Partie 2/5

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Mes enfants, je vous vois frémir… L’excitation aurait-elle supplanté la peur ? C’est que je remplis mon rôle à merveille.

Oh, vous voulez savoir quels malheurs vont frapper Ceralia ? Je ne vais pas vous faire patienter plus longtemps.

Au moment où je vous ai laissés, la capitaine avait été éjectée de la demeure de l’impératrice sirène. Et quel bond elle fit depuis la surface ! Une jolie parabole jusqu’à la passerelle de son navire, où elle atterrit avec fracas. Ceralia toussa, cracha de l’eau et surtout, émit des râles disgracieux. Sa douleur au dos et aux jambes n’était rien par rapport à ses anciens combats, pourtant elle-même ressentait quelque chose de différent.

Son équipage s’affaira autour d’elle à la hâte. Ceralia était encore secouée, elle prenait de grandes inspirations, mais ses soupirs s’alliaient à ceux de ses sœurs et frères de cœur. Surtout à sa seconde Reigad, qui l’enveloppa dans ses bras.

— Oh, capitaine ! s’époumona-t-elle. Je vous ai cru morte.

— Je suis là, se surprit Ceralia entre deux halètements. Indemne, je suppose ?

— Encore heureux ! Nous serions perdus sans vous.

Ceralia résistait difficilement aux larmes et lèvres pincées de sa seconde. Elle s’extirpa tout de même de son étreinte, au moins pour balayer la passerelle du regard. Toute mouillée, peut-être, frigorifiée pour sûr, mais fière avant tout !

— Vous êtes exceptionnelle, louangea Zesdaf. Être entrainée dans les profondeurs et y revenir saine et sauve, ce n’est pas à la portée de n’importe qui. Je parie que vous y avez rencontré une créature ancestrale. Usant de votre éloquence pour vous sortir de ce mauvais pas !

— Eh bien…, balbutia Ceralia. Vous ne me croirez jamais.

— Racontez tout de même !

— J’y ai rencontré… des sirènes.

Il y eut des murmures par-ci, des cris par-là, et pas la moindre moquerie. Certes la capitaine aurait puni toute insolence, mais elle était rassurée de se savoir crue. C’était ainsi qu’elle avait assis sa loyauté. Elle pouvait relater son séjour dans les abysses, son dialogue avec une impératrice sirène, et son équipage la dévisagerait avec fascination.

Inutile d’être aussi pressés, mes enfants ! Tharadia avait bien précisé que la malédiction mettrait du temps à prendre effet. Assez de temps, à vrai dire, pour que Ceralia et ses subordonnés puissent avoir de faux espoirs. Trop peu pour que ses méfaits se poursuivent.

Une semaine plus tard, Ceralia était déjà proche d’oublier l’incident. Une opportunité parfaite de reprendre sa vie de pirate se présenta : un navire de la marine dans les parages ! Sitôt informée, la capitaine se hissa à côté de la proue, et brandit son épée, armée d’un sourire impitoyable.

— À l’abordage ! hurla-t-elle.

Tout était prêt. Leurs canons dirigés contre le vaisseau adverse, haches et arbalètes au poing, les planches placées pour atteindre leur pont. Dans son élan, Ceralia n’avait plus qu’à rejoindre la passerelle.

Elle chuta dans les escaliers.

— Ça va, capitaine ? fit un pirate. Pas votre genre de vous fracasser, d’habitude.

— Rah ! grogna Ceralia. Contente-toi d’avancer, pas de temps à perdre.

Ceralia se releva en un rien de temps. Et aussi en un rien de temps, glissa de nouveau pour prendre le mât tête la première. Elle fut sonnée quelques instants, assaillie de bourdonnements. Là encore, une pirate dut l’aider à se redresser au mépris de sa frustration. Imaginez, la capitaine avait perdu son épée pendant que son équipage bataillait déjà avec les marins ! Giclées de sang et cliquetis caressaient ses tympans.

— Capitaine, vous avez trop bu ou quoi ? s’inquiéta Zesdaf.

— Je suis sobre ! se défendit Ceralia.

— Il n’y a pas de mal à admettre que vous avez la gueule de bois. Ça arrive aux meilleurs d’entre nous.

— La ferme et retourne te battre ! Vous devez les massacrer jusqu’au dernier !

Ses compagnons s’appliquaient durement à la tâche. On ne pouvait en affirmer autant pour la capitaine. Son épée lui échappait des mains chaque fois qu’elle s’en emparait. Une poigne ferme aurait assuré sa maîtrise, mais son crochet en avait décidé autrement.

