Le cinéma "L'Étoile Noire" était un lieu hors du temps. Situé au cœur d'une petite ville oubliée par la modernité, il était connu pour son charme vieillot, ses fauteuils en velours rouge et son rideau de scène en soie noire qui bruissait doucement avant chaque projection. Mais depuis quelques mois, les habitants évitaient d'y mettre les pieds. Des rumeurs circulaient, des murmures sur des événements étranges, des ombres qui dansaient quand les salles étaient vides.

Louis, un jeune homme d'une vingtaine d'années, venait d'être embauché comme projectionniste de nuit. Le poste était mal payé, mais il n'avait pas eu le choix. Il était étudiant et avait besoin de cet argent pour payer ses factures. En arrivant pour sa première nuit, il fut accueilli par Mme Roche, une vieille femme frêle qui gérait l'établissement depuis près de quarante ans.

— Louis, je vous conseille de rester concentré sur votre travail et d'ignorer les bruits que vous pourriez entendre. Ce bâtiment est ancien, les murs grincent.

Elle lui adressa un sourire forcé avant de disparaître dans la nuit, le laissant seul avec le bâtiment. Louis haussa les épaules. Il n'était pas du genre à se laisser effrayer par des légendes urbaines. Il entra dans la salle de projection, un espace exigu rempli de vieilles bobines de films, et commença à préparer le premier film de la nuit.

Tout semblait normal jusqu'à ce qu'il entende un bruit sourd venant de la salle principale. Il vérifia sa montre : il était presque minuit, bien trop tard pour que des spectateurs soient encore là. Intrigué, il descendit les escaliers qui menaient à la salle.

La pièce était vide, mais quelque chose attirait son attention. Sur la scène, juste devant l'écran, se tenait une grande silhouette qu'il n'avait jamais remarquée auparavant. Un animatronique en forme d'ours noir, ses yeux brillants reflétant la faible lumière du projecteur.

Louis se rapprocha, intrigué par cet étrange ajout au décor. L'ours était massif, avec une fourrure synthétique étrangement réaliste et des articulations métalliques qui grinçaient doucement quand il s'approchait. Une pancarte pendait autour de son cou : « Bienvenue à L'Étoile Noire ».

— Pas étonnant que les gens trouvent cet endroit flippant, marmonna-t-il en inspectant la machine.

Il remarqua un panneau de contrôle sur son torse, mais les boutons semblaient hors d'usage. Il avait entendu dire que certains cinémas utilisaient des mascottes pour attirer les familles, mais cet ours était d'un goût douteux.

Alors qu'il s'apprêtait à retourner à la cabine de projection, un grincement le fit sursauter. Le rideau de la scène bougeait, doucement, comme si quelqu'un était caché derrière. Louis fixa l'espace sombre derrière le tissu et sentit un frisson lui parcourir l'échine.

— Il y a quelqu'un ? demanda-t-il, la voix étrangement étouffée dans l'immense salle.

Aucune réponse. Mais lorsqu'il se retourna, le regard de l'animatronique avait changé. Ses yeux, autrefois immobiles, semblaient maintenant fixés sur lui. Louis recula instinctivement, son cœur battant à tout rompre.

Il tenta de se convaincre que ce n'était qu'une illusion. Il fit un pas en arrière, mais une étrange sensation le retint. Une main froide et rigide saisit son épaule. Il se retourna d'un bond, mais il était déjà trop tard. Les puissants bras mécaniques de l'ours se refermèrent sur lui, le tirant vers la scène.

Son cri était étouffé par le bruit des engrenages qui s'activaient. Louis tenta de se débattre, mais la machine était bien trop forte. Le rideau se referma doucement, cachant la scène et ce qui se passait derrière.

Le lendemain matin, Mme Roche entra dans le cinéma, son visage impassible comme à l'accoutumée. Elle jeta un coup d'œil à la salle principale, puis au tableau d'affichage devant l'entrée. D'un geste précis, elle accrocha une nouvelle pancarte : « Recherche projectionniste de nuit. Poste à pourvoir immédiatement. »

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Oï.