ADESHA, LARMES D'AUTOMNE
Adesha était repartie de chez Rayan troublée, les joues rosies par ce geste hésitant et très doux. Elle marchait lentement, son esprit lui répétant 175 à chaque pas . Le nombre d'années qu'elle avait déjà passées sur cette terre. Bien plus que n'importe qui à sa connaissance.
Elle avait éprouvé bien des émotions, toutes en fait, jusqu'à ce que blessée, endolorie, désespérée par la perte de son troisième compagnon, alors qu'elle avait 72 ans elle décide de demeurer seule, pensant que sa vie était bientôt finie.
Mais le destin avait pour elle d'autres plans. Les années se succédèrent pendant lesquelles le temps ne fit qu'effleurer son corps. À 175 ans, elle en paraissait une cinquantaine et ses cheveux bleutés ne faisaient qu'augmenter son apparente jeunesse.
Plus tard, elle adopta Iléa, cette enfant orpheline étrange dont personne ne voulait prendre la charge. Elle lui rappelait sa propre fille qui lui manquait tant... Elles apprirent beaucoup ensemble, jusqu'au jour où elle l'envoya chez Séréna pour la protéger.
Elle se retira plus ou moins du village, restant prudemment en retrait. Et la solitude fut sa compagne pendant bien longtemps.
Adesha rentra lentement, ses pas alternant entre tristesse et ravissement, sans pouvoir se décider pour l'un ou l'autre de ces sentiment. Son cœur rayonnait et sa raison grinçait :
— Il a 30 ans, et toi 175, qu'est-ce que tu crois ?
— Je ne sais pas.
— Tu lui serais plus une mère qu'une femme.
— Pauvre vieille chose, ricana La Rumeur, se mêlant de ce qui ne la regardait pas.
— Mais ses mains me disaient le contraire.
— Ne sois pas stupide...
— Je ne suis pas stupide. Je suis par contre assez vieille pour reconnaître l'Amour quand je le croise.
— Tu n'as pas le droit de lui faire ça ! 145 ans de différence, tu es ridicule !
— Je suis Différente et je n'y peux rien.
— Pars ! Oublie-le !
— … Je ne peux pas.
Et elle laissa ses larmes couler en une longue pluie d'automne...
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