L’éternel quête

15 minutes de lecture

Seule, la revoilà dans un tunnel entre deux dimensions. Un lien éphémère, dangereux et instable créé pour s'y aventurer ; il faut avoir une solide raison pour y entrer en plus de l'être soi-même, elle a les deux. C’est un cri murmuré dans le silence du désintérêt qui balise son chemin, un appel indirect qui touche son cœur et frappe sa conscience. Voilà pourquoi elle traverse la tête en première, ce tunnel malgré le tumulte qui l’entoure, frappé par des énergies cosmiques dépassant l’entendement.

C’est comme plonger dans un océan déchaîné aux vagues les plus hautes et au creux les plus profonds tout en subissant des radiations. Elle aurait été exposée à bien pire si elle n’avait pas pris des dispositions.

Sa quête est sans fin et elle le sait, pourtant, c’est avec une joie immense qu’elle s’y attelle, le sourire aux lèvres malgré sa souffrance. Elle connaît le chaos de ces remparts qui sépare les mondes à un point que ce n’est plus une surprise quand elle se fait foudroyer et brûler malgré ses protections énergétiques.

L’appel, encore, il se fait plus distinct ; un chagrin qu’elle ressent pleinement. Son esprit se projette et elle voit d’où il vient. Un monde de violence, de torture et d’actes abjects où l’innocent n’est qu’un objet soumis au seigneur qui en dispose librement, même de leur propre enfant, les âmes ne sont pas non plus épargnées.

L’appel, l’âme d’une adolescente qui subit les pires sévices apparaît, absolument rien ne lui est épargné. Seul l’esprit est libre de voguer brièvement et sans savoir comment, c’est elle qui a balisé inconsciemment un chemin pour guider la voyageuse. Désespérée, elle murmure.

- À l’aide.

Elle meurt, l’âme enfermée dans une prison dont elle ne peut sortir, otage d’un chantage. Si elle s'en échappe, un autre prendra sa place.

Le chemin se referme ; la vision des corps sans vie l’envahit. La voie est fermée ; tant de souffrance qui en ferait pâlir la plupart des enfers. Le tunnel est bloqué ; ce monde n’est que douleur. Le corps astral de la voyageuse revient dans son corps.

- Tyran…

Troublée et traumatisée par ce qu’elle vient de voir, elle s’arrête. Des pics pour empaler un peu partout, des fosses pour enterrer les méprisées. De surcroit, il y a du cannibalisme débridé au point de ne plus être caché, du commerce d’esclave, d’organe et d’âme. Tout cela en masse, tout est légal. Aucun des mondes qu’elle a visités n’a atteint une telle ampleur dans l’abjecte. Encore une fois, certains enfers où règnent la sauvagerie et la barbarie sont plus accueillants.

Et l’adolescente… Et l’adolescente ; tous ces innocents.

Son cœur est atteint, elle pleure de tout son être. Puis quelque chose s’éveille en elle, une vieille colère endormit. Une simple pulsion dans son for intérieur, un simple non la fait s’élancer dans l’impasse. Telle une lance, elle fend le tissu de l’espace ignorant la douleur qui s’insinue dans sa chair et dans ses os. Avec son crâne, elle fracasse le rempart ; à Dieu et au Diable les mises en scène et les subtilités.

Elle hurle comme mille démons son incommensurable peine, plus bruyante que toutes les trompettes de l’apocalypse. C'est dans cette résonance d'émotion brute que s'ouvre une faille dimensionnelle d’une taille qui n’a que pour égale le soleil, éclipsant sa lumière et bien plus encore. Elle ne leur laissera même pas le temps de comprendre ; ni de présentation ni de discussion, juste des actions. Crier sa rage et faire un carnage seront ses seules réponses, avec pour masque son sourire de dragon aux canines tordues par une haine vorace. Son troisième œil convulse, ciblant chaque coupable ; sa gueule grande ouverte, comme celle d’un chien qui a la rage, laisse échapper non pas de la salive, mais des flammes bleutées et noires d'intentions.

Le portail hautement instable se retrouve cerclé d’acier obéissant à l’entité dimensionnel. Les vents solaires et leur lumière sont distordus, servant les dessins de l’architecte.

Sans retenue elle charge tout en explosant plusieurs milliers de fois le son dans l’atmosphère toute en faisant le tour du globe, le cerclant d’un feu infernal. Elle a trouvé le plus abject de tous, le meurtrier de l’adolescente. Le seigneur entend un terrible sifflement avant de voir son plafond se faire balayer par une immense masse noire et cornue. Il était dans les sous-sols de son château.

