Chapitre 13
PDV Rébecca Devalois
Je venais de m'engager sur le dernier chemin de terre. Je pouvais enfin apercevoir le bâtiment au loin. Je me rapprochais de plus en plus de mon objectif : venger ma famille. Comme me l'indiquait le GPS, seulement 500 mètres me séparaient d'Ezra. Soudain, j'entendis les pneus de la voiture éclater et je perdis le contrôle. Je finis par réussir à stopper le véhicule, tant bien que mal. Je me retrouvais en plein milieu de la route. Je vis une dizaine de silhouettes sortirent subitement de l'orée verdoyante de la forêt. Elles avaient surgi telles des ombres se détachant de l'obscurité. Ces silhouettes étaient toutes, sans exception, des hommes et ce n'étaient pas n'importe lesquels. C'étaient les petits larbins d'Ezra, ils étaient tous armés jusqu'aux dents. J'en reconnus facilement plusieurs. Kuzman Chapiro, le fidèle acolyte de celui qui se trouvait au poste, en faisait partie. Son visage était déformé par la colère et la haine. Tout chez lui suintait la vengeance. Il ne comptait pas en rester là avec moi. Malgré la distance quelque peu éloignée, je pus distinguer une connaissance ou plutôt un ancien ami parmi ses truands. Un bel homme aux cheveux bruns coupé court et aux yeux bleus. Il s'agissait de Wyatt. Ses lèvres bougeaient, elles semblaient vouloir me dire quelque chose. Mais avec la situation dans laquelle je me trouvais, je ne comprenais pas. Je le vis jeter un œil sur ses compagnons. Il paraissait sur ses gardes. Il ne voulait pas se faire prendre. Je compris enfin son message. Il essayait de me prévenir de m'enfuir. Il voulait m'aider. Ce qui n'était pas le cas de tous. Les autres étaient bien décidés à exécuter les ordres.
Le temps que je défis ma ceinture de sécurité, les balles commencèrent à fuser dans tous les sens. Le pare-brise explosa en mille morceaux. Certains éclats vinrent me taillader le visage et les bras. Je vis une des balles atteindre l'appui-tête du siège passager. Une autre balle traversa mon côté de la voiture. Elle m'avait atteint moi. Mon épaule gauche était touchée, la douleur était insupportable. Il fallait que je sorte de ce merdier. Tous mes sens étaient en alerte. Avant de sortir, je pris le Smith & Wesson que j'avais mis dans la boîte à gants tantôt et je l'attachais dans son holster à ma cheville droite. Ensuite, j'attrapais le Glock sur le siège passager ainsi que plusieurs chargeurs et j'ouvris ma portière. Tout le reste des armes était dans le coffre, je ne pouvais pas risquer de les récupérer. Les balles continuèrent de pleuvoir. Vu la situation, ma seule issue était de m'enfuir par la forêt. Je pouvais avoir une chance de les semer. Je ne savais pas si c'était ma bonne étoile ou un pur hasard, mais plusieurs durent recharger leurs armes. Le nombre de tireurs était donc réduit pour quelques secondes, je devais tenter ma chance. Je pris le taureau par les cornes et sortis. Il devait y avoir 15 à 20 mètres à parcourir avant de me trouver en quelque sorte à l'abri. Malheureusement, ma chance fut de courte durée. Une autre balle m'atteignit à l'abdomen, m'arrachant un autre cri de douleur. Mais je ne pouvais pas m'arrêter, je devais continuer pour sauver ma peau. Tout en courant, je tirais dans leur direction, espérant en éliminer quelques-uns au passage. Je courais toujours, manquant de tomber à de nombreuses reprises, en me prenant les pieds dans des racines. Je ne m'étais pas arrêté une seule fois depuis au moins une heure. Je décidais de m'arrêter quelques instants pour reprendre mon souffle. J'étais essoufflée, épuisée. Mon cœur battait si fort que j'avais l'impression qu'il allait éclater. Mes poumons étaient en feu à cause de ma course effrénée. Je m'adossais contre un arbre. Je pris le temps d'évaluer un peu l'ampleur de mes blessures. Elles me faisaient toutes deux atrocement souffrir. Vu le sang qui imprégnait mes vêtements, je devais avoir perdu pas mal de sang. Tout à coup, j'eus un vertige. Ma tête se mit à tourner. Je me sentis vaciller, perdre pied. Je m'écroulais sur le sol humide et froid, l'obscurité venant m'engloutir.
