C'est un oiseau - Seagle
Publié pour la première fois en 2004, finalement arrivé sur l’Hexagone en 2016 (chez Urban Comics, 126 pages), je suis tombé sur C’est un oiseau… un peu par hasard chez Giebert Joseph (où je prends la plupart de mes comics parce que c’est trop cher sinon pour mes maigres deniers) et l’exemplaire vendu était vraiment en sale état, la tranche était écornée, les coins étaient marqués et on pouvait deviner la trace d’un verre d’alcool sur la couverture. Mais l’intérieur était intact, comme s’il s’était avéré trop précieux pour être abimé par les vagues du temps ou l’inconscience humaine. Il y avait quelque chose dans le trait qui me fascina, une mélancolie qui faisait écho à mon désarroi intérieur, quelque part, j’ai acheté ce comics dans l’espoir d’une réponse, un peu comme Koestler ou Kierkegaard avant m’ont un peu chamboulé l’âme. Je suis donc rentré chez moi, le comics sous le coude et je l’ai déposé sur ma pile de chose à lire, le remisant au lendemain, puis au surlendemain, et ainsi de suite jusqu’à ce que deux semaines passent et qu’un voyage en train me le glisse à nouveau entre les mains. Ce livre ne fut pas une baffe… ce fut… différent.
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Bon avant de parler de mon ressenti en lui-même. Qu’est-ce que narre ce comics ? A mon habitude, je vous laisse le synopsis. Pour le résumé grossièrement, c’est un oiseau… raconte une histoire de superman… sans superman.
L'avenir professionnel de Steve n'a jamais paru aussi prometteur.
On vient tout juste de lui proposer d'imaginer les nouvelles aventures du plus célèbre de tous les héros : Superman. Côté personnel, il s'apprête cependant à connaître les moments les plus douloureux de son existence : son père a disparu sans laisser de message, laissant sa mère en plein désarroi. Au même moment, il apprend qu'une maladie génétique menace sa vie mais également celle de ses futurs enfants. Dans son imaginaire, Steve dispose de pouvoirs incommensurables, capables de faire bouger les planètes, mais dans la vraie, Superman n'est qu'une créature de papier, impuissante... Vraiment ? Un symbole est-il capable de sauver la vie d'un être humain bien réel ?
Le titre bien sur vient de la citation iconique que tout le monde connait sur l’arrivée de superman dans Métropolis. Malheureusement, je n’ai pas trouvé d’image correspondante tant le nombre de meme à partir de cette citation est immense, donc je vous laisse ici un meme pour vous remémorer le passage et une autocitation d’un autre numéro plus tard. Si quelqu’un a le scan de la page originale, je veux bien un mp pour que je modifie la planche dessous.
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Donc l’histoire c’est celle-ci un personnage principal (pas totalement autobiographique mais un petit peu quand même) se voit proposer d’écrire un superman, bon… c’est un sacré challenge pour lui, parce que le gaillard se noie. Il se noie dans son travail, dans son passé et dans sa famille. Il voit le spectre de la maladie partout, le spectre de l’échec et il tombe. C’est un personnage foncièrement antipathique même, avec une ou deux crises de violence, une arrogance un peu naturelle et une incapacité à avancer.
Mais quelque part, ce anti-héros est splendide, parce que son problème principal, c’est son rapport à superman. Lui qui est un échoué de la vie, comment peut-il écrire l’histoire de l’homme parfait ? Et c’est là le propos du texte : que représente superman ? Ce n’est pas le superhéros le plus vendu en kiosque, mais c’est le plus iconique, c’est l’incarnation du genre. Alors pour le héros, comment s’approprier ce personnage ? Pour se l’approprier, il faut le comprendre, mais il ne peut pas, son seul souvenir de lecture remonte à une salle d’attente d’un hôpital et alors qu’il finit la bd, qu’il est enfant, il fait son premier rapport à la mort. Une maladie sale qui lui a pris sa grand-mère. Une maladie génétique qui menace sa famille.
