La professeure salue toutes les participantes puis toutes s’installent en rond autour d’elle. Je connais cette pratique par cœur pour y avoir participé un nombre incalculable de fois. Tout ceci me rappelle de bons souvenirs. Mes débuts dans ce monde de charme. Et la joie me monte aux yeux. Surtout lorsque je vois ma sœur qui scrute la donneuse de leçon sans ciller, histoire de ne rien omettre d’important. Je sais qu’elle est ravie d’être présente, car son sourire éclatant ne quitte pas ses lèvres, à aucun moment.

Alors que je regarde le cours se dérouler, je me questionne au sujet du message d’Amy. Ce premier client qui veut juste une belle femme à ses côtés, pour des choses aussi anodines qu’une séance de ciné et du shopping. Jamais je n’avais pensé qu’il y avait de ça dans ce métier ! Quand elle m’en a parlé, je ne voyais que du sexe, partout, et tout le temps…

J’ai déjà répondu à son texto, j’ai tout de suite accepté et maintenant, je n’ai plus qu’à attendre qu’elle me dise où et quand je dois le retrouver. Cet homme qui n’a pas d’âge et de prénom à mes yeux.

Sur la piste, c’est au tour de ma sœur de commencer l’effeuillage. Elle qui d’ordinaire est très pudique, pour le coup, elle n’en a pas l’air ! Son corps ondule de gauche à droite tandis que ses mains descendent lentement les bretelles de son top. Elle est magnifique ! J’espère qu’elle en prendra vite conscience ! Mais je ne peux m’empêcher de me demander la VRAI raison pour laquelle elle souhaite si fort être moins coincée. Même si je sais que sa relation avec Cédric y est pour beaucoup, je reste convaincu qu’il y a autre chose derrière ses attentes. Et je compte bien découvrir ses raisons…

La soirée est terminée, Alizée, sur le chemin du retour, n’a pas cessé de me remercier. Elle m’a aussi demandé si elle pouvait reprendre des cours sur Paris pour se perfectionner. Je lui ai donné quelques adresses de clubs qui se trouvent près de chez nous, mais ma sœur ne voulait se rendre qu’à la salle dans laquelle j’ai tout appris. Je suis si fière qu’une telle relation naisse entre nous, même si je regrette nos années d’engueulades passées. Toutes ses prises de bec sans raison apparente. Elle n’aimait pas mon métier, je n’aimais pas ses amis et voilà, tout partait en vrille à chaque fois. Mais son regard sur mon monde a changé on dirait, et j’en suis heureuse. Je sais, au fond de moi, que le meilleur est à venir et je compte bien tout faire pour que ce soit le cas.

Les bras ballants, rongée par la fatigue, je rentre dans ma chambre, me déshabille en vitesse, enfile une robe de nuit sexy, même si je suis tristement seule et me couche après avoir lu quelques pages de ma nouvelle lecture entraînante.

Lorsque je me lève le lendemain et que je lis le message d’Amy, tout s’accélère et la peur me gagne. Mon cœur bat la chamade à l’idée de partir avec un inconnu demain après midi. Aussi, beaucoup de questions barrent le chemin de la moindre détente en travers de mon esprit. Je n’arrive plus à réfléchir, j’angoisse.

Que vais-je mettre ? Comment je me coiffe ? Est-ce que je me maquille un peu, ou beaucoup ? Des choses bêtes en partie, mais importantes pour ma première fois. Je suis habituée à être seule avec des hommes, mais là, c’est différent, ce sont eux qui me choisissent et non l’inverse !

Puis Gabin revient dans mes pensées. Je le chasse aussi vite qu’il apparaît et me prépare à cette journée que je vais passer à me reposer en lisant puisqu’Alizée repart chez elle dans à peine quelques heures.

Le soir venu, impossible de fermer l’œil. Je tourne et me retourne dans lit, inlassablement. Il est déjà deux heures du matin et je sais que je n’arriverais pas à dormir. Heureusement, j’ai prévu des sachets de thé à la camomille dans ma valise. J’ai l’habitude des insomnies, même si cela faisait longtemps que ça ne m’était pas arrivé ! Après avoir bu le breuvage miracle, je repars me coucher et pris Morphée pour qu’il vienne me chercher.

Le réveil sonne, il est dix heures. Mes paupières sont lourdes et je peine à les ouvrir. Pourtant, je sais que c’est le grand jour et à l’angoisse se mêle l’impatience. La nuit a été tellement courte que je grappillerais bien encore une heure ou deux ! Mais il faut que je me prépare et je ne suis jamais rapide !

Je sors du lit et commande aussitôt un petit déjeuner gourmand. Après le repas, je prends un long bain relaxant dans une onctueuse mousse aux senteurs de vanille. La musique ponctue tous mes faits et gestes, elle me relaxe. Lorsque j’essuie mon corps, je fais en sorte d’être dos au miroir, histoire de ne pas me morfondre sur cette cicatrice qui me rappelle de mauvais souvenirs.

De retour dans ma chambre, enveloppée du peignoir moelleux de l’hôtel, les cheveux enroulés dans une longue serviette, j’enfile mes sous-vêtements puis ma entre dans ma tenue du jour : une jupe cintrée surmontée d’un chemisier blanc entrouvert. Mes Louboutin feront très bien l’affaire. Je prépare aussi ma pochette en velours noir et y mets mes papiers d’identité ainsi que mon téléphone portable.

À la dernière seconde, je décide de ne pas me maquiller et me parfume juste d’une note de « Guerlain, la petite robe noire » et me voilà prête à partir, il est 13 heures 30.

Mon premier contrat est un véritable succès ! Moi qui angoissais toute la nuit, je dois bien dire que je me suis vraiment amusée ! Patrick est un homme très gentil, la cinquantaine et le cœur sur la main. Une âme bonne, sincère qui a juste besoin de compagnie afin de ne pas tomber dans le géant trou noir qu’il m’a décrit depuis la mort de sa femme, il y a trois ans. Un homme qui ne désire rien d’autre que de la compagnie, rafraîchissante et sûre, c’est pourquoi il fait appel à des escortes girls.

Au cinéma, nous avons regardé le nouveau « Star Wars » puis nous sommes allés prendre un café dans un restaurant à proximité. C’est là qu’il m’a tout raconté. Ensuite, il avait besoin de refaire sa garde-robe et ne l’avait jamais fait sans la présence de sa femme. Il était perdu face à tous ces choix de costumes et chemises en tout genre que je me suis faits un plaisir de l’aider dans sa tache. Pour me remercier, il a même tenu à m’acheter cette magnifique robe de soirée ajustée aux couleurs d’or.

Je ne garde vraiment que des bons souvenirs de cette première fois et Patrick, au moment de me raccompagner, m’a juré qu’on se reverrait. Il avait l’air heureux et voir de la joie dans ses yeux m’a émerveillé. Nous les femmes, nous avons un don, j’en suis certaine !

À peine la porte de ma chambre franchie que mon portable sonne. C’est Amy. Je décroche tout en me déchaussant :

— Bonsoir Alicia, c’est Amy, tu vas bien ?

— Bonsoir, oui, très bien !

— Ton rendez-vous s’est bien passé ? Je viens aux nouvelles…

— Eh bien oui je crois… Patrick semble avoir apprécié. Le courant passait très bien, rien n’a signalé…

— La grande question est : tu souhaites poursuivre ? On passe au niveau supérieur ?

J’avoue que là, la peur me regagne…