De chaque côté de la fenêtre
De chaque côté de la fenêtre il y a des enfants.
Un rayon de soleil frappe les carreaux, illumine de son reflet les petites frimousses des garçons qui jouent à la guerre, des filles qui jouent à la dînette.
Un rayon de soleil pénètre dans la grande chambre noire, frappe la porte close, enflamme sur son passage les poussières qui dansent.
En silence.
Une faible lueur nuance à peine le visage figé du petit bonhomme assis dos au mur, en tailleur.
Il n'a pas d'amis.
Il fait des origamis à sa façon.
Il plie et replie des petits bouts de papier, pendant des heures. C'est l'idée qu'il se fait du bonheur.
On dit qu'il n'est pas normal. Il le sait. Ça lui fait mal.
Les années passent, le petit fantôme devient un homme.
Il a gardé avec lui sa fenêtre ; il l'oriente vers le soleil et capte les rayons.
Il observe les poussières qui dansent. Ça lui rappelle son enfance, celle qu'il n'a pas eue. Ça virevolte, ça va dans tous les sens.
De l'autre côté de la fenêtre il y a des ouvriers, des secrétaires, des gens qu'on admire, d'autres qu'on méprise, des gens qui se font la guerre et qui rentrent le soir se remplir le ventre d'une bonne soupe bien chaude.
Les années passent encore. Une faible lueur nuance à peine les marques du temps gravées sur le visage du petit rien du tout.
La poussière s'est déposée sur sa fenêtre, il ne sait plus où est le soleil.
Son cœur épargné par la guerre ne reçoit plus de chaleur.
Il n'est pas normal, le petit rien du tout. Personne ne le lui dit plus, mais il le sait et il en est heureux.
Quelqu'un a lancé un caillou vers sa fenêtre.
Un rayon de soleil traverse le carreau cassé, et vient illuminer ses yeux pour la première fois.
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