Parfois la chance tourne
Que n'ai-je subi de remarques sur ma condition ! Du soutien qui se veut sincère (je n'ai besoin d'aucun soutien ) aux mots nettement plus désobligeants sur le coût de l'assistanat et le bon sens d'antan (si cet être est un poids, abandonnez-le dans les bois... ).
Et aujourd'hui, oui, aujourd'hui, je m'amuse, je me gausse, je savoure cette improbable, impensable revanche. La disparition des couleurs illumine ma vie. Ironie sublime !
Comprenez, les couleurs ne me manquent pas : je ne les ai jamais vues. Mes yeux sont deux billes inutiles depuis ma naissance. Paraît qu'ils sont, oups, étaient d'un beau vert. Ah ahh!
Sauf que y'a jamais eu d'électricité. Nerf optique défaillant. Alors moi, les couleurs... Elles n'ont jamais guidé mes choix. Je vois la mâturité des légumes avec mon nez et mes doigts. Je sens la météo du jour dans la façon dont le vent joue avec les arbres.
Mais ces pauvres voyants... Tordants, je vous jure ! En un trimestre, la radio a tant parlé des intoxications alimentaires (viandes pourries, pas vues, tout pris) et de la fermeture de restaurants que les politiciens envisagent de devenir restaurateurs pour qu'on reparle d'eux.
Les médias chialent sur les pubs fadasses, les industries désespèrent de vendre des produits ternes, les fashions victimes hurlent à la mort...
Je vais finir avec des abdos à se damner, à force de me gondoler.
La disparition des couleurs, quelle magnifique blague !
Merci la vie !
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