C’est donc un récit tout intime sur l’histoire d’un mec paumé qui devant l’opportunité du siècle a peur, et essaie de trouver une solution pour sauver son couple, sa famille et son travail. La mise en abîme est élégante et poétique, la fable de superman est touchante, et la réflexion, peut-être trop introspective parfois, est juste. On retrouve dans les mots du personnage un vrai développement philosophique sur le genre, ce qui en fait un comics d’auteur assez rare, très contemplatif et très humain. La réflexion est construite en miroir entre l’insolence que représente la perfection de l’homme d’acier et lui qui a peur d’être vaincu par la même maladie que son aïeule : la chorée de Huntington. Et on suit donc les différentes intrigues qui s’entrelace les unes sur les autres sans vraiment se faire de l’ombre, le rythme est lent, même si la fin est un peu abrupte, pour offrir vraiment une œuvre à part qui a l’ambiance d’un autre monde. J’ai lu sur une critique sur internet qui disait que l’œuvre avait la capacité à offrir au genre une maturité et une poésie qui était rare, et qui surtout pouvait faire aimer l’œuvre même à ceux pour qui la BD est un sous-genre qui ne vaut pas la peine d’être parcouru.
Le style graphique est assuré par le danois Teddy Kristiansen (ah oui, au scénario c’est Steven T. Seagle) et bon dieu que les dessins collent à l’histoire. La couleur est faite avec de l’aquarelle ou du pastel je ne sais pas, ce qui appuie l’aspect vaporeux de l’histoire. Le trait est croqué avec simplicité, presque avec naïveté, l’aspect Indies de l’œuvre s’assume donc beaucoup aussi par son dessin qui n’hésite pas à expérimenter, à changer de style suivant le flash-back ou la pensée dressé par le protagoniste principal. On a donc de l’abstrait, du naïf, du symbolisme, de la réutilisation de case avec un phylactère différent pour appuyer une sorte de comics absurde et burlesque, une farce humaine incompréhensible mais splendide. Je vous laisse quelques planches avant de reprendre
https://ericeotao.files.wordpress.com/2011/01/oiseau2.jpeg?w=768
http://www.actuabd.com/IMG/jpg/c_est_un_oiseau_2.jpg
http://www.actuabd.com/IMG/jpg/c_est_un_oiseau_1.jpg
http://www.actuabd.com/IMG/jpg/c_est_un_oiseau_3.jpg
Alors, je n’ai pas trouvé de réponse dans ce comics, mais j’y ai trouvé une certaine poésie, une impression de paix et surtout un rapport très lucide sur l’importance des super-héros et de leur mythologie, parce que superman est en effet un oiseau, qui plane comme un idéal au-dessus du monde dans une morale américaine surannée, mais réconfortante quelque part. Puisque c’est ça que raconte l’auteur. Nous sommes tous comme superman, des êtres qui peuvent devenir tant et qui ne sont que tributaire de leur propre volonté pour exister et réaliser.
Il n’y a pas vraiment de citation marquante dans l’œuvre, alors je vous laisse avec une qui résume bien le ton de l’œuvre.
Certaines personnes ont du mal à séparer la réalité de la fiction. Comme ma mère, qui a déjà écrit une fin épouvantable au mystère de la disparition paternelle. J'aimerais pouvoir lui expliquer qu'il y a plein de fins possibles à toute histoire. Papa n'a pas besoin d'être mort. Peut-être que papa est agent dormant de la CIA activé pour abattre une cellule terroriste. Peut-être que papa a perdu la mémoire et erre en Virginie occidentale en essayant de se rappeler qui il est et comment rentrer à la maison. Peut-être que papa est devenu homo et est parti avec son coiffeur, et est trop gêné pour l'avouer à quiconque. D'accord, certaines possibilités sont plus probables que d'autres, mais bon... Certaines personnes ont du mal à séparer la réalité de la fiction. Comme ma mère, qui a déjà écrit une fin épouvantable au mystère de la disparition paternelle. J'aimerais pouvoir lui expliquer qu'il y a plein de fins possibles à toute histoire. Papa n'a pas besoin d'être mort. Peut-être que papa est agent dormant de la CIA activé pour abattre une cellule terroriste. Peut-être que papa a perdu la mémoire et erre en Virginie occidentale en essayant de se rappeler qui il est et comment rentrer à la maison. Peut-être que papa est devenu homo et est parti avec son coiffeur, et est trop gêné pour l'avouer à quiconque. D'accord, certaines possibilités sont plus probables que d'autres, mais bon...
Comme beaucoup de comics d’auteur, son cœur de cible est restreint, si vous aimez le contemplatif, la réflexion et la pensée philosophique, je vous invite à vous le procurer et à la lire. Sinon, il est possible que l’alchimie ne passe pas.
J’espère vous avoir donner envie de le lire
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