Chapitre 3: Le Roi est mort...

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Ce fut le froid qui le réveilla de longues heures plus tard. Le prince se redressa brusquement, cherchant sa respiration dans l’air glacé du matin. Un rapide examen de sa personne l’informa que ses blessures avaient coagulé mais un simple mouvement l’avertit que la douleur était toujours présente. Il attrapa ses armes tombées au sol et se redressa prudemment pour observer les alentours. Personnes ne semblaient avoir survécu à cette bataille. L’herbe verte s’était teinte du rouge sang des corps et du noir des cendres. Le sol était jonché des cadavres des soldats et de leurs montures.

À son grand dégoût, Setenta s’aperçut que des corbeaux et autres charognards s’étaient invités au festin de la mort. Il ne prit pas la peine de les chasser et se dirigea vers les bois d’un pas chancelant. Atteignant la lisière, il prit sa forme surnaturelle mais garda cette fois une taille conventionnelle. Après quelques minutes, il aperçut les maisons de Faël. La bonne nouvelle c’est qu’aucun soldat ennemi n’avait pu y parvenir. Toutefois, un détail attira son attention, attaché devant l’une des maisons se trouvait un cheval alezan. Ça n’avait rien d’extraordinaire mais Seth reconnut là la monture d’un des soldats qui s’était battu à ses côtés. Il reprit forme humaine, ses blessures avaient démarré leur cicatrisation et le faisait déjà moins souffrir.

Il flatta rapidement l’encolure du cheval avant de le dépasser et de frapper. Le soleil ne pointait pas encore ses rayons mais, d’après ses estimations, les combats ne s’étaient terminés qu’une ou deux heures plus tôt. La porte s’ouvrit brusquement et l’héritier se retrouva face à une épée juste au niveau de ses yeux.

“Ce n’est pas vraiment l’accueil auquel je m’attendais mais, étant pressé, je ne vais pas m'appesantir dessus.” Dit-il simplement en détournant la lame.

“Prince ? Mais c’est impossible !” S’étrangla le soldat en rengainant son arme, “On a vérifié, vous étiez mort !

-Je suis un miracle marchant alors, avez-vous déjà prévenu Daingean ?” poursuivit le brun en entrant.

Trois soldats étaient à l’intérieur, le fixant comme s'ils avaient devant eux un fantôme.

“Non, pas encore. Un magicien du village est venu nous voir il y a trente minutes mais il n’arrive pas à contacter la capitale. Il dit ses pouvoirs affaiblis.” Expliqua l’un d’eux.

Setenta fronça les sourcils, si le magicien en question n’était pas affaibli, le problème venait de la ville et cela n’annonçait rien de bon.

J’espère vraiment me tromper…

-Bien, continuez d’essayer de les contacter, je vais les rejoindre sur le champ.” Avertit l’héritier en faisant demi-tour.

“Prince ! Vous ne pouvez pas parler sérieusement ! Vous venez d’échapper à la mort, vos blessures ne peuvent avoir disparues ! Vous devriez prendre du repos !” l’avertit un homme d’âge mûr aux cheveux grisonnant clairsemés.

“L’avantage quand on possède mon titre, c’est que je peux agir comme bon me semble. Faites ce que je vous dis. Si jamais une nouvelle attaque survient ici, évacuez le village, j’ai repéré des cavernes dans les bois, et faites-moi prévenir. J'essaierai de vous avertir de la situation une fois sur place.” Ordonna le change-forme avant de refermer derrière lui la porte.

“Il est complètement fou… ” murmura l’un des vétérans dans un filet de voix.

§

Le chemin avait disparu sous la course folle du loup. Son apparent sang-froid s’était évanoui dès qu’il avait pris sa forme de Dogue. Il avait rapidement été remplacé par l’inquiétude. Il ne ralentit qu’une fois la forêt derrière lui. En voyant la vallée étendue devant lui, le cœur du lycan rata un battement. Au-dessus de la citadelle et de ses alentours, de larges bandes de fumée noires montaient dans le ciel. L’héritier reprit sa course.

