Chapitre 8.7

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Plusieurs jours avaient passés, Khiara n’avait pas eu une minute à elle depuis son couronnement. Elle était pourtant impatiente de passer du temps avec son frère qu’elle avait trouvé bien morne lorsqu’elle l’avait croisé. Aux dires de Sélène, le jeune homme restait souvent dans sa chambre à lire des livres qu’il avait déjà lu. Elle avait donc décidé de repousser une réunion avec le conseil pour lui rendre visite.

Elle le trouva comme elle s’y attendait, assis en tailleur sur son lit, un livre posé sur les jambes.

« Kal, tout va bien ?

  • Oui, fit-il en levant à peine le nez de sa lecture.
  • Nous aurons davantage de temps bientôt, et nous pourrons faire tout ce que tu veux, fit-elle d’une voix encourageante, en attendant, pourquoi ne pas sortir d’ici et trouver de quoi t’occuper ?
  • Parce que les domestiques n’ont de cesse de me dévisager, que dès que j’entre dans une pièce, tous se taisent et que je ne peux même pas parler à Sélène sans qu’on trouve cela étrange. Tant que je reste ici, personne n’est troublé par ma présence.
  • Nous avons réfléchi à ta demande de faire de Sélène notre dame de compagnie, nous en avons également parlé à Zorian, l’informa-t-elle en fermant son livre pour capter son attention, cela risque de paraître étrange…
  • Pas plus étrange que lorsqu’elle est devenue ma femme de chambre, lui souligna son frère.
  • Mais… reprit-elle en posant son index sur ses lèvres, nous allons le faire. Nous voulions que tu puisses lui annoncer toi-même, donc nous ne lui avons encore rien dit. Tu devrais aller la retrouver, elle est à la bibliothèque.
  • Es-tu certaine ? l’interrogea Kaldrys qui peinait à croire que Zorian lui-même ait validé ce changement.
  • Absolument ! Nous ne pouvons nier le soutien qu’elle a été pour toi et qu’elle est encore. Aussi avons-nous décidé de ne pas t’en priver. Si elle fait ton bonheur, alors elle fait le nôtre. »

Kaldrys déposa un baiser sur sa joue puis il la serra contre lui. Khiara sut qu’elle avait pris la bonne décision.

« Mais attention, nous aussi nous voulons passer du temps avec toi ! protesta-t-elle en feignant de bouder.

  • Bien sûr ! Et personne ne peut plus nous en empêcher.
  • Allez, sors de cette chambre et file la retrouver. »

Kaldrys se leva d’un bond, fit rire sa sœur en s’inclinant de façon exagérée puis quitta sa chambre en direction de la bibliothèque. Il pensait y retrouver Sélène seule, mais plusieurs femmes de chambre s’échinaient à nettoyer ça et là. Dès qu’il entra, les têtes se tournèrent vers lui et le silence s’imposa. Elles s’inclinèrent à son passage tandis qu’il avançait en cherchant sa bien-aimée du regard.

« Votre Altesse ? Avez-vous besoin de quelque chose ? l’interrogea Emilie.

  • Je cherche Sélène, elle n’est pas ici ?
  • Je suis là, Votre Altesse » fit celle-ci en se relevant de derrière une pile de livres.

Elle peina à masquer un sourire en le voyant. Il lui sembla particulièrement enjoué et cela lui mit du baume au cœur. Elle s’avança et attendit de voir ce qu’il lui voulait.

« J’ai à te parler, commença-t-il, conscient que toutes écoutaient leur conversation avec attention, d’une décision de ma sœur. Elle manque de temps, c’est pourquoi elle m’a envoyé et… nous devrions en discuter ailleurs. Suis-moi je te prie. »

Ils sortirent dans le couleur désert, et aussitôt le regard azur de Kaldrys se fit plus doux. S’il n’avait pas été inquiété par la perspective d’être surpris, il se serait autorisé à l’embrasser. Mais avec autant de femmes de chambre à proximité, curieuses et jalouses, il se retint.

« Qui a-t-il, Votre Altesse ?

  • Si cela te convient, tu vas devenir la dame de compagnie de la reine » chuchota-t-il pour être certain que personne ne l’entende.

Il était hors de question que ragots et rumeurs – qui allaient souvent de pair – se répandent au palais.

« C-C’est… c’est vrai ? Votre sœur n’est pas contre ?

