Cinq clefs posées sur une table immaculée. Une porte devant moi. Derrière elle, se trouve ma nouvelle vie. Ces clefs représentent mon futur.

Je les prends dans les mains religieusement,une par une avant de les reposer. Je ne pensais pas qu'elle pèserais aussi lourdes. Elles font la taille de ma main. Chacune est d'une couleur différente : blanche, violette, rouge, grise et verte.

La rouge attire mon regard. Sa couleur éclatante tranche nettement dans ce lieu tout blanc. La violette se fait plus discrète, mais on la remarque tout de même. La verte est trop imposante, trop voyante. Elle cherche à se montrer le plus possible. La grise est triste, pâle et terne. Elle ferait presque pitié.

Ne reste plus que la blanche. Je m'en saisis et m'avance vers la porte. Imposante, elle fait deux fois ma taille. Aussi blanche que le reste de la pièce, elle s'en démarque tout de même par les gravures en relief dessinées sur son battant. J'approche on geste et insère la clef dans la serrure. Je reste ainsi quelques instants, hésitant. Je rassemble alors mon courage, ferme les yeux et tourne la clef. Un cliquetis résonne et la clef disparaît entre mes doigts en milliers de petites particules. Un grondement assourdissant semble émerger du tréfonds de la terre et la porte grince. Je recule par réflexe et celle-ci commence sa lente ouverture. Une lumière aveuglante s'échappe et je dois me protéger les yeux avec mon bras au risque de perdre la vue.

Sentant que la lumière a disparu, j'ouvre précautionneusement les yeux. Un voile blanc opaque m'empêche de voir ce qu'il se trouve de l'autre côté. Peu rassuré, je fais un pas en avant et le touche du doigt. À ma grande surprise, il ne trouve aucune résistance et s'enfonce à l'intérieur. Je plonge le bras, le retire et l'inspecte. Rien. Je retiens ma respiration traverse le voile.

Je reste ébaubi, la bouche grande ouverte. Une mer de nuages flotte devant moi. Partout où se pose mon regard, tout n'est que cumulus. De différentes tailles, de différentes formes, certains sont plus hauts, d'autres se touchent. On dirait des cotons flottants tellement leurs apparences semblent douces et soyeuses.

À mes pieds, un chemin sinue entre ces montagnes de... de quoi, d'ailleurs ? Je tâte du bout du pied le chemin. Nuage, bien sûr. Je transfère tout mon poids sur celui-ci et mon pied s'enfonce de quelques centimètres dans la matière rebondissante. Je pose enfin le second pied et me reste figé comme une statue, attendant une quelconque chute qui n'arrive pas. À moitié rassuré, je commence à faire de petits pas.

Bientôt, l'admiration remplace la stupéfaction. Un timide vent caresse ma peau et les nuages cotonneux filent au gré de celui-ci. Un nuage est si près de moi que je peux le toucher du doigt. Ce que je fais. Contrairement à ce que je pensais, mes doigts ne le traverse pas mais agrippent quelque chose. Quelque chose de doux, de moelleux.

Je ne sais pas depuis combien de temps je marche dans un silence total. Ni mes pas, ni le vent ne le rompent. Mais le silence est n'est pas pesant, il n'est pas étouffant. Il est reposant, apaisant. Soudain, alors que le chemin de nuages bifurque, j'aperçois une immense château médiéval couleur crème. Ses tours sont gigantesques et semblent vouloir percer le ciel de leurs pointes, si tant est qu'un ciel existe ici. Une muraille supportée de contreforts se dresse tout autour. Que quoi est-elle supposée le protéger ? Je n'ai pas vu signe de vie et je doute fortement qu'une menace rôde quelque part.

Je constate alors que le chemin que je suis depuis... des heures ? M'entraîne vers cette énorme structure. Je pourrais ainsi l'explorer et comprendre où je suis atterri. Ce monde est dorénavant le mien, et si j'ai pu y avoir accès, c'est qu'il doit y avoir une bonne raison. Et ça tombe bien : j'ai toute la vie devant moi pour le découvrir.