Chapitre 21

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Chapitre 21

La couveuse était une grande structure comptant un nombre de personnes absolument terrifiant lorsqu’il acceptait d’y penser réellement et pas seulement en termes de chiffres. En tant qu’Akoutie, il était censé veiller au bien-être de chacun et Roch’mey faisait assurément de son mieux pour y parvenir.

Il avait estimé, il y a plusieurs années déjà, que les politiques de bien-être amélioraient la rentabilité mais surtout la qualité et donc la satisfaction. En aidant les personnes de la couveuse à vivre mieux, il aidait également à un meilleur repeuplement. C’était un système gagnant-gagnant.

En recevant des représentants de chaque système, dans son propre bureau, il entendait les demandes et les plaintes. Certains n’osaient pas s’exprimer réellement, beaucoup baissaient le visage trop impressionné pour lui faire face, néanmoins, ce contact l’aidait à comprendre la réalité des choses. Il ne pouvait être de partout, il ne pouvait pas tout savoir et il refusait de faire semblant. Ça n’aurait pas été une bonne chose.

Pour faire ce travail, pour cette vocation, il fallait être sûr de soi et Roch’mey l’était. Il l’était encore lorsque Yu rentra dans son bureau. Il l’était toujours pendant ce coup d’éclat étrange. Ça n’avait pas cessé lorsqu’il était sorti dans le couloir. Et puis, il avait vu le sang au sol et un doute s’était insinué en lui.

Et s’il se trompait sur son compte ? Ce serait dramatique au vu des décisions qu’il avait prise, alors, sans même y penser consciemment, il repoussa cette supposition. La colère qu’il ressentait balayait tout. En soufflant, il fit néanmoins la chose la plus juste possible, celle qu’il aurait faites avec n’importe lequel d’entre eux dans une même situation : il le conduisit jusqu’au lit le plus proche, le sien, pour lui offrir du repos.

Depuis il était là, assis sur un bureau secondaire à travailler sur les mesures potentielles pour la laiterie. Lorsqu’on lui faisait une proposition il aimait procéder à deux vérifications. La première était de voir si l’une des couveuses alliées avec qui il échangeait des informations avait adopté une mesure similaire. C’était assez rarement le cas lorsqu’il s’intéressait à la laiterie. La couveuse la plus proche travaillait « en automatique », décidant et gérant les prises de lait, les saillies et les pontes. La liberté y était totalement absente et lorsque Roch’mey avait pris possession de cette couveuse, c’était encore ce qui y était appliqué. Alors espérer des formes d’appendices au goût de chacun ? Ou des coussins ? Des zones de repos ici et là ? Sans surprise, il n’y en avait pas. La seconde vérification était un contrôle des coûts et des bénéfices potentiels. La règle était simple, un coût de « -1 » pouvait être justifier si le bénéfice prévu pouvait être de « +1 ». La seule exception était pour les coûts uniques ou presques. Ainsi l’ajout de coussins, de matelas différents, des bancs ou même de nouveaux chevaux d’arçons ne posaient pas réellement de problèmes, s’il était limité, car il ne se reproduirait pas dans le temps. Il faudrait juste y aller progressivement, un cadeau à la fois.

Il fut néanmoins surpris lorsque sur sa feuille, l’évaluation des mesures prévue une augmentation de la production du lait et il passa le reste de l’après-midi à tenter de comprendre comment le système en arrivait à une telle conclusion.

Pendant ce temps-là, Yu était resté à côté de lui, les yeux clos, endormi et lorsque l’heure où il s’arrêtait pour aller diner arriva, Roch’mey l’observa, un peu surpris. Il avait réussi à oblitérer sa présence sans même le vouloir. C’était une bonne chose car observer ses jolis cheveux qui repoussaient et les courbes douces de son visage détendu amenèrent tout son sang à se concentrer en un seul et unique point lui offrant la plus dure et bouillonnante des érections car l’Oom n’était pas juste beau. Il était également alangui dans son lit.

La mâchoire de Roch’mey se contracta un peu plus et il se retourna dans un geste rageur. Il y avait énormément de prétendants qui avaient su lui plaire. Des prétendants sensibles dont le corps se tordait sous le plaisir à la moindre caresse. Des prétendants impliqués cherchant continuellement à bien faire. L’image de Yu se défendant lui traversa l’esprit. Il affirmait avoir toujours voulu lui plaire. Comment était-ce possible ?

