Chapitre 6
Harry Hoswald
Après le petit-déjeuner, nous rangeâmes ce que nous avions faits avant de nous séparer. C’est Tyson qui nous guida jusqu’au bureau du directeur. Nous y entrâmes tout de suite après avoir frappé. L’homme derrière le bureau releva alors la tête. Il avait la peau noire et les cheveux sel et poivre. Ses yeux sombres s’allumèrent de surprise avant qu’il ne se lève. Il était grand et portait une chemise blanche avec un pantalon noir.
« Bonjour ! Lança-t-il avec enthousiasme. Asseyez-vous, entrez vite ! »
Nous refermâmes la porte avant de venir nous asseoir en face de lui, non sans lui avoir serré la main avant de nous asseoir. Derrière sa moustache, il souriait de bon cœur.
« Harry Hoswald, je suis enchanté de vous rencontrer enfin. Cally Madsen et June Cooper. »
Je fronçai des sourcils.
« Pardon ?
- Ton nom de naissance, répondit le directeur en tirant une feuille d’un dossier avant de me la tendre. »
C’était un acte de naissance. Mon acte de naissance. Il disait que j’étais née un 23 avril dans la ville de Manchester en Angleterre. J’étais donc anglaise et je ne le savais même pas. Mieux encore, je n’avais pas seize ans, mais bien dix-sept ans. Je pris même connaissance de mon nom complet.
« June Cooper… C’est une blague ?
- Il est authentique, assura monsieur Hoswald.
- Cooper me rappelle vaguement quelque chose, marmonna Cally.
- Le couple Cooper était connu comme étant des criminels. »
Je le considérai gravement. Il eut un sourire contrit.
« Je suis désolé de te l’apprendre maintenant et dans des circonstances pareilles. Je peux cependant t’assurer qu’ils étaient de bonnes personnes. Cela me surprend même que l’on ait dépeint des portraits aussi affreux de tes parents. Je n’ai jamais cru à ces sottises. »
Je préférai rester muette tout en reposant l’acte de naissance. Je ne sus pourquoi, mais je doutais de sa sincérité concernant mes parents. Cally en profita pour changer de sujet.
« Avez-vous des informations sur mes parents à moi ?
- Tes parents, oui ! Lança-t-il avec enthousiasme. Ton père était un grand magicien, très réputé. Chris Madsen.
- Je sais qui ils étaient, répliqua Cally. J’espérais avoir d’autres informations.
- Que dire, hésita le directeur. Je n’ai jamais eu de soucis avec tes parents. Ils étaient très gentils et très amoureux (il ponctua ces paroles d’un rire). Ils étaient talentueux aussi et menaient leurs missions à bien. Ils étaient très respectés lorsqu’ils vivaient ici.
- Comment sont-ils morts ? Demandai-je en relevant le regard sur monsieur Hoswald.
- Dans l’incendie de leur manoir, avoua le directeur en retirant ses lunettes. On suppose que leurs corps ont été carbonisés.
- Vous « supposez » ? Demanda Cally.
- Plusieurs personnes ont péri dans cet incendie. Un incendie accidentel d’après les rapports de police. »
Peut-être étais-je paranoïaque, mais je ne croyais pas une seule seconde à un accident domestique. En me jetant un regard en coin, je compris que Cally pensait la même chose. Nous nous trompions peut-être, mais rien ne nous empêchait de mener notre enquête.
Lorsque Cally repoussa l’album vers monsieur Hoswald, je pris la parole :
« Que sont devenus mes parents ? Demandai-je.
- Personne ne le sait, avoua-t-il. Certains supposent qu’ils ont été pris dans l’incendie du manoir, d’autres pensent qu’ils ont tout simplement disparus. »
Plusieurs questions se bousculèrent dans ma tête. Comment un couple sympathique pouvait devenir un couple de criminels ? Hoswald dissimulait des informations à moins qu’il n’ait pas été assez vigilant. En m’enfonçant dans ma chaise, Cally enchaîna afin de changer de sujet :
« Jason nous a proposé quelques jours ici avant de prendre une décision définitive, c’est toujours d’actualité ?
- Absolument, acquiesça le directeur. Vous êtes libres de partir à tout moment dans un délai d’une semaine. Si vous ne souhaitez pas faire partie des nôtres, je ne vous forcerai à rien. Dans le cas contraire, vous effectuerez des missions pour moi en parallèle à votre apprentissage.
- Des missions de quel genre ? Demanda Cally en croisant les bras sous son buste.
- Nous venons en aide à l’État, expliqua-t-il. Nous nous occupons des cas plus délicats, qui touchent au surnaturel, au magique… Le genre de cas sur lequel l’État se tait. Ils nous envoient, car une petite balle ne peut pas venir à bout d’un être particulier, vous comprenez ?
- Cinq sur cinq.
