Trouvaille
Edwin s'approche de la lueur bleutée qu'il aperçoit au loin. Tout semble lunaire. La poussière volant dans l'air atténue la lumière du soleil. Seule luit cette clarté au centre de cette terrasse dans la paroi de la falaise.
Notre tailleur de pierre entend le hennissement au loin de son ami, probablement inquiet de ne plus le voir. Il lui crie donc que tout va bien, pour le rassurer. C'est à cet instant précis que, dans le silence ambiant, il entend comme un gémissement.
Non, ça ne peut pas être le vent, ce bruit est beaucoup plus faible, presque inaudible. Ce ne peut être qu'une personne. Edwin se dirige donc vers la lumière, et aperçoit une forme. Un corps humain, allongé au sol, évanoui.
C'est une femme, nue. Petite, mince, presque chétive comparé à celles du village. Il faut avouer que les conditions de vie dans les alentours sont plutôt rudes, il faut donc être bien charpenté pour supporter les tâches du quotidien.
Au contraire, cette femme a le teint pâle de celles qui s'exposent peu au soleil, une peau presque bleutée. Ses longs cheveux d'or tirant sur le platine lui font comme une couronne d'épis de blés autour de la tête. Sa poitrine menue monte et descend, signe qu'elle respire encore, faiblement, péniblement.
Par pudeur, Edwin n'ose pas l'observer plus en détail. Il n'a que rarement eu l'occasion de profiter de la présence de femmes nues, cette personne est tellement éloignée des quelques représentantes de la gent féminine qu'il a pu connaître.
Que faire ? Tout d'abord la protéger du froid. Malgré la chaleur intense qui continue de régner ici, elle frissonne. Les poils de ses bras sont dressés comme si elle était en hypothermie.
Sans une hésitation, Edwin retire sa chemise et se met à genoux. Délicatement, il glisse le bras gauche dans la première manche de la chemise, puis soulève la femme afin de glisser le pan de tissus dans son dos. Il s'assoit dans le dos de cette nymphe pour la reposer contre son torse pendant qu'il s'évertue à glisser son bras droit dans la deuxième manche sans lui déboiter l'épaule.
La femme se met à gémir. Elle somniloque, marmonnant des mots incompréhensibles dans son sommeil. Edwin lui parle en retour, pour la calmer. Sa respiration commence à s'apaiser.
Il faut maintenant boutonner cette chemise. Les doigts hésitant, notre tailleur commence par les boutons du haut. Heureusement, la chemise est beaucoup trop grande pour la jeune femme, ce qui permet de fermer les boutons en effleurant à peine la poitrine offerte de la belle. En approchant de l'entrejambe, les doigts se font hésitant. Le regard perdu sur cette pilosité courte, le trouble grandissant, notre héros parvient à finaliser ce boutonnage sans perdre son honneur à profiter de la situation.
Il est maintenant temps de redescendre. Mais avant cela, Edwin doit voir ce qui crée cette lumière environnante. En se rapprochant de la paroi, il aperçoit une pierre étrange, une sorte de gemme bleutée, comme un quartz. La poussière le recouvre, mais en le nettoyant, il devient étincelant comme un soleil, éblouissant, dégageant une chaleur douce.
Surpris, Edwin jette de la poussière sur le roc pour le recouvrir et masquer la raie lumineuse. Il lui faut quelques minutes pour réadapter sa vue, tellement l'éclat était intense.
Il faudra impérativement revenir chercher ce trésor. Il n'y a pas possibilité de l'emporter aujourd'hui, à moins de l'emballer dans sa chemise, se dit Edwin. Hors la chemise est utilisée pour une tâche bien plus importante. Il faudra grimper de nouveau, plus tard. En attendant, plaçons d'autres roches au-dessus, ainsi que de la poussière, pour masquer ce vif éclat, et mettons autour d'autres roches en croix pour bien marquer l'emplacement.
Edwin retourne auprès de la femme. Il ne peut pas la prendre dans ses bras, il va en avoir besoin pour redescendre. L'attacher dans son dos ? Il n'a pas pris de corde, et sa ceinture ne fera pas l'affaire, trop courte pour les enserrer tous les deux. La seule solution et de la placer sur ces épaules, en travers, comme les agneaux épuisés lors des transhumances au retour des estives.
Le corps semble si léger et si frêle, une fois posé contre sa nuque. Edwin prend le temps de vérifier sa liberté de mouvement, tout en s'assurant de ne pas pouvoir lui faire de mal lors de la descente. Cela semble en ordre, ou tout du moins suffisant pour entamer le chemin du retour.
Le plus dur sera de basculer dans le vide pour mettre les pieds sur les roches sphériques. Allongé sur le ventre, la jeune femme n'est presque pas tenue par les épaules de notre sauveteur, il doit donc d'une main tenir les mains et les pieds de la victime, tout en s'agrippant de l'autre côté pour basculer.
Une fois assuré sur les premières pierres, notre héros commence à parcourir les marches glissantes, pas à pas, ce qui semble prendre moins de temps qu'à l'aller.
Sture hennit à l'approche de son maître. D'impatience, d'inquiétude, de curiosité, le tout mêlé. Une fois les pieds sur le sable, Edwin s'approche de l'âne, qui renifle la jeune femme et semble vouloir lécher ses mains et son visage. Elle restera pourtant sans réaction, inerte.
Edwin s'inquiète. Il faut se presser d'aller la mettre au chaud. Il place le corps en travers de la selle et la recouvre des tissus qu'il avait placé dans le sac, sa couverture de bivouac, son linge de rechange, afin de maintenir un maximum de chaleur autour de la jeune femme.
Puis commence le chemin de retour vers la maison. Il faut atteindre l'escalier taillé dans la falaise, remonter les marches. Sture se fait plus sûr de lui, comparé à la descente. Il est pressé de rentrer, pour déposer son fardeau, cette charge si légère. Il connait ce chemin, il a l'habitude de le parcourir avec de grands poids dans les bâts. Cette remontée sera un jeu d'enfant.
Une fois arrivé en haut de la falaise, Sture et Edwin se mettent à trotter l'un à côté de l'autre vers leur foyer, visible au loin. Encore quelques minutes et ils seront arrivés.
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