— Restez en retrait ! avertit Reigad. Il vaut mieux.

— Hors de question ! tonna Ceralia. Qui serais-je si je laissais mon équipage se débrouiller ?

— Ça ira, nous savons…

— Non ! Je dois combler ma soif de sang !

Par miracle, Ceralia parvint à garder l’épée dans sa main. Serait-ce donc la fin des ennuis ?

Que nenni.

Car une fois parvenue sur la passerelle, sa lame s’enfonça sur une cuisse… celle de son alliée, une orque avec le double de sa carrure.

— Capitaine, regardez où vous visez ! tempêta la pirate.

— Désolée, souffla Ceralia, horrifiée par son geste. Un peu de concentration et je vais…

Et elle échoua à tout. Pendant que ses subordonnés tranchaient, démembraient, décapitaient, Ceralia entama malgré elle une danse invraisemblable. Elle perdait l’équilibre à chacune de ses foulées. Ripait sur les planches comme si elles avaient été savonnées. Même lorsqu’elle gardait le maintien sur son épée, elle ne réussissait à toucher aucun de ses adversaires. Ses alliés, en revanche… D’aucuns se souvinrent encore de ses lacérations.

Les marins étaient si hilares que les pirates durent jeter leur capitaine sur leur bateau. Qui étaient-ils pour exiger son retrait ? Encore et toujours, Ceralia était prête à réclamer violence. À peine eut-elle posé un pied sur la planche liant les deux navires qu’elle se désagrégea… Et même dans sa fureur, la capitaine évita un saut trop périlleux.

Je lis un soupçon de déception dans vos yeux. Les pirates sortirent victorieux de ce combat, oui. Et l’immense majorité des marins avaient péri. Mais pour la première fois, le triomphe de l’équipage avait un goût amer.

En tout cas, ils réservèrent un regard saturé de haine à l’intention de leur capitaine.

— Il faut qu’on parle, déclara sèchement Reigad. Vous avez blessé six d’entre nous. Et nous avons perdu plus de compagnons que d’habitude !

— Et j’en suis peinée ! s’écria Ceralia. Mais ce n’est pas ma faute ! Je ne suis plus moi-même.

— Ce serait votre malédiction, alors ? demanda Zesdaf. Si oui, les sirènes ont un drôle de sens de l’humour.

— Vous avez agi sans réfléchir aux conséquences ! Capitaine… Pour notre sécurité, vous ne devriez plus combattre tant que cette malédiction vous frappe.

Je n’ai pas les mots pour décrire l’expression de Ceralia. Elle qui avait tant répandu le sang, réduit à un rôle de spectatrice ? Pire qu’un coup de poignard ! Son visage se décomposait à vue d’œil tandis qu’elle s’écroulait sous la pression des coups d’œil assassin. Oh, il y avait encore une pointe de compassion… pour le moment.

Ceralia chercha une échappatoire au-delà du brouillard. Il y avait une survivante parmi les membres de l’équipage ennemie : une humaine équipée d’un plastron doré, aux épaulières et jambières proéminentes. Plissant l’œil, la capitaine remarqua toutefois quelque chose d’anormal.

— Pourquoi l’avoir attachée avec des cordes et pas des chaînes ? demanda-t-elle.

— Belle tentative de changer de sujet ! siffla Reigad. Vous n’avez pas remarqué son ventre arrondi ? Vous êtes borgne, pas aveugle !

— Que de considérations pour une otage enceinte ! Ai-je le droit de m’entretenir avec elle, au moins ?

Une lueur d’hésitation germa sur la figure de la seconde.

— On ne va pas vous priver de tous vos plaisirs, conclut-elle en haussant les épaules. Elle est à vous. Faites juste attention et appelez-nous si besoin.

Ceralia agrippa la prisonnière sur-le-champ au mépris de ses geignements. Enfin, elle pouvait libre cours à ses pulsions !

Excusez-moi, les enfants. En distillant un peu d’incertitude dans l’histoire, j’ai dû vous laisser croire que Ceralia allait torturer une femme enceinte. Rassurez-vous : la malédiction frappe à tous les niveaux.

Ceralia força la femme à genoux dans sa cabine. Malgré sa frustration passée, elle se délectait du moment, bien que son otage ne tressaillît pas non plus d’un iota. Peu lui importait qu’un crochet frôlait son visage, elle gardait la tête haute.

— Paladine Daelyn Barsil, se présenta-t-elle sur un ton vaniteux. Défenseuse des faibles, partisane d’une justice clémente. Je suis forte, j’ai un grand cœur, et je suis impavide. Quoi que tu tentes, pirate, tes tentatives d’intimidation échoueront.

