JOURNAL DE GUILHEM, RESPONSABLE...
PISTOLETA RACONTE :
— Effectivement, Azalée se débrouillait bien, même si, par manque d'expérience, elle gardait une allure réduite car la route traversant la forêt était tortueuse. Elle avait mis le poste en marche et on a écouté Iggy Pop chanter " The Passenger ", volume à fond. On était contents de retrouver de la musique. Soûlés de son, on n'a remarqué le camion derrière nous que quand il a heurté la voiture. J'ai crié à Azalée de foncer, qu'on nous attaquait et qu'il fallait filer !
À ce moment du récit, Pistoleta avait vu Guilhem serrer les mâchoires, quasi imperceptiblement. Il hésita quelques secondes et continua :
— Elle conduisait bien, en fait. Et on pensait avoir semé nos poursuivants. Mais le répit n'a été que de courte durée et l'engin s'est trouvé de nouveau contre le pare-choc déjà bien abîmé.
Il raconta le bruit de la ferraille grinçante et leurs cris de peur. Il se souvenait d'une descente terrible au bout de laquelle la route tournait sec. Il se souvenait qu'ils étaient arrivés beaucoup trop vite. Azalée avait freiné et la voiture avait dérapé, heurtant la barrière de sécurité, un coup à droite, un coup à gauche. Ils avaient ensuite versé dans le bas côté, là où la barrière s'arrêtait et fait un tonneau. Dernière image, la voiture basculait dans le précipice, et puis plus rien.
Guilhem était livide, les doigts crispés sur le carnet posé sur ses genoux. Il attendait la suite avec angoisse, imaginant le pire et il avait demandé :
— Comment tu t'en es sorti ?
— Par chance, je pense. Je n'avais pas mis la ceinture et j'ai été éjecté. Je me suis réveillé dans un sous bois dense et plein d'épines, trente mètres plus bas que la voiture qui était restée coincée entre deux arbres...
— Et ensuite ?
— Je pense être resté inconscient plusieurs heures. J'avais une énorme bosse sur le crâne et une entaille au front qui avait beaucoup saigné. Je me suis extirpé des épines et je suis remonté lentement, ça glissait, et je ne tenais pas bien sur mes jambes. À mi-chemin, j'ai trouvé le sac d'Azalée. Je l'ai pris et je me suis traîné jusqu'à la carcasse de la voiture en pensant qu'elle serait dedans, mais elle n'y était pas. J'ai cherché et appelé pendant des heures sans résultat. Et puis j'ai entendu le bruit d'un moteur de camion et j'ai complètement paniqué. J'ai sauté dans le précipice et dévalé, roulé-boulé jusqu'en bas dans l'eau glacée d'un ruisseau.
— Donc tu as perdu sa trace.
— Oui, je suis désolé, avait répondu Pistoleta d'un air penaud, en baissant la tête.
Guilhem avait fermé les yeux pour contenir ses larmes. Il avait répondu :
— Ce n'est pas de ta faute... Le seul responsable c'est moi.
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