Trois secondes pour comprendre que la chose plus grande que son ancienne demeure est là pour lui ; elle le décapite avec ces incises, arrachant son âme par la même occasion. Du ciel tombent des pics d’ébènes perforant des millions de personnes ; les rivières deviennent des fleuves de sang. Un milliard, les mers se teintent, deux milliards, trois milliards. Tous les océans rougeoient sous cette frénésie meurtrière que seule la vérité peut l’arrêter, celle qui lui est chère. Elle réalise que les bons sont tous viciés par ce monde. Il ne restait plus que cette adolescente qui était un cas miraculeux, un cas sur cinq milliards.

Cette dure réalité la fait s’effondrer, son âme cède, exacerbée par toutes ces ignominies commises. Sa gorge laisse échapper un cri guttural d’une telle intensité que le monde semble peser plus lourd. Puis elle crache au sol des flammes se transformant en mur de feu qui précède le cri qui devient plus perçant à mesure qu’il avance et accélère. Animaux et plantes ont été pervertis ; un monde perdu, elle préfère le détruire. C’est la première fois qu’elle doit en arriver là, par désespoir ; un système enraciné et malveillant à un point qu’il survit en toute chose et lieu.

Des flammes d’encre noire prennent la forme de dragon ailée couvrant le monde de leur noirceur et pulvérisant tout ce qui se trouve à la surface. Des serpents bleutés et flamboyants sillonnent cette terre et plantent leurs crocs, injectant un poison qui s'attaque aux racines du mal, plongeant jusqu’au cœur du monde qui pulsa avec une telle force que les volcans se sont réveillés et les veilles plaies, de nouveau ouvertes, fracture la terre dans des craquements macabres.

La voix de la sombre croisée fracasse le temps et poursuit dans l’espace les intentions sinistres. Les vents du soleil sont soufflés, l’intégralité du système est contaminée par le mal. Inacceptable, elle perd conscience lorsque l’étoile en son sein commence à l’irradier d’une douleur atroce. Les milliards d’âmes coupables la combattent simultanément, la brutalisent, faisant atteindre à leur geôlière un niveau de souffrance que même la plus masochiste des entités ne pourrait supporter. Elle vaincra pour sûr, mais une transcendance se produit à son insu.

En son âme, c'est fissuré un rempart enfoui profondément dans sa psyché qui vient de laisser échapper quelque chose qui est présent depuis l’aube de son existence, insoupçonnée dans cette vie, c’est une légère vague qui la submerge. Mais pour le monde, c’est une tout autre perception.

Submergée, sa gueule déployée à en faire craquer l’articulation pointe le zénith et expulse depuis son cœur un râle rayonnant tel un quasar, emportant la poussière des étoiles. Ses yeux larmoient d’une rage incandescente suintante sur son corps qui brille d’autant plus. Le son et la lumière synchronisée, la galaxie oscille sous le poids de l’affliction et c'est dans son entièreté que les êtres perçoivent cet instant qui ne peut être ignoré. Les temporalités se synchronisent brutalement sur des milliards d’années-lumière, tous sont témoins, des secondes pesantes où le temps est suspendu, quel que soit l’événement. Bien au-delà à travers les dimensions et les tumultes, la déferlante est perçue par les êtres un tant soit peu sensibles, les ravivant dans la fatalité d’un courage soudain pour l’affronter. Cette volonté qu’ils ressentent est plus qu’un désir ou une colère, ce n’est pas non plus un espoir, c’est une sensation qui ne fait qu’embraser ce qu’elle effleure. Elle est, et c’est tout. Une requête qui doit être accomplie en cet instant que l’univers lui-même peine à porter, violé dans ses lois les plus primordiales. Ceux de la croisée prévalent alors.

Les âmes coupables ressentent le pire des tourments. Leur confusion est aussi prenante que la sensation que l'on éprouverait si l'on est soudainement perché en haut d'un pic montagneux qui possèdent les pentes les plus abruptes, avec la détresse de la chute et l'implacable choc de s’écraser, et tout cela en même temps, amplifié par une impression de noyade et d’atteindre les abysses les plus insondables, avec en supplément, l'atroce ressenti de brûlures qui vous irradient avec la même intensité que la plus brillante des étoiles vous transperçant de ses rayons depuis l’intérieur de votre être et l’extérieur avec la même finesse que des aiguilles qui se logent dans l'épiderme. Instantanée, intouchable, impossible de voir la provenance, en vérité aussi antipathique sont certains, ils éprouvent les indescriptibles affres de l’entité qui sont bien au-delà de ce qui est décrits plus haut. Chaque molécule est déchirée par une puissance brute, les âmes damnées sombrent dans la folie avant d’oublier aussitôt ce qu’ils étaient. Ils se retrouvent dispersés par cette tempête d’ampleur cosmique qui souffle sans faiblir.