— Tu te congratules car nul autre ne saurait le faire ? répliqua Ceralia. J’espère que tu ignores qui je suis, j’aurai une excuse pour une meilleure introduction que la tienne.

— Tout le monde te connait, Ceralia. Et je ne suis pas déçue, juste amusée.

— Tu m’as croisée au mauvais moment ! Sans ma malédiction, je t’aurais défaite en combat singulier !

— Impressionnant ! De toutes les justifications pathétiques, celle-ci se hisse au sommet.

Ceralia tenta une incision de son crochet et tournoya sur elle-même. Du sang monta à son visage, ce que le rire extrêmement aigu de la paladine n’arrangea pas.

— Assez ! maugréa la capitaine. J’avais un semblant de pitié pour toi, mais c’est fini ! Pourquoi navigues-tu dans les océans si ta grossesse est si avancée ?

— Parce que je veux accoucher en mer, expliqua Daelyn.

— Sacrée paladine, tu as tout misé sur la force et en charisme, tu en as oublié ton intelligence.

— J’ai aussi misé sur la dextérité, contrairement à toi.

— Ha, maudite sois…

— Même si cela ne te regarde pas… Un enfant né en mer sera plus endurant et vigoureux.

— Je suis pirate mais je n’ai jamais rien entendu de tel ! Pourquoi croire à de telles superstitions ?

— Ha oui, la pirate rationnelle blâmant une malédiction pour son incompétence au combat.

— Fais donc la maligne, paladine. Si j’entaille un peu ton visage, je ne devrais pas faire de mal au bébé.

C’était son terrain de prédilection. Après avoir infligé tant de souffrances aux plus vulnérables, le comble était d’accorder un destin identique à une paladine.

Le véritable comble, ceci dit, fut que Ceralia trancha les cordes de Daelyn. Appelez cela de la mégarde, mes enfants ! La capitaine était bien désemparée. Encore plus quand la paladine s’empara de sa dague et la cala à ras de sa gorge.

S’agiter était futile, mes enfants. Ce n’était pas la force qu’il manquait à la pirate… Juste la manière de s’en servir. Daelyn eut tout le loisir de l’emmener à l’extérieur.

— À l’aide ! supplia Ceralia. Je suis devenue l’otage !

Le pire, c’était que son équipage n’était même pas surpris. Ils s’armèrent en une fraction de secondes, mais n’osèrent pas s’approcher tant la lame scintillait.

— Écoutez-moi bien ! tonna Daelyn. Je vais partir à bord d’une de vos chaloupes, et si vous tentez quoi que ce soit… Eh bien, vous savez.

— Ne l’écoutez pas ! s’opposa Ceralia. Tuez-la !

— Nous allons l’écouter, décida Zesdaf.

Et ils l’écoutèrent. Ceralia multiplia les protestations, en vain. Daelyn marcha vers la chaloupe avec une lenteur insupportable et décocha même quelques outrecuidantes œillades à la capitaine.

Ceralia retrouva sa liberté… quand la barque progressait déjà sur les flots. Daelyn avait beau ramer, elle esquissa un signe d’adieu à la capitaine.

— Imbécile ! s’exclama cette dernière. Pourquoi m’avoir relâchée ? Tu n’es pas encore hors d’atteinte.

— Je n’avais jamais l’intention de te tuer, clarifier la paladine.

— J’ai massacré tes camarades, t’ai capturée et t’ai menacée alors que tu es enceinte. Explique-moi ton raisonnement.

— Je le répète : je suis partisane d’une justice clémente. Si je te tue, je ne vaudrais pas mieux que toi.

— … C’est ainsi que ça fonctionne ?

— Pour ma conscience, oui. Prendre une vie si peu de temps avant de la donner porterait malheur.

— Tu me nargues avec tes superstitions insensées !

— Mais non, je suis sincère. Hors de question de briser mon serment, car le prêter de nouveau coûte une fortune. Oh, et je te rends ta dague, je me bats uniquement avec des armes honorables.

Ceralia se surprit elle-même à rattraper la lame en plein vol. Peut-être qu’elle n’était pas une cause perdue, après tout. Et pourtant, il lui était impossible de rester sereine ! Daelyn lui tira la langue.

— Qu’attendez-vous, imbéciles ? rugit la capitaine. Abattez-la, elle est encore à portée !

Personne ne réagit.

En fait, il régnait même un silence absolu, seulement entrecoupé de quelques borborygmes.

Dans sa fureur, Ceralia avait tranché la gorge d’un des siens.

— J’aurais dû…, souffla le pirate. Continuer à profiter… de ma vie éternelle.

