Défi : Distances et descriptions proposé par Gavroche.

Ligne de mire.

Immobile, j'observais le glissement du serpent, de son vert émeraude il s'enfonçait profondément dans les branches au-dessus de nos têtes.

Tout autour de notre escouade, la jungle à profusion, la pluie en abondance et de l'humidité jusqu'à l'écœurement.

L'oreille collée à la radio, je tentais d'entrer en communication avec la base, mais rien ne passait, on était à la fois ici et nulle part, mi- soldats mi- fantômes.

Accroupis ou allongés sur le sol, nous ne pouvions aller plus loin, un sniper nous barrait la route.

L'ennemi était à une bonne centaine de mètres, nous étions ses proies.

Des heures à vous rendre fou, à rester là sans bouger et se laisser tremper par une pluie démente qui n'en finissait pas.

Mes collègues me virent bouger et passer la tête par-dessus les feuillages en direction de notre ennemi. Me regardant tel un fou prêt à s'élancer dans le vide.

C'est l'impatience qui me força à bouger, à me décoller de cette situation infernale, d'un bref coup d'œil avec mes jumelles je le vis !

Là ! Il est là debout, perché sur une branche maitresse d'un des arbres surplombant la colline.

Il semble fier, il sait qu'il est le maître des lieux, le maître de la situation.

Il est là et il me nargue, il n'essaie même pas de se protéger, la distance est trop grande, nos fusils d'assaut ne nous aideront pas à faire mouche, on ne peut rien tenter.

Je me déplace de quelques mètres pour brouiller ma position, je le regarde encore, il est toujours debout mais il a épaulé son fusil. Son canon fait une rotation lente et j'ai à peine le temps de plonger à terre quand je comprends que sa ligne de mire va croiser ma tête.

Mais il n'a pas tiré !

Il s'amuse avec moi ce salaud !

Il veut me faire peur.

A lui seul il nous terrasse, nous sommes sept pauvres lapins et la chasse est ouverte, son arrogance m'irrite !

La radio se met à grésiller, quelques bribes de voix se font entendre, mais la réception reste très mauvaise. Je tente encore de communiquer avec la base, on ne reçoit que quelques mots épars.

Je me risque une troisième fois, ce sniper m'intrigue, tout comme nous il est là à attendre, et tout comme nous je l'imagine vouloir survivre à cette guerre.

Je le vois dans mes jumelles, il s'est rapproché !

La radio grésille à nouveau, on pense reconnaître un mot : "... guerre..."

Plus besoin de jumelles, je vois sa silhouette, il est mince et alerte.

Je reste accroupi, et je me dis que ce gars est tellement patriote qu'il en devient insensé.

Il approche et prend tous les risques.

Mes collègues se mettent en position de tir, ils me regardent, attendant de moi le signe d'ouvrir le feu.

L'ennemi apparaît plus clairement maintenant, mais il n'a plus d'arme.

La radio émet des bruits parasites et des mots prononcés avec un accent : "... arrêt... ", "...fin de..."

Il porte quelque chose dans sa main, il approche.

Il colle un objet à son oreille, je comprends alors qu'il transporte avec lui une radio.

Notre radio s'anime à nouveau et j'entends : "... fin de la guerre..."

Je commence à comprendre pourquoi cet accent à la radio, en le voyant approcher.

Je fais signe à mes collègues de baisser les armes.

Il avance vers moi, et finit par se tenir debout devant moi avec un sourire rempli de joie.

Ce jeune adolescent qui aurait pu être mon fils, s'adresse à moi avec son accent : "Moi parler à vous sur votre radio, la guerre est finie."

Il nous regarde tous avec un grand sourire, il semble apaisé.

Il attache sa radio à la ceinture et repars dans la jungle peut-être pour rejoindre sa famille.