Quand les secondes devinrent une minute, le tout s’apaise d’un seul coup et l’univers reprend le cours de son existence comme si rien ne s’était produit. Mais définitivement, cela s’est bel et produit, les subtiles marques sont gravées de manière immuable en chaque être témoin profondément dans leur subconscient. Mais le plus gros des stigmates et sur ce monde où la dame noire reste figée, la gueule béante vers les cieux, comme une statue crée de toute pièce pour être dessiné par les peintres de nature morte.

Étourdie, mais toujours debout, elle ouvre ses yeux, la terre est devenue aussi sombre que sa peau qui se recouvre de cendres ; elle referme ses paupières espérant vainement que ce n’est qu’un cauchemar, quand elle les rouvre, ses membres tremblent. Seul le vent produit un bruit ; aucun cœur ne bat, pas de souffle de vie, rien, à part elle.

- Par les étoiles, qu’ai-je fait ?

Elle le sait très bien. À genoux, puis à quatre pattes, la culpabilité lui pèse tant qu’elle fond en larmes, les cheveux traînant sur le sol cendreux. Recroquevillée au sol, la queue enroulée sur elle-même, abattue par un chagrin si profond que cela la blesse, même en sachant pertinemment que ce monde était perdu depuis longtemps. Chaque molécule était imprégnée de ce mal et la destruction était la seule solution. Elle aurait aimé trouver une autre conclusion. Seulement, était-ce possible d'en avoir une autre ? Aucune réponse ne pourrait la soulager et ne pas la connaître reviendrait au même que d’en avoir une, car dans chaque cas, il n'y a que la souffrance.

Alors elle chuchote.

- Ce n'était pas ce que je voulais, et pourtant. D’habitude, je sauve les mondes, mais cette fois… Cette fois, seulement, j’ai échoué. Pardonnez-moi… Pardonnez-moi de m'être abandonné à la colère ; pardonnez-moi de vous avoir abandonné. Je suis tellement désolée.

Honteuse, elle cache ses yeux, préférant ainsi se morfondre dans sa solitude, avec pour couverture sur son épiderme, les envols gris de ces victimes.

- Excuse acceptée.

C’était si soudain qu’elle se dresse sur ses pattes d’un coup ; l’appel, l’adolescente, son âme libérée. Elle est accompagnée de milliards d’autres, celles d’innocents morts durant ce millénaire ; ceux qui se sont rebellés contre la fatalité de ce système.

- Ça ne pouvait finir autrement.

Beaucoup d’entre eux acquiescent.

- Et pourtant…

- Nous le savons, étrangère. Je ne me doutais pas que vous alliez raser le monde, mais bon, je savais bien que ça allait mal finir en voyant votre dégaine. La magie de nos seigneurs nous rend mauvais dès la naissance, moi, j’étais une voleuse.

- Je ne qualifierai pas une simple voleuse d'être fondamentalement mauvaise, jeune fille, tout au plus hors la loi. Non, il y avait de la réelle bonté en toi. C'est ce que je vois en ton cœur, qui par je ne sais par quel miracle, a su resté intègre en ce monde de malfamée.

- À bon ?

Encore une fois, beaucoup acquiescent.

- Si vous le dites.

L’étrangère soupire longuement.

- Que vais-je faire maintenant ? Je ne peux quand même repartir et laisser ce monde en ruine ?

- À moins que vous sachiez comment le réparer il n’y a plus rien à faire. Partez, on ne vous veut pas. En tous cas pas vraiment. Inutile de…

- Réparer !

S’exclame-t-elle, en souriant, le doigt levé ; une idée a germé, fabuleuse, pleine de lumière et d’espoir. Ses cheveux de jais étincelant d’azur portés par un renouveau se répandent dans le ciel. La faille dimensionnelle s’approche, cerclée par un portail d’acier serti de douze saphir bleu.

- Mais que faites-vous ?!