Et le haut-elfe… périt. Oui, mes enfants. La mort est parfois accidentelle. Et idiote.

Vous vous souvenez quand je mentonnais la haine de l’équipage envers leur capitaine ? Multipliez-la par dix, et vous aurez une petite idée de leur sentiment actuel. Ils avaient braqué leur arme, et pas à l’intention de la paladine.

— Ce n’est pas moi ! supplia Ceralia. Cette sirène m’a…

— Nous avons, coupa Zesdaf. Mais si on vous laisse à proximité d’une arme, combien des nôtres vous allez encore zigouiller ?

— Vous auriez dû enchaîner cette insupportable paladine au lieu d’utiliser des cordes !

— La capitaine Ceralia, marmonna Reigad. Redoutée de partout. Aujourd’hui maîtrisée par une femme enceinte. J’ai de la peine pour vous et j’ai honte en même temps.

— Faisons ainsi, dans ce cas ! Je m’enferme dans ma cabine pour éviter de nouvelles victimes ! Juste le temps que vous trouvez une solution !

Ceralia n’attendit pas leur autorisation avant de se précipiter vers ses quartiers. Elle devait renoncer à ses besoins immédiats pour la sécurité de son équipage. Une issue toute trouvée, vous dites ? Non les enfants, c’est même tout l’inverse.

Quelques jours plus tard, Reigad se présenta au seuil de la porte.

— Ceralia ? interpella-t-elle. Vous pouvez sortir. Nous nous sommes mis d’accord sur une solution.

À ce moment la capitaine se perdit en cris de joie. Sa loyale seconde avait plus d’un tour dans son sac ! Elle s’était entourée de fidèles et honnêtes subordonnés : passé outre leur animosité, Ceralia pouvait compter sur leur soutien.

Vraiment ?

Des frissons lui courbaient l’échine, son cœur cognait contre sa cage thoracique. Peu à peu, Ceralia se posa des questions essentielles. Pourquoi l’avaient-ils appelée durant la nuit ? Pourquoi leur navire mouillait-il sur un port, aux abords d’une cité ? Et surtout… Pourquoi Reigad ne l’avait pas nommée « capitaine », comme elle l’avait fait sans faute durant les huit dernières années ?

Le chemin vers la plateforme lui fut toute désignée.

— Adieu, Ceralia ! dit Zesdaf. On ne se sépare pas de gaieté de cœur, croyez-moi.

— C’est une mauvaise plaisanterie ? s’inquiéta la capitaine.

— Au terme du vote, expliqua Reigad, j’ai été désignée comme nouvelle capitaine. Merci de m’avoir tout appris. Je tâcherais de mieux honorer votre nom que vous, désormais.

Ceralia se sentait nauséeuse. Brisée, anéantie. Disparue, la camaraderie d’antan, au lieu de quoi triomphait le sentiment d’abandon. Elle était incapable d’articuler le moindre mot. Et s’efforça malgré tout après de pénibles tentatives.

— Mais vous savez que je suis maudite ! s’égosilla-t-elle. Délivrez-moi du maléfice, et nous règnerons ensemble de plus belle !

— C’est vous ou nous, dit Zesdaf. On est désolés, mais on ne peut pas être les victimes collatérales de vos décisions.

— Quoi ? Je vous ai toujours protégés ! Vous me devez bien ça !

— Il fallait y réfléchir avant de provoquer une sirène, dit Reigad. Des pirates comme nous n’ont aucune chance. Allez, Ceralia, ne compliquez pas les choses. Partez maintenant, et personne ne vous en voudra.

Naguère, Ceralia les aurait sans doute menacés. Elle aurait tout tenté pour se défendre. Jamais elle ne serait abaissée à tomber à genoux, à les supplier. Et surtout pas à sangloter. Oui mes enfants, les larmes sont puissantes. Celles d’une capitaine rayonnent d’autant plus par leur côté invraisemblable.

— Je suis née pour être pirate ! s’époumona-t-elle. C’est toute ma vie ! Vous ne me feriez pas ça, hein ? Vous n’allez pas détruire ma vie, ruiner mes rêves ? Je préfèrerais mourir !

Elle insista, encore et encore. Il lui suffisait de les persuader, de susciter leur sensibilité, de faire appeler au sens de leur camaraderie.

Une main tendue raviva ses espoirs. Reigad attrapa son poignet, la redressa, essuya ses lames.

Et au passage, lui décocha un uppercut.

