Juliette et Enguerrand virent leur union porter le fruit de leur tendresse. Ils passèrent neuf mois pleins d'un bonheur qui rayonnait dans tous leurs actes et paroles, semant la joie et la bonne humeur partout où ils passaient.

— Trop beau pour être vrai , grinçait La Rumeur.

Et le jour vint où la naissance eut lieu. Juliette était une femme énergique et robuste, le travail fut long et éprouvant mais elle mit au monde deux jumelles en bonne santé. Elle les serra contre sa poitrine, les couvrant de baisers. Les petites puisèrent à son sein le premier lait, et toutes trois s'endormirent. Mais la jeune maman ne se réveilla jamais. Victime d'une hémoragie massive et brutale, elle mourut en serrant ses filles dans ses bras.
Quand il constata son décès, Enguerrand sortit avec les nouveaux-nés dans ses bras, le visage ruisselant de larmes, le regard perdu... La mère de Juliette, Mahonia, qui s'activait à préparer le repas comprit immédiatement et elle prit les petites contre son cœur.

Pauvre Enguerrand, il sanglota comme un enfant, gronda sa douleur. Il invectiva le Ciel et hurla sa détresse aux Forces-Bonnes pendant des heures, inconsolable. Mais la vie était là qui les rappelait à l'ordre. Les jumelles avaient faim et besoin d'amour, besoin de leur père. Et Meya apparut rapidement. Elle savait... Comment ? Personne ne pourrait le dire, mais elle avait cet instinct. Meya, la nourrice de bien d'autres petits s'installa au village, dans la maison de Juliette. Elle fit grandir les Roussettes, comme on les appela par la suite, leur donna lait et amour, prit soin d'elles. Et elle soigna aussi l'âme de ce père si triste, un peu chaque jour , jusqu'à ce qu'il puisse serrer ses filles dans ses bras sans pleurer.

Iléa passa de sombres jours, de n'avoir pas vu venir ce malheur, de n'avoir pas pu sauver son amie. Elle se sentait coupable et pleine de honte. Elle vécut sa douleur retranchée dans la forêt, seule avec sa peine. Jusqu'au jour où Enguerrand vint la trouver, guidé par Serena, Il arriva avec Meya et les Roussettes, les lui déposa dans les bras en disant :

— Tu seras leur marraine, si tu acceptes, pour Juliette...

Iléa revint auprès des Gens et dans les bras d'Arkan soulagé. Elle prit grand soin des petites. Iléa avait toujours eu une relation privilégiée avec tous les enfants...

Sans doute savait-elle que jamais elle ne porterait la vie dans son ventre...