Chapitre 6: Le Dragon d'Or
Le cheval rua en sentant l’aura sauvage et meurtrière qui entourait l’être dévasté qui se trouvait devant lui. Sa panique ne fit qu'augmenter lorsque la forme humaine se mua en un loup immense. Son cavalier tomba à terre, réceptionnant tout son poids sur son poignet qui émit un craquement sinistre. Les soldats continuaient à crier de douleur au sol, cherchant vainement à comprimer leur plaie. Un grognement sourd et ils cessèrent de bouger, la gorge déchiquetée.
Le loup tourna sa tête désormais tachetée de sang vers le cavalier. Celui-ci tenta de se lever mais son poignet se déroba sous son poids. Son armure pourtant de bonne facture ne lui fut d’aucune utilité contre les griffes du lycanthrope. Ces dernières percèrent l’épaisseur de métal aisément, atteignant sans problème la cotte de maille, puis le tissu et enfin, la chair.
Un cri perçant retentit lorsque la peau s’ouvrit sous la pression des griffes du Dogue. C'eût le mérite d’être rapide. Une fois ses victimes décimées, la créature poussa un hurlement. Même un être humain l’aurait compris. Il s’agissait d’un appel. Et d’autres répondirent. Les forêts d’Eire étaient peuplées de bien des choses et les meutes en faisaient partie. Les bois de Jaderock en comptaient à eux seuls deux. Et elles obéissaient toujours au Dogue d’Eire.
Maintenant il avait une armée. Et il comptait s’en servir.
§
Les soldats du Connaught ne s’attendaient pas à de la résistance et encore moins à une contre-attaque. Ils étaient les seuls à avoir fait couler le sang dans la capitale et ils comptaient maintenir cela ainsi. Mais les loups en avaient décidé autrement. Pour faire entrer leurs armées dans Daingean, les mercenaires n'avaient pas trouvé mieux que de faire exploser un large pan de la muraille, s’ôtant par la même occasion la protection des murs de la cité. Les bêtes ne s’étaient pas gênée pour utiliser cette porte d’entrée si bien préparée pour eux. Le massacre s’était répété. Mais cette fois, l’assaillant devint l’assaillit.
Dans les murs épais du château, le roi Dag était assis sur le trône d’Odran. C’était un vieillard au visage défiguré, autant par les cicatrices que par les rides. Ses yeux bruns avides de pouvoir étaient en partie dissimulé par des cheveux filasse grisâtre qui tombaient devant sa figure. Dès qu’on lui avait appris la mort de son ennemi, le tyran avait décidé de visiter son nouveau royaume. Bien mal lui en prit.
Alors que Dag contemplait le sol incrusté du sang de ses victimes, un soldat entra brusquement dans la salle.
“Pardonnez mon intrusion sire… ” Commença ce dernier en mettant un genou à terre.
“Quoi ?” s’irrita son monarque en lui lançant un regard meurtrier.
Le nouveau venu pâlit. Même les mercenaires qui constituaient en majeure partie l’armée du Connaught redoutaient la cruauté du roi. Il se reprit cependant et poursuivit :
“Les armés de Camelot s’approche du flanc Est, nos sentinelles ont repérés les premiers cavaliers dans la vallée.
-Et bien ?! Je vous paye pour vous battre il me semble ! Qu’attendez-vous ?!” répliqua le seigneur.
“Nous ne pouvons pas sire ! La cité est envahie de loups ! Nos hommes peinent déjà à s’en débarrasser !” expliqua le soldat.
“C’est une plaisanterie ?” Siffla le roi, “Vous êtes des mercenaires par tous les dieux ! Et vous laissez des animaux vous mettre en débande ?! Réglez-moi ça immédiatement ! Croyez-moi, ce n’est pas l’armée ou les loups qui vous mettront en pièces si vous n’obéissez pas… ”
Le soldat se releva immédiatement, ne pouvant qu’acquiescer. Il partit à reculons avant de disparaître derrières le battant toujours debout de la porte.
“Incapables… ” Grinça l’envahisseur.
Déjà qu’il dépréciait tout particulièrement cette région du pays, il avait fallu que ceux qui étaient censés faciliter son ascension au pouvoir soient de parfaits demeurés ! Les espions qu’il avait placés dans la population n’avaient réussi qu’à se faire tuer et ceux du conseil n’avaient survécu que par miracle. Le seul ayant réussi son travail correctement était ce traître qu’il avait grassement payé. Ce dernier avait semblé particulièrement heureux de planter son poignard dans le dos de son ancien roi ou de tirer du haut de la muraille sur ses anciens alliés. Dag caressa pensivement sa barbe. Dès que la situation serait calmée, il ferait tuer cet individu. Trop intelligent et prompt à changer de camps dès que le vent tournait.
Lorsqu’il aurait fait le ménage, le monarque songeait à laisser cette province à Kadvael, son fils aîné. Ce dernier ne serait enfin plus dans ses pâtes sans arrêt ! Le roi Dag n’aimait personne et ses héritiers ne faisaient pas exception. Même si son aîné avait toujours eu sa préférence. Il était brutal et manquait de finesse mais possédait la même soif de pouvoir et la même cruauté que son père. C’était d’ailleurs pour cela que les deux se méfiaient l’un de l’autre.
