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L'inspiration, quand elle est extérieure, est si pure, si naïve. Quand c'est un objet, autre que n'importe quelle chose de l'intérieur de soi qui propulse les mots sur le papier, c'est une véritable impulsion. Nul besoin d'effort, nul besoin de creuser la cervelle, juste besoin d'effectuer le mouvement du poignet. Celui qui, inspiré, danse majestueusement et avec grâce afin de déposer son art sur la feuille encore vierge. C'est un mouvement de l'inconscient, car nous ne sommes que l'objet par lequel les mots s'écoulent. Nous ne sommes maîtres de rien, surtout pas de la prose. Oh non ! Simples esclaves de la petite reine qui nous supplie d'écrire pour elle. Et nous, béats comme l'enfant, nous faisons couler l'encre jusqu'à l'aurore. Quelle importance de s'épuiser, si la reine est comblée. L'effort n'en est même pas un. L'inspiration disons-nous, l'amour disons-nous. Tout ce qui est amour est inépuisable, stupidité et naïveté. L'écriture n'est alors bonne qu'à être donnée, gaspillée. Elle n'est même pas à son écrivain, elle est à sa reine. La muse est voleuse de mots. Elle vole la prose, se l'approprie. Elle est flattée, mais si naïve elle aussi. La muse ne sert qu'à ça : inspirer. Triste passive. Maîtresse de choses qu'elle ne comprendra jamais, mais qu'elle se contentera de savourer en ignorant tout du malheureux béat qui a tant veillé. C'est un véritable don au narcissisme, gonfleur d’ego, donneur d'importance. Ces petites reines qui ignorent qu'elles ne sont rien d'autre que des donneuses d'inspiration. Mais une fois épuisées, elles finiront dans l'affreux tombeau des muses oubliées. Alors, drôle de destin, leurs chagrins ne seront même pas dépeints. Leur beauté ayant disparu sous la terre avec leur dignité, elles ne semblent plus d'aucune importance. L'écrivain, lui, continuera d'exister. Son inspiration sera retrouvée au moyen d'une autre, ou bien au moyen de lui-même. Ce qui peut-être, le poussera à écrire des choses moins naïves et plus dignes d'un faiseur d'art. Nul besoin d'une saleté imbue de trop de mots qui, importante, comme elle se croit, gâche l'art tout entier et régresse l'artiste qui a pourtant tant travaillé.
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