Chapitre 23 : Pardon
Gabin, ému, me rend mon baiser et plus encore. Ses mains se faufilent dans mes cheveux et me caressent la nuque timidement. Fiévreux, il se recule d’un pas puis me fixe sans ciller, comme s’il cherchait à lire en moi. Ses pouces viennent essuyer les larmes qui coulent sur mes joues de façon apaisante, la boule qui obstrue ma gorge disparaît peu à peu face à sa tendresse.
— Ne te met pas dans cet état ma belle, tu détruis tout ton maquillage, ironise-t-il pour me donner le sourire.
Et ça fonctionne durant quelques instants. Les portes de l’ascenseur s’ouvrent. Gabin me prend par la main et je l’entraîne dans ma suite. La chaleur de ma chambre m’enveloppe telle une serviette chaude et me fait du bien. Mon manteau retiré, je me vautre sur le canapé en attrapant mon plaid aux motifs zébrés.
— Tu permets ? me questionne-t-il en empoignant ma cheville.
J’acquiesce d’un signe du pouce et, serviable, il me retire mes chaussures puis me masse la plante des pieds. Toutes ces choses qu’il fait pour moi sont si gentilles et si agréables alors que moi, j’ai été d’une horrible méchanceté ! Je m’en veux tellement de m’être servie de lui pour l’autre !
— Je suis désolée pour ce soir. Sincèrement, dis-je sans oser le regarder.
— Je ne t’en veux pas, Alicia, je ne suis pas ce genre d’homme rancunier, tu sais !
Trois coups résonnent contre la porte et me font sursauter.
— Reste là, j’y vais.
Gabin se lève et revient une minute plus tard avec nos cafés. L’odeur du délicat nectar me met aussitôt l’eau à la bouche. Je souffle sur le liquide ambré dans la tasse afin qu’il refroidisse plus vite, mais je réussis tout de même à me brûler la lèvre.
— Je suppose que tu veux des explications ? je demande en posant ma boisson fumante sur la table basse.
— Seulement si tu veux en parler, je ne t’y obligerais pas en tout cas…
— Laisse-moi trouver les bons mots.
Il attrape la télécommande sur la table de nuit puis d’une force herculéenne, alors que j’y suis toujours allongée, il réussit à faire pivoter le fauteuil pour qu’il soit pile en face de la télévision. Gabin prend place à l’autre extrémité et, sans me brusquer, il saisit mes jambes pour les allonger sur les siennes avant de bien réinstaller la couverture. Il zappe les chaînes durant quelques minutes avant de jeter son dévolu sur une émission policière. Je regarde l’écran sans le voir, je n’entends même pas le son tant les mots dans ma tête défilent à toute allure. La respiration de Gabin devient de plus en plus lente, il se relaxe, il est apaisé, sa main est posée sur mon genou gauche et son pouce trace des cercles.
— Tu es bien installée ? me demande-t-il préoccupé.
— J’ai juste un peu froid, mais ça ira…
— Donne-moi ta main, dit-il en me tendant la sienne.
La chaleur qu’elle dégage se propage aussitôt du bout de mes doigts jusqu’à mon coude. Pour sûr, ce mec est un vrai radiateur ambulant ! En moins de quelques secondes, je me réchauffe. Finalement, je crois que j’aime beaucoup sa présence…
— Je suis désolée pour tout. Le resto, la crise de nerfs... Tout est de ma faute, je t’ai demandé d’aller dans cet établissement parce que je savais qu’il y serait… Je voulais le blesser en me pavanant avec toi, mais je n’aurai pas dû t’utiliser, je m’en veux tellement Gabin, tu ne mérites pas ça du tout…
— Ne t’en fais pas pour moi ma belle, c’est rien, d’accord ? En revanche, j’aimerais savoir, si tu veux bien évidemment, pourquoi tu voulais blesser ce mec…
Je prends une grande respiration et lui explique l’histoire, de A à Z, comme si mon ami s’était transformé en psychologue de dernière minute. Déjà, à l’époque de ma blessure, parler de tout et de rien à ce genre de personne m’avait fait beaucoup de bien et aujourd’hui, je ressens la même sensation de liberté alors que je m’exprime.
Je ne sais pas forcément pourquoi, mais je me confie sur toute la ligne à cet homme que je connais si peu et qui me faisait pourtant peur il y a à peine une heure, mais son oreille attentive m’apaise, sans parler des expressions sur son visage qui me permettent de voir qu’il comprend tout. Je me sens mieux à la fin de ma tirade, je me sens libérée, même s’il reste des grosses parts d’ombres que je n’ose révéler dans mon récit. Du moins, pour le moment…
— Et donc, si j’ai bien tout suivi, tu étais folle amoureuse de lui, mais lui ne voulait que de la baise. Mais… était-il au courant de tes sentiments ? Lui avais-tu déjà parlé à l’époque ? As-tu couché avec lui lorsque vous étiez jeunes ?
— Non ! je réponds comme si c’était évident. Je ne lui ai jamais adressé la parole, je n’étais qu’une gamine amoureuse dès le premier regard et il s’amusait à me faire des yeux doux tout ça…
— Alors, qui te dit qu’il n’avait pas déjà flashé sur toi, lui aussi ? Tu sais, les mecs sont parfois étranges dans leur comportement et les gars comme lui font souvent tout l’inverse de ce qu’ils désirent vraiment…
Soudain, ses paroles font leur chemin dans ma tête et me donnent une idée tout autre de celle que je m’étais faite. J’ai déjà vu ce genre de comportement avec l’une de mes anciennes amies. Cette dernière, Mélodie, était capable de galocher un boutonneux ou même n’importe qui d’ailleurs, juste pour en faire baver son ex alors, c’est le même processus ! Si mon amie avait utilisé cette astuce, peut-être que Daegan le faisait également ?
Je me redresse brusquement dans le canapé et me rapproche de lui en m’essayant sur mes jambes repliées.
— Attends, tu veux dire que, si ça se trouve, il avait peut-être des vues sur moi et pour m’atteindre il baisait des meufs ?! Il aurait fait ça pour que je devienne jalouse et que je m’intéresse à lui ?!
— En autre oui… C’est tout à fait probable ! Dans le genre : « allumer la jalousie pour déclarer sa flamme ». Il voulait se donner un style pour t’atteindre. Enfin, je suppose hein, je n’affirme rien, mais aux vues de son comportement de l’époque et surtout d’aujourd’hui, je pense que tout colle parfaitement !
Mon coeur se remet à battre rapidement. Et si j’avais eu faux sur toute le ligne ? Et si Gabin avait raison et que Daegan voulait m’atteindre en me rendant jalouse ? Je me souviens de ces regards insistants alors qu’il passait près de moi avec une fille à son bras. Ou de ces petits mots chuchotés à ses amis alors qu’il regardait dans ma direction.
— Ne le prends pas mal, Alicia, mais c’est aussi la méthode que tu as utilisée ce soir. Sortir avec moi, juste pour l’atteindre… Parce que, je suis convaincu qu’au fond de toi, la flamme est toujours allumée, toujours étincelante et prête à flamber de plus en plus fort pour lui ! Je suis même prêt à parier que ses souvenirs de jeunesse sont semblables aux tiens : une fille charmante, séduisante, mais inaccessible. Et si c’est le cas, il a tenté, tant bien que mal, de faire tout ça pour que tu le remarques. Le résultat : deux âmes qui se voulaient, qui se cherchaient, mais qui étaient bien trop jeunes, bien trop timide pour se trouver…
— Tu crois qu’il m’aime ?
— Il n’y a qu’une seule façon de le savoir… Tu dois le revoir…
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