Ses pensées furent interrompues par une explosion. Le monarque sauta au bas du trône et se précipita à l’une des nombreuses fenêtre ouvragées. Près des murs de l’enceinte, une large fumée se dégageait. Quelque chose venait de nouveau de provoquer une brèche dans la muraille de Daingean. De là où Dag se trouvait, il ne pouvait que difficilement apercevoir les assaillants mais il se doutait qu’il s’agissait de soldats aux armoiries rouges et dorées.
Un hurlement de loup retentit, sonnant comme un appel à la retraite pour le monarque. Ce dernier eut un court sourire, ne plus avoir ces bestioles dans les pattes seraient toujours ça de plus. Ses mercenaires avaient beau être de parfaits et stupides incapables armés, ils seraient toujours à même de se charger de l’armée qui arrivaient vers eux. Sur cette constatation, l’envahisseur décida de sortir de la salle du trône pour avoir plus d’informations.
Une question le taraudait : Comment est-ce qu’Uther Pendragon, ou quiconque étant à la tête de cette armée avait pu apprendre l’attaque aussi vite ? L’entré en territoire ennemi avait eut lieu peu de temps après l’installation totale de la noirceur nocturne. Et voilà que l’armée de Camelot arrivait à Daingean à midi non passé ! Il y avait définitivement quelque chose d’étrange…
Alors qu’il s’approchait de la porte, un large projectile alla s’écraser contre le trône récemment conquis. Au vu du bruit métallique et de chaires, Dag supposa qu’il s’agissait d’un soldat. En armure de plus de vingt-cinq kilos… Un grognement sourd retentit dans la pièce adjacente. Le tyran tourna lentement la tête vers cette dernière. Devant lui se trouvait une créature mi-chien, mi-loup, le dépassant de plusieurs têtes. Il n’eut le temps que de faire un pas en arrière avant de se retrouver projeté au sol.
Son crâne heurta violemment le sol de pierres grises qu’il avait lui-même couvert de sang. Alors que le vieillard poussait un gémissement de douleur pitoyable et tentait de reculer, le loup le plaqua à terre d’une patte griffue. Le roi ne pouvait plus respirer. Le Dogue faisait peser tout son poids sur sa cage thoracique, dont les os friables émirent bientôt des craquements inquiétants. Dag se débattait autant qu’il pouvait, mais le prédateur ne faisait pas mine de bouger d’un millimètre.
L’envahisseur eut la glaçante impression que ça prenait son temps.
Il n’eut cependant jamais le temps de plus questionner ces impressions. Le poids sur ses côtes s’alourdit brusquement alors que le monstre enfonçait ses griffes dans sa peau, déchirant ses chaires sur toute leur longueur alors que le roi hurlait de douleur. Mais personne ne viendrait à son aide. La moitié de ces mercenaires était mort, l’autre moitié en train de combattre contre les soldats de Camelot.
C’est dans un gargouillement ridicule que le cruel roi Dag mourut, le cœur dévoré par une créature à laquelle il n’avait jamais crut.
§
Sir Leon aurait dû mourir au moins deux fois sur le trajet qui l’avait mené jusqu’à Daingean. Tout d’abord lors de la traversée, lorsque son bateau avait failli couler près des côtes rocheuses d’Eire, puis lorsqu’il était entré dans la ville même où un mercenaire et un loup s’en étaient pris à lui. Mais il était visiblement très chanceux puisqu’il était maintenant sur le point de passer ce qu’il restait des portes de la salle du trône.
À peine y eut-il posé un pied que son air concentré s’effaça pour laisser place à un dégoût et une incompréhension des plus totales.
Devant lui se trouvait le corps sans vie du roi Dag en train d’être déchiqueté petit à petit par un loup qui ne pouvait pas avoir atteint une telle taille naturellement. On lui avait bien dit que l’Eire était pleine de créatures tirées de légendes mais Leon n’y avait jamais réellement cru. Et voilà qu’il se retrouvait face à un loup qui devait faire au minimum une à deux têtes de plus que lui.
Alors que le chevalier était paralysé, la créature tourna son attention vers lui, révélant une gueule couverte de sang et deux orbes dorés. Leon réagit trop lentement. Avant même qu’il ait pu poser la main sur le pommeau de son épée, le loup était devant lui. Le noble déglutit lentement, s’attendant à finir comme le cadavre gisant tout près d’un instant à l’autre. Mais la créature passa devant lui sans l’attaquer, ne lui lançant qu’un regard méfiant avant de disparaître.
Là seulement, le chevalier recommença à respirer. Trois fois. Il avait failli mourir trois fois en allant en Eire.
“Sir ! Est-ce que tout va bien ?” s’enquit un des soldats qui l’avait rejoint.
“Oui, oui, je vais toujours mieux que ce pauvre bougre… ” répliqua Leon avant de se tourner vers ses subalternes, “Envoyez un message à Uther Pendragon, dites lui qu’il peut maintenant considérer l’Eire comme l’une de ses provinces.”
Annotations
Versions