PDV Wyatt Prescott (deux mois plus tôt)
Tous les membres du gang étaient réunis dans l'un de nos entrepôts à Washington. Nous avions tous reçu une petite enveloppe contenant une adresse et une heure. Personne ne connaissait l'objet de cette invitation ni qui en était l'expéditeur. Nous étions tous sur le qui-vive. Soudainement, une voix nous interpella. Une voix que nous n'avions pas entendue depuis près d'un an. Nous étions tous interloqués de voir, debout devant nous, le patron. Certains des hommes furent choqués par son apparence physique. En effet, l'année dernière avait été un bain de sang. Ezra avait failli y rester. Rébecca ne l'avait pas loupé et il en avait gardé des séquelles. Plusieurs balafres ornaient sa belle gueule d'ange. Les réactions à son sujet changèrent assez rapidement. Le choc faisant place à la joie du retour du grand Marquis.
On avait changé d'endroit, un entrepôt n'était pas très approprié pour faire la fête. On s'était rendu dans l'un de nos clubs pour fêter ça comme il se devait avec alcool, drogue et prostituées. N'étant absolument pas fan de ce genre de fête, j'étais resté un peu à l'écart, me trouvant un petit coin tranquille. Je remarquais que je n'étais pas le seul à m'isoler. Ezra, du haut de son bureau vitré, regardait son club sans grand intérêt, il était dans ses pensées. Quelque chose occupait son esprit et j'étais presque sûr que ça n'avait aucun rapport avec nous. J'avais ma petite idée et j'espérais avoir tort. Je décidais de le rejoindre dans son cocon de verre. Je toquais et n'attendis pas sa réponse pour entrer. Il était prêt à envoyer bouler la personne qui venait d'entrer, mais lorsqu'il me vit, il se détendit instantanément. J'avais cet effet sur lui. J'arrivais presque toujours à le calmer. Nous étions demi-frères. J'étais sa seule famille comme lui l'était pour moi. Je m'approchais de son bar personnel et nous servis du scotch. Je me positionnais à ses côtés et lui tendis un verre, qu'il accepta volontiers. On resta plusieurs longues minutes dans un silence qui finit par être intenable. Je fis le choix de le rompre.
« Je suis content de te retrouver mon frère ! lui avouais-je. Mais...
— “ Mais ” quoi ? me coupa-t-il sèchement sans me regarder.
— C'est bien ce que je redoutais ! compris-je. Tu n'es pas là pour moi et encore moins pour la famille ! lui reprochais-je. T'es seulement revenu pour elle, pour la retrouver !
— Maintenant que j'ai récupéré toutes mes capacités, je vais tout faire pour la retrouver ! Je ne la laisserais pas s'en tirer après ce qu'elle m'a fait ! me cracha-t-il au visage.
— Ce qu'elle t'a fait ? rétorquais-je, outré. T'as tué ses amis, son mari ! m'emportais-je, littéralement furieux contre lui et sa rancœur. Et tu as assassiné froidement sa fille devant elle ! À quoi tu pensais ? Bien sûr qu'elle allait vouloir ta tête sur une pique ! Tu as tout fait pour ! Alors ne compte pas sur moi pour lui coller une balle dans la tête !
— Oh, Wyatt ! Tu es complètement aveuglé par cette femme !
— Pendant que toi tu l'utilisais pour tuer, moi j'ai été un ami pour elle !
— Tu as beau être mon frère, ça ne m'empêchera pas de te descendre ! se rapprocha-t-il lentement de moi avec un air menaçant. Alors, dès demain on commencera les recherches et tu y participeras ! »
Comme le patron l'avait décidé, dès le lendemain on avait commencé les recherches. Plusieurs semaines étaient passées et nous avions enfin fini par trouver quelque chose. Rébecca avait été retrouvée presque morte par le FBI. Elle avait passé 1 mois dans le coma et 6 mois en rééducation au Washington Hospital Center. Charly, notre petit génie de l'informatique, avait hacké le serveur de l'hôpital et avait réussi à avoir son adresse. Après vérification, on apprit qu'elle avait déménagé il y a 2 jours. Charly trouva le nom de la personne à prévenir en cas d'urgence dans le dossier de Rébecca. Il s'agissait de Matthew Devalois, son frère. Il vivait à Hawaï. Quelques recherches plus tard, on découvrit qu'elle se trouvait également à Hawaï. Ils nous avaient fallu à tous, deux jours pour tout mettre en place et trouver un endroit éloigné de tout pour passer inaperçu.
Sur place, un de nos anciens revendeurs avait eu quelques soucis avec les fédéraux il y a de ça plusieurs années. Ils avaient fait une descente sur un port de marchandises en Colombie où se trouvait un container lui appartenant et contenant un peu plus d'un million d'euros de drogues et d'armes. Par ce fait, il avait tout perdu et il devait nous rembourser. Ezra estimait qu'il était temps de réclamer notre dû. Deux de nos gars avaient rendu une petite visite à notre cher petit Rick. Ce type pouvait être dangereux, mais dans le fond, j'avais l'impression que c'était un homme bon. Malheureusement, ça ne s'était pas passé comme prévu et mon frère avait fait enlever la petite amie de Rick afin d'avoir un moyen de pression. Ezra était comme ça, il faisait en sorte de trouver le point faible des personnes pour pouvoir les utiliser.