Ceralia avait un crochet pour se défendre mais ne put s’en servir. Les attaques se succédaient, des belles beignes bien flanquées, un membre d’équipage après l’autre. À peine quelques droites, et elle finit étendue sur la passerelle, rossée par des dizaines de coups de pied. Elle se crispa de douleur au milieu du port, mais qui viendrait secourir une pirate ?

Bien peu de gens, mes enfants, et c’est tant mieux.

Cette histoire inclut un lancer du nain à défaut d’un lancer de nain. Envahie de plaies, Ceralia ne pouvait remuer sans déclencher un éclair de douleur. Trop impuissante, hélas ! Son propre vaisseau leva l’ancre sans elle.

Un horizon inatteignable, un port inconnu. Comment Ceralia pouvait se reposer sur la rugosité du bois ? Elle était à peine consciente, même si les marins qui lui marchaient dessus la maintenaient éveillés.

Ses mots se réduisaient à des interjections. Fut-ce interprété comme un appel ? Car si un malheur n’arrive jamais seul, Ceralia aperçut Nebura sortir de l’eau et s’appuyer sur la plateforme.

— Bonsoir, petite pirate ! fit-elle.

— Génial, grommela Ceralia. Une malédiction ne suffisait pas, l’impératrice envoie ses préférées me tourmenter.

— Une occasion pour moi de découvrir le monde extérieur ! Ces fameuses étoiles sont magnifiques ! Je pourrais rester des heures à les contempler.

Tejiki surgit à son tour. En d’autres circonstances, Ceralia aurait rejeté une mine si compatissante, mais l’accueillit aujourd’hui à bras ouverts.

— Mon cœur souffre de te voir ainsi, murmura la sirène. Tabassée par ton propre équipage ! Abandonnée au milieu d’un port, sans nourriture ni foyer ! Pauvre Ceralia… Pourquoi ne puis-je pas intervenir ?

— Parce qu’elle le mérite ! objecta Askara, jaillissant à côté de Tejiki. Alors, capitaine, prête à être grignotée par les rats dans la nuit froide ? Pas mal de coupe-gorges dans ces bas-quartiers, il paraît.

— Ça suffit, Askara ! À quoi rime cette méchanceté gratuite ?

— Tu as eu autant de peine pour ses victimes, Tejiki ?

— Bien sûr, il y a du bon en chaque personne.

— Disputez-vous ailleurs, fit Ceralia, vous me filez la migraine. Il ne manquerait pas votre amie vampire, sinon ?

Quelques gouttes de sang s’infiltraient sur les interstices de la plateforme. Maleth avait choisi l’emplacement idéal juste en-dessous. À chaque gorgée, déglutissant bruyamment, elle émettait d’étranges jubilations.

— Non ! s’écria Nebura. Tu n’as toujours pas le droit de boire son sang !

Nebura et Askara tirèrent leur comparse hors de la source de fluide vital, peu convaincue par ses protestations. L’occasion rêvée pour Tejiki, débarrassée de sa rivale. Elle pouvait enfin s’entretenir seule à seule avec Ceralia.

— Tout n’est que malheur autour de toi…, souffla-t-elle. Même si ce doit être dur en ce moment, songes-y, Ceralia ! Peut-être est-ce une leçon de vie. La voie de la rédemption.

— Qu’est-ce que tu me chantes, la sirène ? grogna Ceralia.

— Tu n’es plus capitaine. Aucun équipage ne voudra de toi. Pourquoi ne pas te reconvertir ? Aide ton prochain ! Accomplis le bien autour de toi.

— Moi qui pensais que mon calvaire ne pouvait pas continuer…

— Nous sommes tous nés pour accomplir le bien. Certains d’entre nous s’égarent malheureusement en chemin, et ont besoin d’un peu de guidance pour…

Ceralia cracha au visage de Tejiki.

— Hé ! s’offusqua la sirène. J’essaie de t’aider !

— Tu ne fais que m’humilier. Mais en quelque sorte, tu m’as inspirée.

Ceralia puisa dans ses dernières forces pour se relever. Tout son corps tremblait, ses plaies étaient encore ouvertes, mais elle n’en avait cure.

— C’est une épreuve pour me tester, se persuada-t-elle. D’une façon ou d’une autre, je me libèrerai de cette malédiction.

Ceralia clabauda vers la cité où, espérait-elle, ses plus profonds désirs se réaliseraient. Elle ignora l’appel des sirènes : nul ne lui dicterait son destin.

Une belle phrase pour conclure, mes enfants ? Ce n’est pas encore terminé. Ceralia parviendra-t-elle à se délivrer de sa malédiction ? Vous connaissez sûrement la réponse, mais vous attendrez la nuit prochaine, car il se fait tard.

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