Ils circulaient entraînant la mort derrière eux, l'angoisse les harcelant même s'ils savaient Llansa proche. Ils avaient passé deux jours chez les Karzaï et s'en iraient dans la nuit.
Arkan composait, en esprit, dans le silence nocturne :

— Nombreux sont chemins et sentiers, mais toujours le même hante mes pas...

Le poète avait courtisé maintes Dames, une seule avait embrasé son cœur. Cependant, laquelle partagerait sa vie sans confort ni sûreté, laquelle attendrait ses retours, comprendrait ses silences ?

Mais il en était une, il l'espérait : la Douce Sorcière. Elle seule pouvait comprendre son besoin animal de rôder, de cols en vallées, son appétit de vent et de nuages, son besoin de campements sous les arbres en beauté.

Comme il avait envie de la serrer dans ses bras et consteller son cou de baisers en une tendre parure, et déposer son âme à ses pieds... Mais un étrange sentiment de danger le fit frissonner. Enguerrand aussi pensait à sa belle, sa fleur de soleil, orange flamboyant sur le vert des feuillages. Il s'exclama :

— Maintenant qu'on a fait danser les Karzaï jusqu'à épuisement, je retourne voir Juliette !

— Mon ami, je te vois bien empressé et impatient.

— Arkan, elle me manque tellement.

— Je comprends. Moi aussi je me languis d'Iléa.

— Et il y a autre chose. J'ai un mauvais pressentiment pour Juliette.

— Je sens ça aussi pour Iléa, comme un avertissement.

— Je capte beaucoup de peur.

— Alors partons de suite...

Mais le mal était fait, hélas. Quand ils arrivèrent chez elles, ils ne trouvèrent que le silence, et le lieu dévasté. Pas de corps, pas de sang, mais des traces de lutte et des empreintes de chevaux qui s'éloignaient...
La rage au coeur, ils suivirent la piste...