AMANDA APPRIVOISE AZALÉE
Azalée se remit rapidement de ses blessures et elle participa activement à la vie du clan, aidant aux cultures, sentinelle attentive, bergère infatigable. Elle donna aussi beaucoup d'énergie aux travaux de consolidation des fortifications du village. Elle avait besoin d'action pour gérer le stress du souvenir de sa captivité. Chaque jour elle se levait à cinq heures, pour ne s'arrêter que tard le soir. Elle s'endormait sitôt allongée, pour quelques heures d'un sommeil pesant. Il fallut, qu'un hiver, la tempête fasse rage et que le village reste blotti auprès de ses feux, pour qu'un peu de lumière entre dans son quotidien. Amanda avait frappé à la porte de sa cabane, deux verres et un flacon à la main.
— Je peux entrer et t'offrir un peu de notre bon vin, Azalée ?
— Bien sûr...
Amanda s'installa comme si elles se connaissaient depuis une éternité, ce qui était peut-être bien le cas... Et Azalée se trouva apaisée de la voir ainsi. Elle n'était plus le chef de meute, au tempérament bien trempé, mais presque une soeur.
— Je voudrais que tu saches, Azalée, que tu n'as rien à craindre ici, de nous en tous cas. Je vois que tu passes tes journées complètes à travailler. Je peux comprendre que tu aies besoin de cette activité épuisante pour ne pas penser. Mais songe à prendre quelques heures de détente quand c'est possible. Réapprends à vivre. De plus, tu ne nous dois rien, rien de plus que ce que nous nous devons chacune à nous-même.
— Merci, Amanda...
Ainsi débuta une histoire bien plus douce que les événements en cours et Amanda, Cheffe des Pétasses, dans cette guerre sans limites, laissa peu à peu son armure devant chez Azalée qui reprit des couleurs et l'espoir en des jours meilleurs. Dans ce monde en profonde transformation, elles se créèrent un îlot de paix. Mais le destin a plus d'un tour dans son sac rempli de cailloux.
Des hommes sans âmes ni scrupules observaient de loin ce village aux voix claires. Il ne fallut pas des années pour que leur vienne l'idée de s'y installer, se l'approprier ou de le raser. L'assaut eut lieu au petit matin d'un été radieux. Hommes et femmes s'affrontèrent avec un acharnement sauvage, la violence des actes, celle des énergies assassinant la beauté, la sérénité du site au point que les fleurs en fanèrent instantanément.
Le combat laissa de nombreux hommes au sol. Elles étaient bien organisées et la possibilité d'une action invasive avait été anticipée depuis longtemps mais une partie du village était en proie aux flammes. La violence n'avait pas laissé place à la sauvegarde. Azalée retrouva Amanda au chevet des premières blessées réunies dans l'ancienne église. Elles firent leur possible, mais au moins deux ne survivraient pas. La rage au cœur Amanda quitta les lieux et alla à grands pas rejoindre les prisonniers sous bonne garde. Trois hommes hagards, effarés d'avoir affronté ces furies.
— Alors, messieurs, vous êtes bien moins à l'aise à présent !
— Qu'est-ce qu'on en fait, Cheffe ?
— Voyons... ils sont trois. Nous en avons compté vingt cinq morts dans l'action. Ils devaient être au moins le double au départ. L'un d'entre vous accepte de me répondre, pauvres minables, ou il faut que je pèle chaque centimètre de vos sales carcasses comme des pommes pour avoir une réponse ?
Les deux surveillantes attendirent sans rien ajouter. Quand Amanda était dans cet état de rage, elle ne répondait à aucune sollicitation. Le plus jeune des captifs se racla la gorge et répondit à voix basse :
— Nous étions une cinquantaine...
Le silence de sa lame mit fin à la vie de ses deux collègues et Amanda ajouta à l'intention des gardes :
— Conduisez celui-ci hors de la vallée, et laissez-le filer. Il racontera aux siens et aux autres qu'il est préférable de ne pas venir nous pourrir la vie. Tu as compris jeune homme ?
Il avait compris et c'est ce qu'il fit...
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