- Je chargerai Jason de vous en parler avec plus de détails. Je vais devoir vous laisser, un rendez-vous m’attend, lança-t-il en regardant sa montre. »
Après l’avoir remercié, nous nous éclipsâmes jusqu’au couloir. Les yeux noisette de Cally me fixèrent au moment où je jetai un regard dans sa direction.
« Nous allons devoir creuser du côté de la bibliothèque, me dit-elle d’une voix basse avant de remonter le couloir.
- Nous devrons nous faire discrètes, répondis-je en calant mon pas au sien. »
Cally leva le nez dans ma direction. Elle était légèrement plus petite que moi, d’un peu moins de dix centimètres. Cela expliquait probablement ses courbes généreuses. J’avais les jambes et elle les seins. Mais Cally ne s’en plaignait pas, les plus petites personnes étaient plus rapides.
« Ce sera compliqué, songea-t-elle. Nous sommes les nouvelles, les attractions donc. »
Elle avait raison. Rien que ce matin, tout le monde nous fixait dans la cuisine. Je savais que la suite allait empirer. Sur la route, je ne cessais de me questionner sur les véritables intentions de mes parents. Ils étaient sympathiques à l’institution puis de véritables criminels à l’extérieur ?
En traversant les couloirs à la recherche d’une bibliothèque, nous tombâmes sur les sous-sols. Un sous-sol aménagé en une salle de sport visiblement à en croire les appareils de musculation. La salle était habitée par plusieurs personnes, une majorité d’hommes aux muscles développés et un petit nombre de femmes aux courbes musclées. Certains nous adressèrent des regards étonnés, d’autres souriaient. Leurs sourires étaient plus destinés à Cally qu’à moi.
Un grand roux s’approcha en souriant jovialement. Je reconnus les taches de rousseur de Mason. Elles marquaient son visage sur le nez, les pommettes et débordaient légèrement sur ses joues.
« Salut les filles, lança-t-il joyeusement. Vous venez vous entraîner ?
- Nous ne faisions que visiter, répondis-je.
- Besoin d’un guide ? Proposa-t-il.
- Je pense que ça ira, assura mon amie à ma gauche.
- Vous êtes sûres ?
- Oui, répondîmes Cally et moi, en chœur.
- Dans ce cas, si vous avez un problème, faites-moi signe.
- Et à moi aussi ! Lança une autre voix. »
Nous tournâmes la tête. Un jeune homme aux traits asiatiques nous adressa un clin d’œil. Ses cheveux, retenus en un chignon, menaçaient de s’en échapper pour se coller à son visage humide de sueur.
« Il m’étonnera toujours, soupira Mason en secouant la tête dans sa direction.
- Sur ce, coupa Cally en pivotant. »
J’adressai un signe de main à Mason et son camarade avant de suivre Cally. Nous remontâmes les escaliers afin de gagner le hall. Après avoir pris connaissance d’un plan, nous nous dirigeâmes jusqu’aux jardins de l’autre côté du bâtiment.
À l’extérieur, l’air se faisait plus humide avec son ciel gris. Les jardins étaient formés de parterres de fleurs colorées entourés de buissons taillés à la perfection. Ces parterres entouraient une fontaine circulaire d’où partaient quatre sentiers droits. Plus loin devant, une plaine séparait le jardin fleuri d’un immense labyrinthe de buissons. Sur la plaine, un groupe d’adolescents étaient assis en tailleur face à un grand blond. Jason visiblement.
« … L’utilisation d’armes en tout genre est strictement interdite. Seules les armes en mousses ou en plastiques sont autorisées. Les matchs s’achèvent lorsque l’un des deux adversaires se fera toucher à un point vital ou par forfait. Pour les questions, n’hésitez pas à me solliciter. »
Les adolescents répondirent en chœur avant de se lever. Ils avaient tous des épées en carton de couleur rose, jaune, bleu ou vert. Dans l’autre main, ils avaient des boucliers circulaires, probablement du même matériau que les épées. En nous voyant arriver, Jason nous adressa un sourire avant de lancer :
« Vous vous joignez à nous mesdemoiselles ?
- On ne fait que passer, répondis-je. »
Je n’étais pas très axée sports de combat même si les combats à l’épée me fascinaient depuis les quelques histoires sur la Légende du Roi Arthur que j'avais pu lire.
« Tu sais où se trouve la bibliothèque ? Demanda Cally en enfonçant une main dans la poche arrière de son jean.
- L’aile Ouest et elle prend deux bons étages, nous informa-t-il en croisant les bras sur son torse.
- Il y a des articles de presse ?
- Oui, beaucoup.
- Super, murmurai-je. À plus tard ! »
En faisant demi-tour, nous regardâmes les jeunes se battre à l’épée. Je vis une petite blondinette venir à bout d’un grand garçon. Mine de rien, ils avaient acquis certaines bases. Quelques duos avaient des gestes moins précis, mais je me doutais que dans quelques semaines, ils seraient capables de se battre comme de véritables chevaliers.
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