Cette plante exprime la tendresse et l’amitié partagée.

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Micah hésite entre les deux choix que lui laisse son portable. L’appareil vibre furieusement et l’adolescent fronce les sourcils devant cette insistance. Même Kaïs est moins agressif que toi, petite boîte de métal. Il fixe le petit rond rouge que le bon sens le supplie de taper. Non. Je peux au moins faire ça. Il décroche et attend, inquiet, les premières phrases de Léana.

— Micah ?

La respiration irrégulière de l’intéressé ne s’arrange pas lorsque celui-ci entend la prudence dans la voix de la jeune femme. Micah éloigne le combiné de son oreille pour inspirer calmement avant de prendre la parole :

— Hey ! s’exclame-t-il d’un ton faussement enjoué. Comment tu vas ? Je suis désolé, je n’ai pas pu venir à midi, j’ai…

Sa voix est inhabituellement rauque. Le lycéen toussote un peu pour retrouver son timbre de voix normal mais les contractions de son torse lui arrachent des gémissements de douleur. Il mord son poing pour s’empêcher de trahir son état.

— Je suis désolée de t’appeler à cette heure, s’excuse-t-elle. Mais… Tu es sûr que tout va bien pour toi ?

Micah grimace. Il n’est pas sûr que la réponse « Oh, la routine ! Mon demi-frère a décidé de me pourrir la vie, mon père me brûle quotidiennement, je déteste ma Maîtrise de Feu et j’ai envie de mourir dès qu’on me parle de celle du Sang » serait appropriée. Il envisage un instant de lui dire qu’il vient de passer quinze minutes à pleurer toutes les larmes de son corps à cause de ces quatre sujets. Quelle bonne idée, Micah ! C’est sûr que ce type d’information ne va pas du tout l’inquiéter !

Il camoufle un grognement exaspéré. Il se souvient de la difficulté avec laquelle elle avait descendu les escaliers. Il faut qu’elle se concentre d’abord sur elle-même. Dans l’ordre de ses priorités, la récupération de ses capacités doit être bien plus haute que les petits problèmes de Micah Théso.

— Tout va bien, je suis simplement fatigué, murmure-t-il presque posément.

— Il faut que tu te reposes, dit-elle immédiatement. Ce week-end n’a pas dû être simple pour toi.

La sincérité des mots de la jeune femme le touche. Il n’y a aucun reproche, aucun sarcasme. L’adolescent inspire profondément, un maigre sourire sur les lèvres.

— Je pensais qu’on me laisserait tranquille au moins jusqu’au concours, lui confie-t-il, sincèrement. D’ailleurs, comment ça se passe ta préparation ?

Le changement de sujet n’est pas subtil. Clairement pas. Mais avoir la confirmation qu’elle lui en veut ou pas pour son mensonge… Micah n’est pas en état de l’entendre à voix haute. Oui, c’est vrai que temporiser a toujours été la meilleure des solutions. Le brun soupire discrètement ; il déteste le murmure sarcastique de sa conscience.

— C’est dur ! s’exclame-t-elle en riant légèrement. Hashim n’est pas tendre avec moi. À ce rythme, je serais prête bien avant juillet.

— Tu es très douée, c’est normal !

Lorsqu’il entend le reniflement moqueur de la lycéenne, le jeune homme lève les yeux au ciel. Combien de fois doit-il lui dire qu’elle a toutes les compétences pour réussir haut la main le concours ? Un doux sourire étire les lèvres de l’adolescent qui oublie temporairement ses peines pour rappeler la jeune femme à l’ordre :

— Ne commence pas, Léana.

— Ne commence pas quoi ? demande-t-elle, d’un ton innocent.

— Tu sais très bien de quoi je veux parler.

— Pas du tout.

— Mais bien sûr que si !

— Mais bien sûr que non ! Éclaire-moi donc de tes lumières, je ne suis qu’une pauvre petite chose dans cet univers trop grand pour moi.

Micah lâche une exclamation frustrée. La mauvaise foi de l'enkidienne dépasse des sommets jamais atteints ; il en est certain. Quand je te disais que tu es aussi butée que Kaïs, ce n’était pas exagéré ! Il expire théâtralement avant d’hausser légèrement le ton.

— Ce concours n’est qu’une promenade de santé pour toi. Tu vas tout déchirer, j’en suis sûr ! Ne pas croire en tes qualités, en tes forces, ce n’est pas la solution !

