Il rangea son téléphone, le regard vague. Sa main tremblait légèrement alors qu’il allumait une nouvelle cigarette. Il ne pouvait pas rester là, immobile, à attendre comme un condamné. Il commença à faire les cent pas, tel un fauve en cage, allumant cigarette après cigarette, le regard rivé sur l’horizon, cherchant un point de fuite à ses pensées.
Une idée lui traversa l’esprit. Il se souvint de cette fois où il avait pris des médocs pour échapper aux piques de la mère de sa fille. Ce n’était peut-être qu’un détail dans une vieille histoire, mais l’idée résonnait en lui. Pas cette fois. Pas question de fuir ou de se laisser faire. Il ne serait pas faible. Pas cette fois-ci.
Astride était revenu enfin, avec leur fils, mais plus tendue que d’habitude, et se dirigea directement vers le balcon. Nicolas, fumant une dernière cigarette, la vit s’approcher. Elle ne dit rien, se contentant de signaler sa présence d’un regard. Elle entra dans l’appartement, et il la suivit.
À l’intérieur, ils prirent place à la table de la cuisine, l’atmosphère pesante et lourde. Nicolas commença par lui relater les événements de la journée. La dispute entre les filles, son intervention, et le fait qu’il n’avait rien fait de mal. Il répétait calmement ce qu’il avait dit à sa mère.
— Ce n’est pas le problème, rétorqua Astride. Tu as dit à ma mère que je ne savais pas éduquer mes enfants. Tu te rends compte ?
— Ce n’est pas ce que j’ai dit, répondit-il. Ce que j’ai dit, c’est qu’avant de me parler d’éducation, elle ferait mieux de s’occuper de ses propres enfants et petits-enfants.
Le silence s’installa brièvement avant qu’Astride ne le rompe.
— Bon, qu’est-ce que tu veux ? demanda-t-elle sèchement.
— C’est simple. Je veux une garde partagée, répondit Nicolas, déterminé.
— Il est trop petit. Il ne va pas comprendre, insista-t-elle.
— Ah bon ? Vu nos horaires décalés depuis deux ans, je pense qu’il est déjà très bien adapté à cette situation.
Astride hésita un instant avant de répliquer :
— Alors on va voir le JAF.
Nicolas soupira légèrement.
— Je ne veux pas aller devant un juge. Une convention parentale existe déjà. On se met d’accord, on la signe et on la donne au tribunal, c’est validé. Pas besoin d’en arriver là, expliqua-t-il.
— Non, je veux passer devant le JAF, insista-t-elle.
Il hocha la tête, frustré mais toujours calme.
— OK, alors je vais faire venir un enquêteur social. On en connaît tous les deux, ils viendront voir comment ça se passe ici.
— Je ne signerai rien, trancha-t-elle, les bras croisés.
Nicolas la fixa, un mélange de fatigue et de résolution dans le regard.
— Alors on se met d’accord maintenant. La convention n’est qu’une formalité. Je me suis renseigné. Elle n’est pas nécessaire si on parvient à un accord. Tout ce que je veux, c’est que ça se passe bien pour le petit. C’est tout.
Astride le fixa, le regard dur, mais un éclat de quelque chose — peut-être de la culpabilité — traversa ses yeux.
— De toute façon, tu me l’avais dit au début de notre relation, reprit-elle. Que la prochaine qui te fera du mal, tu ne te laisseras pas faire. Tu ne me laisses pas le choix.
Ces mots résonnèrent dans l’esprit de Nicolas. Pour la première fois de sa vie, il se sentait réellement en contrôle, comme s’il avait enfin trouvé la force de tenir tête. Il n’agissait pas par vengeance, ni pour prouver quoi que ce soit à Astride ou à sa belle-famille. Même s'il avait souffert émotionnellement ces derniers temps. Non, cette fois-ci, il se battait pour son fils. C’était lui le père, et il devait le montrer, clairement, sans faillir.
Il se tenait là, calme mais ferme, sachant que, quoi qu’il arrive, il avait raison de porter ce combat. Il n’était plus cet homme passif, abattu par la vie. Il portait ses responsabilités, comme on dit souvent : il portait ses couilles pour son fils, pour protéger ce lien qu’il refusait de voir brisé par des querelles sans fin.
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