6h54 du matin. Comme à son habitude, Samuel venait de se réveiller cinq minutes avant que son alarme ne sonne. Tout souriant à l’idée que son petit miracle du matin s’est encore réalisé, son premier réflexe fut de bondir dans la cuisine et d’allumer la télévision. Comme d’habitude, il arrivait juste à temps pour ne pas louper la météo :

• Nos prévisionnistes sont formels, le temps sera au beau fixe jusqu’à la semaine prochaine, faites juste attention aux coups de chaleur. On ne sait jamais… Sauf chez nous, bien entendu ! Conclut le présentateur dans un grand éclat de rire.

Le jeune homme dévorait du regard les images qui défilaient dans le petit écran, qu’il abandonna à regret lorsque son bol de céréales fut entièrement vide. Il en profita pour mélanger un pépin d’orange dans un grand verre d’eau qu’il remua énergiquement avec un shaker avant de tout avaler d’un coup… et tout recracher tant le liquide était devenu amer.

• Ah, si tu voyais ta tête ! s’exclama sa sœur qui venait d’arriver entre-temps.

Dépité, Samuel la regarda pouffer de rire en se faisant la promesse de lui faire la même chose le lendemain.

• Au fait, tu pourras appeler un médium après le boulot ? Les cristaux ne suffisent presque plus à tenir les frappeurs à distance et y en a encore un qui a voulu me faire peur en faisant craquer les combles et m’attraper les pieds, cette nuit. Si Noushka n’avait pas été là, j’aurais été bonne pour un tour de manège, ça en devient pénible et…
• Si c’est aussi grave j’appellerai un exorciste plutôt qu’un médium, coupa Samuel en cherchant ses clés. Mais où elles sont encore passées, sérieux ? Ah, les voila ! Bon, à ce soir, je vais finir par être en retard !

Il lui sembla que Sara lui tint une remarque très désobligeante, mais le claquement de la porte l’empêcha d’en entendre la teneur exacte. Il en discuterait avec elle à son retour, mais pour l'instant il avait plus important à faire.

Monotonie insipide.

Lorsque la bouche infernale régurgita enfin le flot des voyageurs, le jeune homme s'autorisa à souffler un peu. Le plus dur était passé. Tout du moins c'est ce qu'il pensait avant de voir l'homme en face de lui. Cet homme, au tailleur impeccable et qui se tenait à la sortie du métro comme s'il attendait quelqu'un. Cet homme, qui se jeta sur lui comme un prédateur sur sa proie pour l'empêcher de fuir.

• Bien le bonjour, monsieur ! Je vois à votre mine déconfite que ça ne va pas fort, chez vous, hein ?

Un rapide examen de son accoutrement, du sourire presque éclatant de l’homme et des revues qu’il distribuait aux passants le renseigna sur sa présence ici.

• C’est ça, et vous allez aussi me dire que la Terre est ronde ? A moins qu’elle n’ait pas été créée il y a 6.000 ans, ou un truc comme ça. Faut aller vous faire soigner, mon vieux.

Ce fut apparemment trop pour son interlocuteur qui, pour seule réponse, envoya son poing dans l’estomac de Samuel. Sonné, celui-ci se retrouva à terre sans pouvoir bouger. Des badauds intrigués par le pitoyable spectacle qu’ils offraient se précipitèrent vers lui pour l’aider et faire fuir l’homme au tailleur. L’un d’eux se pencha sur lui et palpa le corps.

• Hé, reste avec nous, mon gars ! Appelez un shaman, vite ! Ses méridiens sont tous complètement bloqués !

L’autre homme le secouait comme il pouvait, mais Samuel se sentait si léger, tellement léger… Il ferma les yeux... pour les rouvrir aussitôt. En sueur, il chassa Noushka qui faisait ses griffes sur lui avant de se retourner pour essayer de se rendormir en se jurant de tout faire pour oublier ce cauchemar.

Abruti de chat.