Chapitre 27 : Si je pars...

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Après un long blanc durant la fin du déjeuner, Gabin s’en est allé en précisant qu’il passerait me chercher vers dix-neuf heures. Il est actuellement treize heures et il m’a déjà envoyé quatre messages, tous me disant qu’il a hâte d’être ce soir et que je lui manque. Tout ça est trop pour moi.

Je n’ai pas l’habitude de ce genre de choses et d’ailleurs, cela me donne beaucoup trop l’impression que nous sommes un couple. Ce qui n’est pas le cas du tout. Certes, je crois que je développe des sentiments pour lui, mais est-ce de l’amour ? Je ne saurais répondre à cette question, d’ailleurs, je n’ai pas envie non plus de connaître la réponse.

Alors, pour me protéger, j’ai pris une décision, sage pour moi, mais sauvage pour eux. Et quand je dis eux, je parle de toutes les personnes que j’ai rencontrées dans le Nord, Daegan compris.

En resserrant les pans de mon manteau pour m’abriter du froid, je pousse la lourde porte de chez A.S Girls. Cette fois, je repère mon chemin facilement et me dirige sans attendre vers le bureau où Amy m’attend. La porte est close, je frappe deux fois, elle me demande gentiment d’entrer. Ce que je fais après avoir avalé une longue bouffée d’air qui me donne du courage.

— Entre, Alicia ! Installe-toi, me met-elle à l’aise comme à son habitude.

Je lui souris timidement et prends place sur la chaise qui est tout sauf confortable.

— J’espère que je n’ai pas bousculé tes plans d’aujourd’hui, je la questionne en tentant de trouver une position stable.

Il est vrai que ce rendez-vous de dernière minute a dû la prendre au dépourvu, mais je n’avais pas d’autre choix. Je ne pouvais pas attendre demain. Il fallait que je la rencontre aujourd’hui.

— Ah non, ne t’inquiète pas ! Je te l’ai dit, tout est possible en ce qui te concerne. Alors, dis-moi, tu m’as parlé de ton départ imminent au téléphone. Je pensais que tu rentrais chez toi dimanche. Tu as des obligations qui te font rentrer plus tôt ? me demande-t-elle compatissante.

— Entre autres, oui. Un taxi passe me chercher à dix-huit heures. Du coup, j’ai plusieurs questions à te poser. Pour commencer, comment allons-nous faire pour les clients si je signe le contrat aujourd’hui ?

— Eh bien, nous avons une agence qui va ouvrir prochainement dans le dix-septième arrondissement, si tu signes, tu seras officiellement la première employée ! Tu seras la privilégiée là-bas, et tu dépendras d’un de mes associés. Il te fournira, selon les besoins, une liste de clients et tu décideras de ceux que tu veux prendre ou non. En ce qui me concerne, nous resterons en contact. Que ce soit par téléphone, par e-mails ou texto, si tu as le moindre doute, la moindre question, je suis ton premier patron, donc tu pourras toujours compter sur moi, d’accord ?

— C’est chouette ! Je ne savais pas qu’il y avait d’autres clubs comme celui-ci !

— En fait, on est implanté peu partout en France et c’est la seconde qu’on ouvre à Paris… Par contre, le bâtiment est encore en travaux à l’heure actuelle. Le chantier sera fini pour fin décembre si tout va comme on espère. Ce qui veut dire que tu resteras quelques semaines sans clients. Ça ne te gêne pas ?

Je secoue la tête pour lui signifier que ce n’est rien. Au contraire, cela me laisse le temps de reprendre mes habitudes et ma petite routine dans mon appartement. Puis il faut que je me prépare psychologiquement aussi et que j’en parle à mon entourage qui ne sait pratiquement rien sur mon séjour par ici.

— Tu veux boire quelque chose ? me demande Amy en se levant.

J’accepte volontiers et la questionne pendant qu’elle prépare deux verres :

— Donc, si j’ai bien compris, on attend que le club soit ouvert avant de signer les papiers ?

— Non, tu vas signer le contrat aujourd’hui, annonce-t-elle en me tendant une limonade blanche. Je vais te mettre en contact avec mon associé d’ici la semaine prochaine. Il te fera visiter les lieux comme ça, tu sauras déjà où tu mets les pieds.

Amy retourne derrière son bureau et lance l’impression des documents. Je me triture les doigts, impatiente d’en finir pour retourner à l’hôtel chercher mes affaires. Mais une question me vient en tête et je me dois de la poser à cette femme en espérant qu’elle soit assez honnête pour me dire la vérité :

— Dis-moi, Amy, que faisais-tu avec les trois hommes en caleçon de la dernière fois ? Je suis désolée de te poser cette question aussi froidement, mais ça m’intrigue en fait… Si tu ne veux pas répondre, je comprendrais, ne t’en fais pas.

Je rougis immédiatement face à l’aplomb de ma demande et attends sa réponse qui ne tarde pas.

— Eh bien, une cliente, pour une soirée privatisée, avait besoin de quatre soumis. Les trois hommes que tu as vus dans mon bureau en faisaient partie. Comme c’était leur première fois dans ce rôle, je les ai « éduqués » si tu vois ce que je veux dire, termine-t-elle par un sourire plus que coquin.

Je commence à beaucoup aimer cette femme, c’est vraiment dommage qu’elle ne soit pas celle qui s’occupe de l’établissement du dix-septième. Je suis certaine qu’elle et moi, on ferait de très bonnes amies. Mais il est temps que je parte, avant de me faire du mal, à moi, à lui…

Quelques minutes plus tard, le contrat signé et le coeur plus léger, je reprends le chemin de l’hôtel. Pour la dernière fois, je pousse la porte de ma suite et me vautre sur le lit, à plat ventre. Mes bagages sont déjà prêts, il ne me reste plus qu’une chose à faire.

Dans mon sac à main, je sors le cahier de notes que je garde toujours sur moi ainsi que mon stylo porte bonheur, celui que ma mère m’a offert pour noter tous mes galas de danse lorsque j’étais plus jeune. Je m’installe à la table du petit salon, sur celle-là même où nous avons déjeuné, Gabin et moi, pas plus tard que ce matin.

La nostalgie me gagne au moment où je commence cette phrase :

« Cher ange gardien,

Mon coeur se serre à cette annonce que je m’apprête à t’écrire, mais avant toutes choses, je veux que tu saches que j’ai vraiment apprécié nos moments ensemble. Faire ta rencontre a été pour moi, un moment de pur bonheur, qui d’ailleurs me fait flipper.

Si je pars précipitamment aujourd’hui, c’est parce que j’ai peur.

Peur des sentiments que je ressens pour toi. Tu es le seul à qui je me suis confiée, tu sais donc tout sur moi et je suis certaine que tu seras capable de comprendre mon mal-être, mes réticences envers l’amour.

Je sais, je suis lâche, mais je n’ai d’autres solutions pour me protéger.

J’aimerais te dire que je t’aime, car je crois que c’est le cas, mais je n’en ai pas la force, ni le courage, je ne dois pas céder à ma règle, je ne peux avoir personne à mes côtés pour partager ma vie. De plus, je ne sais que faire souffrir, la preuve l’autre soir avec Daegan… Pardonne-moi encore.

En revanche, je veux que tu comprennes que tu seras toujours dans mon coeur. Toi, le seul homme qui a su me faire aimer à nouveau.

Gabin, tu es un ange tombé du ciel et je te souhaite le meilleur.

Ne m’en veux pas, je t’en prie... »

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