— Alors qu’est ce qui t’a fait penser qu’aujourd’hui, pour toi, ça en serait une ? demande-t-elle d’un ton malicieux.

Échec et mat. Elle t’a eu, mon vieux. Si Micah pouvait gifler sa voix intérieure, il le ferait sans hésiter. L’adolescent ouvre la bouche mais aucun son n’en sort. Il préfère serrer les dents en attendant la sentence.

— Micah. Sérieusement. Que tu sois prince du Lichtenstein ou roi du Groenland n’a aucune importance. Ce qui compte, ce sont tes valeurs, indique-t-elle, d’un ton ferme. Tu es généreux, doux, droit dans tes bottes. À aucun moment, même quand j’étais au plus bas, tu n’as cherché à me nuire. Au contraire ! Je te fais confiance. Alors laisse-moi te prouver que tu peux aussi avoir confiance en moi.

— Mais je t’ai menti, s’exclame le jeune homme, un poing plaqué contre sa poitrine. Je ne t’ai caché mon identité ! Tu ne peux pas me faire confiance !

— C’est à moi d’en décider, tu ne crois pas ?

Le jeune homme lâche un soupir de défaite et pose sa joue sur son oreiller. Son panda de glace apparaît tout près de son visage pour lui souffler un flocon de neige qui vient fondre sur son nez. Tu ne vas pas t’y mettre toi aussi !

— Je ne t’en veux pas, Micah, insiste-t-elle sincèrement. Je comprends que tu ne veuilles pas être défini par d’où tu viens. Qui tu es, tes valeurs, tes combats, c’est ça que je veux connaître.

— Mais…

— Y’a pas de mais, coupe-t-elle un peu brusquement. Ne te cache pas. Je suis certaine que ça ne te fait pas autant de bien que tu le penses.

Les lèvres pincées, Micah passe une main fatiguée dans ses boucles brunes. Ce qui compte, ce n’est pas ma santé mais la tienne !

— Et si c’était plus compliqué que ça ? demande-t-il, les yeux perdus dans le vague. Et si je te blessais même contre ma volonté ?

— Qu’est-ce que tu veux dire ?

Le sang ensorcelé du jeune prince l’empêche de préciser sa pensée. Micah se tourne vers le surnom de la lycéenne qu’affiche son téléphone. Il ne peut qu’espérer que Léana comprenne sa situation avant qu’elle ne soit blessée.

— ­Rien, je…

— Promets-moi que tu ne nous éviteras pas demain.

— Je n’aime pas faire des promesses que je ne peux pas tenir.

— Alors préviens-moi lorsque tu as besoin d’espace. Je respecterai ton choix, c’est la promesse que je te fais.

Comment fais-tu pour être aussi compréhensive ? Pourquoi ne me poses-tu pas plus de questions ? Micah n’est pas convaincu par la proposition de Léana. La côtoyer comme si rien n’avait changé, comme s’il n’était pas une menace pour elle… L’adolescent pourrait énumérer une par une les raisons pour lesquelles ce n’est pas une bonne idée. Mais c’est la seule solution que tu as, non ? Micah plonge sa tête dans son oreiller, frustré par ses propres pensées. Il doute que la petite voix de sa conscience lui veuille du bien avec des phrases comme ça.

— Micah… Dis quelque chose…

— Je… Je vais essayer.

Lorsqu’il entend le soulagement dans la voix de Léana, l’adolescent essaye de ne pas immédiatement regretter ses mots. Tu penses que tout va être comme avant. Ce n’est pas le cas.

— Je suis désolée mais je ne tiens plus debout… Je vais aller dormir. Bonne nuit, repose-toi bien, chuchote-t-elle entre deux bâillements. À demain !

— Fais de beaux rêves, à demain.

Micah appuie sur « raccrocher » et ferme ses yeux cernés. Est-ce que c’est vraiment une bonne idée ? Le lycéen connaît très bien la réponse. Négatif, mon général. Pourtant, quelque part, il se sent soulagé. La solitude, même s’il y est habitué, n’est pas une amie qu’il aimerait voir plus souvent.

Micah soupire tout en muselant l’angoisse qui bout dans son ventre. Il a une inconnue dans l’équation. Une variable qui pourrait très bien lui exploser à la figure demain.

Et elle porte le doux nom de Kaïs.