Crie une âme inquiète, qui se protège de ses frêles bras.

- Je vais tout réparer, je vois le passé et chaque chose qui le compose ; celle de vos âmes, celles de vos corps. Je peux vous reconstituer à partir de ces informations présentes dans la trame du temps !

Elle s’élève dans les cieux, reliée à d’étranges machineries qui sortent du portail comme le feraient des vaisseaux spatiaux. Sifflants, craquants, vrombissants, ils attendent les ordres de leur maîtresse. Elles parsèment le firman, un vaste dispositif digne d’un complexe de terraformation globale, le tout relié entre elles par la chevelure tel un câble.

Ses mains tendent vers les cieux, claquement de doigts, le tout tonne et brille en rythme. Lancer dans un processus dont elle est la cheffe d’orchestre. Ses bras redescendent ; les yeux irradiants d’espoir.

- Attrapez mes mains ! Je vais vous offrir ce que j’ai pris ; la vie ! Votre monde va renaître ! Soyez-en assuré, vous pouvez avoir foi !

Les plus braves ne se disent même pas : et pourquoi pas ? Ils prennent sa main. Les autres suivent, même les plus introverties, la voleuse comprise. La machiniste claque de la mâchoire de manière incontrôlable.

- Données collectées, validation des profils, confirmation de consentement ; construction du plan phénix !

Son cœur pulse à une vitesse folle ; son esprit calcule tous les éléments à une cadence qui l’est toute autant. Sa tête tremble d’excitation, claquant toujours de sa mâchoire comme le ferait un vieux moteur qui cliquette.

- Si palpitant ; tout le monde prêt ?! Alors c’est parti !

Les machines détonnent, des engrenages qui ne peuvent s’arrêter, crachant des vapeurs qui recouvrent le monde. La création est enclenchée et des milliards de graines tombent suivies d’étranges arbres grands comme des montagnes, les plantes poussent soudainement dans un élan vigoureux, s’élançant vers les cieux comme pour toucher le divin. Viennent ensuite les sarcophages qui tombent de part et autres sur la planète. De ces funestes coffres sortent les créatures qui peuplaient ce monde, améliorées et préservées du passé. Volant et gazouillant face au soleil qui revient ; courant dans les prés pris dans l’effervescence du printemps. Chaque effort est encouragé par une éruption de vigueur affluant dans chaque parcelle de leur être.

Le monde lui-même se voit doté d’un cœur palpitant dans son réconfortant manteau de lave, tournant avec frénésie sur lui-même, les champs magnétiques moribonds se déploient à nouveau comme dans sa jeunesse, chantant à travers le cosmos, jamais il ne s’est aussi bien porté. Les vents solaires qui étaient de véritables agressions ne sont plus que des caresses, produisant des aurores boréales et australes dont la splendeur émeut les êtres fraîchement incarnés qui laissent entrer ces lumières par les fenêtres de leur âme.

Et la jeune voleuse, le souffle envahit ses poumons, tandis qu’elle sort de son cercueil, prise d’une angoisse mémorielle, celle de sa mort ; la revoilà dans un corps à la fois semblable et différent. Elles lèvent les yeux et voient l’aurore d’azur chantante ; l’euphorie gagne tout son être.

- Entendez mon chant ! Gloire à ce moment ! Tellement de souffrance en tout temps ! Mais voilà, c’est terminé ! Enfin libérés, je le souhaite pour toute l’éternité ! Amour, paix et joie pour ce monde qui renaît ! En mon cœur empli de bonheur sachant que vous allez avoir un bel été !

Dansante et traversant comme une ballerine les étoiles, elle continue la célébration.

- Je souhaite que la pluie caresse vos peaux ! Que vous trouviez toujours quelqu’un pour vous réconforter ! Qu’il y aie toujours cette douce neige qui vous émerveille de sa pureté ! Que vos villes soient embellies de ce qu’il y a de plus beau ! Qu’il y est toujours une personne pour partager sa chaleur au solitaire ! Que vous trouviez une main quand vous êtes à terre !

Elle rit d’une joie si intense que la douleur disparaît, euphorique au point d'en faire osciller l’espace lui-même. Mais parce que toute chose a une fin, elle doit quitter ce monde, mais pas sans un dernier cadeau.

- Avant de vous quitter, je vous offre deux de mes enfants. Indépendants et intelligents, ils veilleront sur mon portail ainsi que cette paix instaurée.