  • Elle sait ce qui est bon pour son jeune frère, rit-il. Et même Zorian a approuvé.
  • Pardon ? Il a… ? Eh bien, nous pouvons dire que les choses changent.
  • Acceptes-tu ?
  • Evidemment ! J’en serais ravie, d’autant plus si cela me permet de pouvoir passer du temps avec vous.
  • J’ai oublié de lui demander quand cela prendrait effet, mais… j’imagine qu’en tant que prince, je peux disposer de toi comme je l’entends et donc t’emmener avec moi pour une balade à cheval dès maintenant.
  • Vous pouvez… disposer de moi ? répéta-t-elle en arquant un sourcil.
  • Tu es libre de refuser si tu le souhaites.
  • Faire le ménage… ou passer du temps avec vous ? Quel dilemme ! » ironisa-t-elle.

Le sourire qu’affichait Kaldrys la remplit de joie. Il l’attrapa par la main et commença à la tirer en direction de la chambre royale avant qu’elle ne l’interrompît :

« Quelqu’un risque de nous voir, il vaudrait mieux garder nos distances. »

Le sourire du prince retomba tandis qu’il la libérait de sa prise, et la mine renfrognée, il pesta :

« Un jour, nous pourrons nous tenir côte à côte sans que personne ne trouve à y redire.

  • Bientôt, je l’espère. En attendant, nous pouvons tout de même passer du temps ensemble. Mais… Kaldrys… peut-être est-ce un peu tôt pour une balade à cheval.
  • Mais… cette perspective semblait te plaire.
  • Bien sûr, cependant, après réflexion, ce serait étrange que nous quittions le palais ensemble, non ? »

Il soupira, constatant que la jeune femme avait raison. Déçu, il la regarda d’un air désespéré.

« Pourquoi ne pas nous promener dans les jardins ? proposa-t-elle en glissant vers lui un sourire tendre.

  • Les domestiques ne vont-ils pas nous voir ?
  • Vous vouliez me parler, plusieurs femmes de chambre peuvent en témoigner, non ? Et tout le monde sait que la marche est un excellent moyen d’alimenter une conversation.
  • Bien, alors, allons-y ! »

Son entrain était revenu, ses yeux pétillaient de nouveau.

Tandis qu’ils marchaient, Sélène observait les différentes plantes du jardin et Kaldrys répondait à ses questions sur celles-ci. Le jardin était si grand qu’elle se demanda s’ils retrouveraient un jour leur chemin vers le palais. Elle songea qu’être perdu ici avec le jeune homme serait loin d’être une mauvaise chose. Ils pourraient enfin ignorer le regard du monde et faire tout ce dont ils rêvaient. Il n'y aurait plus ni différence de rang ni convenance ni protocole ennuyeux. Juste lui et elle.

« Sélène, je tenais à te remercier, fit soudainement Kaldrys sur un ton sérieux, j’ai conscience que… tu m’as sauvé.

  • Comment cela ? Je n’ai ni courage ni épée, et je n’ai affronté aucun ennemi, fit-elle avec un sourire sans comprendre où il voulait en venir.
  • Cet ennemi-là était invisible. C’était… ma propre peur. La peur d’être différent, de n’être pas assez bien pour que l’on m’accepte. J’ai été dur avec toi, pourtant tu m’as toujours tendu la main. Je me suis souvent demandé si tu me comprenais, désormais c’est une certitude. Et je dois avouer que cela me réconforte beaucoup. Je sais qu’avec toi, j’ai le droit d’être imparfait. Je… suis peut-être trop honnête… »

Les joues rouges, il détourna le regard se disant qu’il en avait trop dit et qu’il devait lui paraître bien sentimental tout à coup.

« Ne soyez pas embarrassé, je suis honorée que vous ayez suffisamment confiance en moi pour me dire tout cela, le rassura Sélène avec douceur. Ne craignez jamais de me dire ce que vous avez sur le cœur.

  • Voilà qui appuie mon propos, fit-il tandis que son visage se détendait.
  • J’ignore si je vous comprends aussi bien que vous le souhaiteriez, mais je vous promets de toujours essayer de voir au-delà des apparences. »

Le cœur du prince se souleva dans sa poitrine et il posa un regard profondément épris sur la jeune femme. Il se rappela toutes ces heures enfermé dans le noir, glacé jusqu’aux os dans le refuge à espérer un jour avoir un ami. Une personne autre que sa sœur à qui il pourrait vouer une confiance aveugle, à qui il pourrait tout raconter.

Et il l’avait finalement trouvé.

Sélène l’admira ; elle trouvait à son sourire un charme envoûtant et ne se lassait pas de le regarder. Que n’aurait pas donné pour qu’il ne cesse jamais…

« Que comptez-vous faire désormais ? demanda-t-elle.

  • Vivre. »

                     FIN

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