Le lendemain soir, je m'étais octroyé une petite balade en ville. En tout cas, c'était ce que j'avais fait croire à tout le monde. En réalité, j'avais retrouvé Rébecca et j'avais décidé de la suivre. Je ne voulais pas me montrer. Je ne voulais pas lui faire peur, car elle savait que si elle me voyait ça ne présageait rien de bon. Je la regardais sortir de sa voiture et se dirigeait vers une grande maison. Elle était absolument ravissante dans sa robe noire. J'étais resté dans mon SUV toute la nuit. Aux alentours d'une heure trente, alors que je somnolais sur mon siège, j'entendis deux voix se distinguer dans la nuit. L'une était une voix grave, en colère, très remontée. Alors que l'autre, une voix douce, paraissait effrayée. De là où je me trouvais, je reconnus Rébecca. Un homme la tenait en joue avec une arme. Je ne pouvais pas me résoudre à la laisser mourir. Je n'étais pas amoureux d'elle, mais je l'aimais comme une sœur. J'avais été là pour elle et, sans qu'elle s'en rende compte, elle m'avait beaucoup aidée. J'étais prêt à intervenir, mais un deuxième homme était venu la secourir. Elle n'avait plus besoin de moi. J'étais reparti comme si de rien n'était.
Plus que quelques minutes. Une trentaine de minutes pour être exacte. C'était le temps qu'ils nous restaient avant de tendre un piège à Rébecca. Un de nos informateurs nous avait prévenu qu'elle avait retrouvé notre trace et qu'elle était en chemin. Chaque minute me paraissait des heures. Il fallait que je trouve un plan pour essayer de sortir Rébecca de ce merdier. Mon frère comptait sur moi, mais je ne lui ai jamais réellement fait confiance. Avec lui, je gardais toujours un œil derrière la tête de peur qu'il ne me poignarde dans le dos. J'avais peut-être une chance de m'en tirer moi aussi et d'échapper à ses griffes. Avec une dizaine d'hommes, on attendait à couvert. L'un d'eux avait placé une herse en plein milieu de la route, de façon à crever les pneus de la voiture et forcer l'occupant à s'arrêter. Et c'est exactement ce qui était arrivé lorsque la voiture de Rébecca avait roulé dessus. Elle avait dû s'arrêter et c'est à cet instant que nous étions sortis de l'ombre. Elle avait soudainement réalisé dans quel pétrin elle s'était mise. J'essayais de lui faire comprendre de s'enfuir. Elle avait fini par comprendre mais trop tard. Les balles volaient dans tous les sens, transperçant le véhicule comme un couteau dans du beurre. En tentant de se réfugier dans la forêt, elle avait réussi à abattre trois individus abjects. J'avais ordonné aux gars de se séparer pour couvrir une zone plus large. Deux hommes étaient avec moi. Cela faisait une quinzaine de minutes qu'on marchait. Je devais trouver un moyen de me débarrasser d'eux. On se stoppa net, un bruissement de feuilles se faisant subitement entendre à notre gauche. Je les envoyais jeter un œil. Silencieusement, je sortis mon couteau. Je m'approchais lentement derrière le premier. Je posais rapidement ma main sur sa bouche et lui tranchais la gorge. Le second, réagissant beaucoup trop tard pour rester en vie, reçut un poignard en plein cœur. Je n'étais pas désolé de les avoir tués. Si je commençais à regretter tous ceux que j'ai dû tuer, j'en perdrais la raison. Je récupérais l'arme et l'essuyais dans un mouchoir en tissu. Un pauvre petit lapin sortit de nulle part. Je le remerciais de m'avoir donné une occasion en or. Maintenant, il fallait absolument trouver Rébecca avant les autres. En plus, elle devait avoir perdu pas mal de sang. Je continuais, suivant les gouttes de sang que j'avais repérées. Au bout d'une demi-heure, je trouvais une empreinte de mains ensanglantée sur le tronc d'un arbre. Puis je finis par la voir. Elle était allongée sur le sol, livide et recouverte de sang. Je courais vers elle et je m'agenouillais, espérant qu'elle soit vivante. Je pris son pouls. Il était faible mais bien là. Elle était vivante. Je devais trouver un endroit pour la cacher. J'avais aperçu, à une heure de marche à peu près, un point d'eau avec une cabane. Ça n'allait pas être une mince affaire mais je devais le faire pour notre survie à tous les deux. Je la portais sur mon dos et reprenais la marche.
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