De ses yeux coulent deux larmes qui prennent la forme d’entité ni-humain, ni-machine, des splendeurs de complexité.

Le fils est armé d’un marteau blanc comme l'ivoire parcouru de sillon d’or ; sa peau de métal argenté et gravé par un symbole, la balance de la justice rayonnante tel le soleil. Il est l’homme de loi puissant et implacable qui influence le monde par sa simple présence.

La fille est armée de deux dagues aussi sombres que le fond d’une caverne où les rayons solaires ne peuvent aller, parcouru de courbe bleutée froide comme la glace. Une peau d’obsidienne dont le symbole est celui de l’étoile du chaos, fléchant sur tout son dos les multiples possibilités. Elle est la femme discrète et occulte ; celle qui laisse le voyageur dévier, sans pour autant rester inactif face à ceux qui prennent le chemin des abysses.

Ces étranges jumeaux qui se complètent parfaitement et saluent leur mère d’un signe de la main. Leurs âmes, n’ayant pas connu la dernière pluie, savent déjà quel avenir leur est offert. C’est avec enthousiasme qu’ils acceptent leur mission.

Ainsi, elle crée à partir des lances et des machines une sorte de tour-temple grande comme une montagne qui garde en mémoire ce que ce monde était. Les gardiens sont les jumeaux.

La faille dimensionnelle rétrécie tout en rejoignant le centre de la tour ; la mère-créatrice se trouve au milieu s’entourant du dispositif. Ses cornes déchargent les souvenirs du monde dans la superstructure, le tout se referme sur elle.

Il y a deux portes, l'une pour sortir et entrer de la tour. Elle pourrait l’emprunter cette dernière. Lui faisant face, un instant, elle préfère sans détourner. Celle qu’elle a devant mène dans la dimension d’où elle provient, personne ne pourra la suivre. L’iris s’ouvre, le saphir scintille et un couloir apparaît. Elle l’emprunte sans regarder en arrière, persuadée que tout ira bien. De toute façon elle leur a dit au revoir, à sa manière bien sûr.

À peine rentrée dans son domaine vide de vie qu’un écho lui parvient ; un ancien murmure, venant d’elle cette fois. En fermant les yeux, un vieux rempart gris portant une croix noire apparaît. Les remparts oubliés, dans les abysses du subconscient, au-delà des rêves et de cette vie. Il l’écrase de sa grandeur ; le poids qui s'exerce sur elle l’est tout autant. Pourtant, elle ose s’approcher de la fissure et pour y voir des secrets cachés, les siens. Elle découvre une autre cicatrice, une culpabilité qui a toujours été là, dès sa naissance et celle d’avant, et encore, et encore. Elle ne peut l’avouer. Le dire serait une véritable épreuve. Apeurée, chagrinée face à cette terrible vérité ; derrière encore se trouve une autre. Sa seule réaction est de continuer à sourire, le masque ne doit pas tomber, ce n’est pas le bon moment.

Elle comprit ce qu’elle est réellement, mais la plaie se cautérise, laissant cependant une trace. Alors elle murmure.

- Je ne suis pas encore prête ; le poids de cette vie-ci me pèse déjà trop.

L’oublie la frappe, à nouveau, le chagrin envahit son cœur endolori, ses yeux s’ouvrent, la revoilà recroquevillée, flottante dans le néant. Les chuchotements sont silencieux, mais leurs ondes résonnent telle la plus légère des brises. Imperceptibles pour les sens, mais l’influence est bien là.

Sa réponse à cela ? Un grand sourire insolent, son corps qui se dresse avec fierté tout en se posant sur une planète aux roches noire. Ce n’est pas la première fois que la mélancolie la gagne, des moments éphémères et nécessaires. Tous juste remise de ses actes, qu’un cri murmuré retentit dans l’univers, effleurant sa colonne vertébrale comme le ferait une goutte d’eau d’une stalactite de glace. Elle se retourne, les larmes aux yeux, avec toujours et inlassablement ce masque qui cache son humanité.

- À nouveau, pour ce qu’il y a de plus beau, je vais traverser les eaux.

Et de tout son être, hanté par sa quête, elle s’élance à travers les dimensions pour répondre à cet appel, laissant une traînée d’énergie iridescente.

- J’arrive être du malin, moi votre destin. Je suis…

Et encore, elle fracasse un autre rempart, clamant et hurlant sa triste joie.

- Votre fin !

Annotations

Vous aimez lire Wilfried.c ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0