Neiger

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J'ai connu les nuances du noir absolu,
La pulsation primaire en sa nuit de Janvier.
Comme un chant placentaire, un bambin sanctifié,
Dans le ventre assailli de mémoire inconnue,
Longtemps dénoue le temps vers une aube d'hiver
De ses jambes battant le tempo de la vie.
La transparence éclaire un noyau dans le fruit.
Pousse et tremble un pommier dans le champ calendaire.

Le manteau se déchaîne autour de Février ;
Sous les toits assaillis par les boules fusantes,
On gante les destins, tandis qu'en valse lente,
L'avenir comble un blanc de naseaux carottés.
Là je glisse de lignes, que l'on dirait de fuite,
Au dessein mystérieux -- mais qu'y puis-je espérer
Puisque tout rêve en neige, puisque d'être enfanté,
Mon ego devait naître à l'envie carbonique ?

Vacillant naufrager, débutant merveilleux,
J'ai fait mienne la route où meurent les cascades --
Qui pouvait la fausser sinon l'âme qu'on grade
En salives sociales, qui frissonne en ces lieux ?
Qui pouvait fuir Arès, épris de glaces rouges,
De planète guerrière et d'Histoire, piètre humain,
Qui pouvait assainir son ivresse en ma main ?
Et qui l'avertirait qu'il est pauvre en sa fouge ?

De printemps en étés, survivance en orgueil,
J'ai conquis des dragons, des messies et des filles,
Invoqué les soleils inédits dans la file
En coulis de cosmos irisant mon linceul.
J'ai transporté déjà des milliards de passés,
Protégé leur enfance à la mort de mon père ;
Tout de cris emmaillés au collier de prière,
Du dedans de ma gorge un chant me renversait.

Vivre était ma tempête ; sa violence – voix inouïes --
De son chœur mystifiant m'a vidé comme moelle
De fantôme brûlant. Sans orgue et sans autel,
J'ai flambé mon église et ses plaies faméliques.
Bientôt les vents d'automne auront dressé leur cape
De partance embellie. J'espère sur mon âme
Les géants piliers d'air : nos évasions diaphanes
De l'instinct de la mer à l'aplomb des montagnes.

***

Alors me vient l'instant, si lumineux poignard !
Révélation violente de ma vanité !
Augural et vaincu dans le soir ébréché,
Mon verbe s'ankylose en ses zones bizarres.
Il découvre un palais sur un temps disparu,
Le pavage ineffable où jamais ne marcha
Le futile orpailleur, convoiteur en ses lois,
Foudroyant le Léthé qui fourvoya sa crue.

Si mon verbe est perdu sur une étrange ligne,
Ce n'est pas même un verbe ! C'est un désenchanté,
Succombant, sans ami, carotide salée,
Comme un ange innervé cherchant sa guillotine
Depuis son origine étrangère au chaos,
Dans le chaos sacré des mois, des sacrilèges ;
Il attend ma naissance à l'approche des neiges,
Flocon dans les années que blanchissent les mots.

Car les mots sont blanchis bien avant d'exister,
Avant de nous frapper de courants léthéens,
Avant qu'on se fabrique un futur en leurs mains --
Les mots sont dans la neige en couches incréées.
Janvier cherche leurs corps sur la page incendiaire
De cette soufflerie pastellée d'art tragique,
Et je peins mes visions sur la toile quantique ;
Je deviens l'au-delà de leurs vastes mystères !

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