Meurtre au Crazy Ourse Show.
Meurtre au Crazy Ourse Show.
Une enquête de Peed.
– Iiiiiiiiiiiiiiiaaaaoooo.
Ker la mite, statufiée de frayeur, venait de pousser un cri d’effroi. Lentement, ses mains qui l’instant d’avant obturaient ses yeux exorbités, descendirent le long de ses antennes. L’horreur se dévoila de nouveau : à ses pieds, dans une flaque de sang, gisait Pat Novie, l’ourse.
La stridence de son hurlement rameuta la petite troupe du Crazy Ourse Show. Se pressèrent contre lui Peg Hiii la cochonne, Scoot Her le régisseur allemand, Gonz Ho le gaffeur et Ani Mal le batteur fou.
La stupeur se lisait sur leurs visages de feutrine, et Croc Odile, arrivée en rampant, leur prêta ses larmes.
Ker la mite, répondant aussi au sobriquet de Kermite, enleva prestement son déguisement de quenouille et se précipita au corps. Chaud, il était encore chaud. Le meurtre venait donc de se produire. Sa face décrépie troubla l’assemblée.
– Mais que va-t-on devenir sans notre ourse ? balbutia Scoot Her. Pat tenait le rôle principal dans la scène se déroulant dans le désert.
– Oh mon dieu, c’est vrai. L’accoutrement de cactus lui seyait à merveille, les répliques vont manquer de piquant maintenant, renchérit Peg Hiii.
– Je vais composer une sonate à la batterie en son honneur, embraya Ani Mal.
Gonz Ho posa une question :
– Tu crois qu’elle est vraiment morte, Kermite ?
– Je ne sens pas ses poux, c’en est fini.
– J’appelle la police, s’empressa Scoot Her. Je connais un détective qui résoudra l’affaire en deux temps trois mouvements.
Peed, affalé sur son bureau métallique, lissait sa longue queue. Sa toilette terminée il daigna enfin répondre au téléphone qui s’époumonait dans un tiroir. Un geste vif ouvrit le compartiment et une patte griffue s’empara du combiné.
– Peed, à l’appareil.
– Monsieur Peed, c’est Scoot Her du Crazy Ourse Show.
– Comment allez-vous, Her ?
– Mal, très mal… Ma star est morte !
La voix de Scoot Her ressemblait à un vieux moteur de mobylette. Elle interpella Peed.
– Gardez votre calme her Her, j’arrive.
Le museau en pointe de Peed frétillait d’excitation. Ses petites oreilles rondes aussi. L’action lui manquait et cela se ressentait dans son comportement journalier envers ses collègues. Ne rien faire le rendait nerveux et irrascible. Une moitié d’entre eux le méprisait, l’autre l’enviait. Ce rat avait tout pour lui. Un physique aguicheur, une logique de déduction implacable, une dextérité digne de celle d’un jongleur à huit pattes, et surtout une vitesse qui laissait tout le monde « pantois. » D’ailleurs, elle lui avait valu son surnom : rat Peed.
Rallier le Crazy Ourse Show au travers des égouts ne lui prit que quelques minutes. Il sortit par une bonde de douche, en profita pour se toiletter, et fit une entrée remarquée parmi les occupants du petit théâtre. Son allant, son charisme, parlait pour lui, et la communauté se pourvut en courbettes. Seule miss Peg Hiii ne goûtait pas à son charme. Et pour cause, elle se rappelait que ce maudit rat avait interrompu une orgie cochonnesque et embarqué tous les mâles qui faisaient son bonheur. Sans un mot, elle éclipsa son derrière de lune.
Peed le remarqua.
– Madame Peg Hiii, où allez-vous ? Je vous signale qu’un meurtre s’est produit.
– Je n’ai rien à voir avec tout cela, nargua-t-elle.
– Nous non plus, s’empressa de répondre la troupe.
– Vraiment ! Conduisez-moi au corps, afin que je fasse les premières constatations.
Un « face de rat » suivit d’un ricanement en tir bouchon s’échappa de l’assemblée. Peed n’en tint pas compte.
Il arriva près de l’ourse.
– Quel est son nom ? interrogea-t-il.
– Pat, Pat Novie, répondit Scoot Her. Sans elle, je peux mettre la clé sous la porte.
Peed sortit un mouchoir de flanelle « blanc à poils longs » d’une poche, et l’approcha des narines de l’ourse. Les filaments voletaient à la respiration. Pat n’était donc pas décédée. Il garda sa découverte pour lui. Cependant, une question poinçonnait le cerveau du rat.
Mais pourquoi tant de sang ?
Tant bien que mal, il souleva une touffe d’ourse jusqu’à apercevoir un flacon de vernis à ongle. Sa logique implacable fit la corrélation entre ses deux découvertes : Pat s’était endormie alors qu’elle se faisait les griffes. Voilà tout. Une enquête encore rondement menée, pensa-t-il. Seulement, il voulait un dénouement à la hauteur du lieu. Quoi de plus normal qu’un baisser de rideau spectaculaire sur une semi-tragédie. Une idée vint toquer contre son front.
« Hum », ça devrait marcher, se dit-il à l’intérieur de lui-même.
D’un geste en douceur, il souleva une paupière de l’ourse. L’œil bougea de droite à gauche, de haut en bas, et se stabilisa sur Peed. Tout commença par un bruissement du pelage. D’abord imperceptible, il se fit discernable, s’amplifia, quand soudain l’ourse se leva d’un bond et disparu derrière un décor.
La troupe s’évanouit de concert dans un haaaa.
Peed, lui, rigolait à gorge déployée.
Le dicton ne mentait pas, les ourses avaient bien peur des rats.
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