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Et le lendemain matin, dans sa combinaison blanche de sortie extravéhiculaire, Christopher parcourait une dernière fois toute l'installation, s'assurant que rien n'avait été oublié. Il termina son tour par le sas de sortie, mit son casque, le scella, remonta la visière, ouvrit la porte et sortit. Dehors, sans atmosphère, le ciel lunaire était noir et constellé de points blancs, et la courbure de l'horizon très nette. A quelques pas de là, Christopher pouvait voir la caravane. Elle était composée du locomoteur, un gros tracteur pressurisé avec, derrière, un wagon hermétique à six roues aménagé pour l'équipage, lui-même tractant une charrette sur laquelle avait été posé l'énorme émetteur de secours.
Alfred était déjà à son poste dans le Rover de tête, tandis qu'Elvin et Cédric s'étaient installés à l'intérieur. Christopher, lui, avait du mal à marcher. À chaque fois qu'il sortait, il lui fallait un petit temps d'adaptation entre la pseudo-gravité terrestre simulée par ses chaussures aimantées et la pesanteur lunaire, la vraie. Son premier pas lui fit faire un grand bon plus ou moins contrôlé avant d'avancer normalement. Il arriva à l'arrière du bulbe pressurisé, regarda une dernière fois la charrette avec l'énorme émetteur comme pour s'assurer que tout était bien attaché, et mit son pied sur la contremarche pour rentrer dans le mini-sas de pressurisation. Une fois le sas passé, il y avait quatre couchettes (deux de chaque côté), des étagères remplies de nourriture ainsi qu'un écran de communication avec le chauffeur.
Il sentit les moteurs se mettre en route, Alfred avait mis la première. C'était parti pour cinq cents kilomètres de poussière lunaire, dans vingt mètres carrés.
Cédric et Elvin s'étaient déjà allongés sur leur lit. Il n'y avait pas grand-chose à faire durant les dix jours de traversée : conduire, lire, manger, etc. Le module n'était pas luxueux, même pas de douche. Les seuls arrêts étaient pour le changement de conducteur, toutes les huit heures. Pour le reste du temps, chacun faisait comme il voulait. Entre la lecture et dormir, Cédric, lui, préférait s'asseoir près de la vitre et regarder le paysage funèbrement magnifique.
Enfin, une voix annonça : « Les gars, habillez-vous, on y est. »
Christopher, qui était à la conduite, gara la caravane près de la grue du site A, mit son casque et sortit rejoindre les autres.
« C'est vide ici ! lança Elvin, ne voyant rien bouger.
- Tu t'attendais à quoi, des ballons et des banderoles ? » dit Alfred.
Mais Christopher sentait aussi l'anomalie.
« Non, il a raison, c'est vide. Je n'ai rien vu bouger depuis que j'ai le site A en visuel. Alfred, Elvin, utilisez la grue pour commencer à décharger le module. Cédric et moi, on va voir à l'intérieur. »
Bien qu'il fût le plus vieux des deux sites, le site A ne montrait aucune usure apparente. Blanc, composé de demi-sphères solides reliées par des tunnels, la lumière sortait par tous les hublots comme si quelqu'un s'était amusé à allumer toutes les lampes possibles et imaginables.
À l'intérieur, c'était calme. Christopher et Cédric enlevèrent leurs casques avant de visiter les lieux. Lentement, ils avançaient vers l'escalier principal de la cuisine. Seul résonnait le bruit de leurs bottines sur les grilles métalliques du sol. Leurs pas étaient hésitants. Après dix jours de gravitation lunaire, un petit temps d'adaptation était nécessaire pour se réaccoutumer à la gravité terrestre générée par la station.
En haut des marches, une cuisine rangée, propre. L'armoire à denrées, à moitié vide, ne contenait aucun sac de nourriture ouvert. Seul, par terre, près du large frigo, un magnet tombé. Cédric s'en approcha en parlant.
« Ils ont tous été désintégrés, ou quoi ?
- C'est bizarre, en effet.
- C'est parce qu'ils sont morts. »
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