Chapitre 4-La mort rôde...
Première activité prévue par les bizuteurs, piquer une tête dans le lac. Jeff et Barry tardèrent à mettre le premier orteil dans l’eau aux yeux de Marcus et ses potes. Wayne s’en amusa et poussa Barry d’un coup de pied. Damien l’imita et fit de même avec Jeff. Les deux adolescents tombèrent dans l’eau presque la tête la première. Alex croyait rêver. Quels crétins. Elle faillit commencer à partir vers l’ouest pour les rejoindre de l’autre côté mais elle vit les deux bizuts sortir plutôt rapidement leurs corps de l’eau. Elle poussa un soulagement. Ils étaient frigorifiés, complètement recroquevillés sur eux-mêmes presque suppliant pour une veste en plus mais ils étaient vivants. L’eau glacée de ce lac pouvait vous tuer, et en peu de temps.
La seule chose qui la rassurait était la présence de Jason, il ne laisserait pas les deux victimes se noyer. Il y avait une autre raison à celle du climat dangereux des montagnes qui poussait l’équipe à dissimuler leur activité ce dimanche-là.
A chaque week-end d’intégration qui n’avait pas lieu au lycée, les choses dérapaient. Cela faisait plusieurs années maintenant. Une personne finissait mal, disparue ou mortellement blessée. S’en était flippant. Plus personne ne voulait rejoindre l’équipe à cause de cette journée-là. Marcus n’avait aucun remord à les poursuivre clandestinement malgré les risques. J’étais d’ailleurs persuadée qu’il avait fait la même chose l’an dernier et que c’est à cause d’eux, en partie du moins, que Romain avait disparu de la circulation. Même profil, un adolescent timide mais agile qui voulait devenir membre de l’équipe pour marquer des points et s’intégrer gentiment dans l’eau infestée de requins qu’était le lycée.
— Après l’eau, l’épreuve du feu, fit Marcus, en allumant un bout de bois avec un briquet.
Les gars demandèrent aux deux jeunes de tendre leur main droite et de tenir plusieurs secondes pendant que Marcus passait la flammèche sur leurs paumes. Mais quel était l’intérêt, cela ne ressemblait pas aux bizutages classiques. Ce qui n’empêchait pas de rendre hilares les abrutis qui regardaient la scène le sourire béat aux lèvres bombant le torse pour tenter de paraitre supérieurs à Jeff et Barry qui paraissaient ainsi plus maigrelets.
Alex crut percevoir l’expression de Jason. Il fulminait intérieurement. Il voulait intervenir, les traiter de gros cons et ramener Jeff et Barry chez eux mais il connaissait Marcus et il était seul contre douze. Une fois sortis de l’eau Jason s’empressa de les couvrir chacun d’une serviette qu’il avait apportée avec lui avant de venir. Ce geste fit rire les joueurs et attisa la colère de Marcus mais il comprit à l’air de Jason que c’était un acte nécessaire où l’on aurait deux morts d’hypothermie potentiels sur les bras et Marcus ne voulait pas cela. Du moins pas en raison des conséquences qui s’ensuivraient. Car à titre personnel, Jason était persuadé qu’une vie ne comptait pas aux yeux de Marcus.
Alex décida de se rapprocher un peu. Elle avançait lentement, le regard focalisé sur les joueurs de l’équipe. Son oreille tiqua à un moment ; elle crut percevoir une présence non loin d’elle. Elle porta la main à sa ceinture sous son blouson. Elle conservait toujours une lame sur elle, on ne savait pas sur quoi ou qui l’on pouvait tomber ici. Elle savait se défendre et n’hésiterait pas à attaquer si nécessaire. Une compétence qu’elle masquait à tout le monde. Depuis son enfance son père l’avait entraîné à se battre dans le minuscule jardin entouré de murets derrière chez elle. Armes, poings, technique, stratégie, endurance, Alex était rodée. Son entrainement avait été difficile, exigeant. Son père l’obligeait chaque jour à suivre le programme qu’il avait prévu. Si plus jeune elle lui en avait voulu, elle le remerciait avec les années. Il l’avait rendue forte.
Ses sens étaient en alerte. Elle savait que quelque chose l’observait. Elle priait pour que ce ne soit pas un animal sauvage, elle s’en était toujours sortie en cas de rencontre auparavant, ce qui était tout de même assez miraculeux et étrange, mais elle avait bien conscience qu’un jour la chance tournerait. Elle pouvait se défendre contre un homme mais un animal la tuerait en quelques secondes. Elle se retourna lentement mais ne vit personne. Elle sentait toujours qu’elle n’était pas seule. Elle crut apercevoir un instant une ombre filer entre les arbres. Elle recula, scrutant chaque tronc d’arbre, quadrillant du regard la moindre trace de semelle dans la neige. Rien ne trahit la présence de quelqu’un, un animal aura déjà chargé. C’était autre chose. Elle ne se rendit pas compte qu’elle reculait de plus en plus, elle aperçut de nouveau une ombre filer à la vitesse de la lumière entre les arbres et ne vit pas qu’elle arrivait au bord d’une pente dangereuse.
C’était trop tard quand elle s’en rendit compte. Son pied gauche glissa dans le vide, emportant tout son corps. Elle poussa un cri, tenta de s’agripper aux moindres racines ou pierres qui bordaient la pente. La descente était rapide. La panique l’envahit, une seconde d’inattention et elle allait mourir dans cette forêt. Une erreur de débutant alors qu’elle n’était pas débutante. Elle serra les dents et tentât à plusieurs reprises de planter son couteau dans la paroi que formait la terre sous elle. Une flopée de flocons atterrit soudain sur son visage et l’aveugla. Elle sentit au même moment une force s’abattre sur ses côtes. Quand elle retrouva la vue, débarrassée de la neige, elle ne glissait plus. Elle se releva assise non loin d’où elle se trouvait une minute avant à observer l’équipe.
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