Alors que la brume disparaissait, le maudit atteignit les murailles. Un goût métallique alourdissait l’air. Un monceau de corps se trouvait près des murs. Le lycanthrope s’en approcha. Armes, drapeaux et cotes de maille s’emmêlaient dans un chaos métallique et organique. Les soldats du Connaught et de la famille Lir s’était littéralement entre-tués. Les armoiries déchiquetées et l’herbe ensanglantée en était la preuve. Le loup ne s’attarda pas sur le carnage et entra dans la cité.

Les rues de celle-ci étaient désertes, la ville, silencieuse. Personne ne semblait se trouver là. Seules traces de vie humaine, des bagages abandonnés ici et là. Une partie de la population avait apparemment réussi à s’enfuir. Cependant, quelques pas plus loin, il trouva de nouveaux corps. Un soldat et un couple de civil, passés au fil de la lame.

Le lycan reprit sa course en veillant à ne pas être vu par les mercenaires ennemis qui pouvaient se trouver là. Il monta jusqu’à arriver devant les portes du château. Celles-ci étaient closes aussi dut-il reprendre sa forme humaine. Ses os craquèrent dans un bruit désagréable avant de reprendre leurs tailles et formes habituelles. Il poussa doucement l’un des battants en gardant une main prudente sur la garde de son arme. L’odeur de fer lui fit tourner la tête. La grande salle était devenue le théâtre d’un spectacle macabre. Le sol de pierre claire était désormais carmin, couvert d’un sang qui s’incrustait dans les plus petites aspérités de la roche. Par-dessus, des corps. Des hommes, désarmés ; des soldats ; des femmes ; des enfants… Le banquet s’était transformé en un bain de sang.

L’héritier avança, couvrant ses bottes de liquide rougeâtre à moitié séché. Les corps à ses pieds avaient été des personnes qu’il connaissait, des proches qu’il avait apprécié… Peu à peu, il ne s’attarda plus sur les cadavres. Il marchait de plus en plus vite, courant presque pour rejoindre la salle du trône. Les portes avaient volé en éclats, laissant la pièce sans défense. Setenta entra, ses mains tremblaient légèrement à l’idée de ce qu’il allait découvrir. Devant lui se trouvaient les quatre trônes. Ceux des princes étaient en morceaux et celui de la reine avait été réduit en cendres. Seul celui du roi était toujours intact, seulement couché au sol.

Alors qu’il avançait, le brun buta contre un corps. Il baissa les yeux pour découvrir le cadavre pétrifié par la mort de Sir Bran. Ce dernier avait été transpercé par de nombreux de coups. Il était mort l’arme à la main, entraînant son tueur avec lui. Le prince s’agenouilla et ferma les yeux de son ancien mentor :

“Puisses-tu trouver ton chemin jusqu’à la terre de tes ancêtres… ” murmura le jeune homme avant de se relever.

Il ignora les autres corps et poussa la porte de la salle des stratèges. Tout d’abord, il la crut vide. Puis, en avançant, Setenta vit une silhouette masculine effondrée sur la table et les cartes. Oubliant toute prudence, il lâcha son épée et se précipita sur le corps. Il le retourna.

“Père…” dit-il d’une voix éteinte.

Les parchemins étaient couverts du sang d’Odran Lir. Sa couronne avait roulé plus loin, abandonnant son propriétaire. Ce dernier s’était fait poignarder dans le dos, probablement par une dague. Il n’avait pas pu réagir. Le lycanthrope recula, ses mains étaient désormais couvertes de sang. Ce n’était pas la première fois qu’il perdait un parent. Il avait vu sa propre mère être transpercée par une lance des années auparavant. Mais le jeune homme n’avait alors que sept ans… Là, il avait l’impression de perdre pied dans ce carnage…

Le prince secoua la tête, ignorant la douleur qui irradiait de sa moelle épinière : il devait trouver Cian et son frère. Il ramassa son épée ainsi que la couronne du roi et continua.

À peine quelques pas plus tard, c’est le corps d’Adarah qu’il trouva égorgé et baignant dans une marre de sang. Un éclair de douleur vrilla les tempes de l’aîné. Il était en train de tout perdre… Il y avait bel et bien un traître au conseil. Et Setenta lui ferait payer mille fois le massacre de ses pairs. Mais il devait d’abord trouver Heddwyn. Si Cian avait protégé son cadet, il l’avait sûrement emmené dans les salles basses.

Il détourna les yeux de la défunte reine et se dirigea vers les escaliers du château.

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