Il ouvrit le dossier et vérifia l’historique de Yu comme il l’avait fait, il y a longtemps déjà, avant de le condamner à la laiterie. A l’époque, le système proposait de le mettre à un tout autre poste. Il aurait dû être conseillé. Ce genre de recommandation était si rare qu’il n’y en avait pas dans la couveuse. C’était un rôle très particulier. Il s’agissait d’aider les futurs prétendants en les préparant à l’avenir. Les conseils étaient bien évidemment sexuels mais pas uniquement. L’idée même que quelqu’un comme Yu qui représentait tout ce qu’il détestait chez les prétendants viennent les conseiller lui avait paru totalement aberrante. Pire encore, cela ressemblait à un cadeau pour répondre à son ambition idiote !

Seulement, le conseiller ne faisait pas qu’aider les futurs prétendants. Il passait également dans les différents systèmes faire des évaluations et chercher des solutions. C’était un rôle vraiment très particulier qui supposait de travailler en équipe avec l’Akoutie en venant, quasi-quotidiennement, faire des rapports et des suggestions. S’il était honnête avec lui-même, Roch’mey devait avouer que s’il ne se sentait pas capable de travailler avec ce prétendant, il n’aurait pas dû pour autant le condamner à la laiterie. Il y avait des postes moins durs, moins cruels, n’importe où dans la couveuse… Et si Yu était allé jusqu’à l’extrémité de ne fournir quasiment que du colostrum, il s’avoua que ce n’était surement pas par plaisir ou par bravade, mais sans doute parce que son corps n’était pas adapté à un travail de production de lait. Malgré tout il avait poursuivi son objectif et tout fait pour le rencontrer. Encore.

Roch’mey soupira devant le dossier… La totalité des notes des professeurs étaient bonnes. Pas un seul n’avait relevé de problèmes avec lui. On le décrivait certes comme ambitieux, mais il était assuré qu’il faisait tout pour plaire. Il n’avait jamais cherché à mettre un camarade en échec par exemple et s’il était dit individualiste, c’était tout à fait encouragé par le système même de la couveuse et lui en tenir rigueur n’avait pas le moindre sens.

Une phrase ressurgit dans son esprit, sans qu’il ne le veuille : « Je n’ai envie que de toi ! » suivi d’une autre, bien plus étrange : « Je suis amoureux ». Ce genre d’affirmation n’avait rien de courante. Il jeta un coup d’œil au garçon endormi et il se demanda à nouveau s’il avait pu se tromper.

Yu remua légèrement et rouvrit les yeux. Il était si fatigué, totalement épuisé, qu’il s’était effondré après quelques minutes à peine. Son cœur palpita étrangement lorsqu’il comprit où il était encore. Ce n’était pas un rêve. C’était un cauchemar. Son cauchemar. L’Akoutie, celui qu’il avait toujours désiré pour compagnon, le détestait. Il baissa les yeux sous la honte et tenta de repousser la couverture. Il était largement temps de retourner à la laiterie ou peut-être dans un endroit discret où il pourrait se laisser aller à pleurer, libérant ce chagrin immense qui emplissait sa poitrine.

Roch’mey hésita un instant avant d’affirmer, la voix pétrie de colère :

- Tu as dit que … tu faisais des choses pour me plaire.

La confrontation reprenait compris l’ancien prétendant qui se tassa un peu plus sur lui-même, incapable d’affronter de nouveau un tel duel. Il acquiesça néanmoins, désireux de calmer le Koros.

- Bien. Je vais te donner un premier ordre que tu vas devoir suivre à la lettre. Est-ce que tu as bien compris ?
- Oui…
- Je te veux en bonne santé. Il est hors de question que tu continues comme ça. Alors tu vas te reposer, prendre soin de toi et je me fous royalement de ta production de lait. Est-ce que c’est clair ?
- Oui, Akoutie.

Roch’mey hésita un instant avant de se lever. Il marcha jusqu’à son propre lit et tira la couverture, dévoilant le corps toujours aussi charmant de Yu qui frissonna sous le courant d’air un peu trop frais. Les yeux du Koros caressèrent sa peau et la moindre de ses courbes avant de s’arrêter sur son sexe flasque. Lentement, il se pencha vers le visage de l’Oom jusqu’à ce que ses doigts ne viennent toucher sa pommette.

Yu resta parfaitement immobile. Il ne comprenait pas ce qui était en train de se passer. Il s’était attendu à beaucoup de choses, après tout ce qu’il avait dit quelques heures plus tôt, la colère était légitime, une bonne part de méfiance également. Les prétendants n’étaient pas censés s’opposer ainsi. Ça ne faisait pas partie de son éducation… Mais il y avait surtout de la douceur dans ce geste, alors il laissa sa tête basculer lentement sur le côté, prenant la caresse avec délectation. Tout son corps se recouvra de frissons d’anticipations. Il avait envie d’écarter les cuisses dans une invitation franche, mais tout ce qu’il faisait été continuellement mal interprété alors il resta immobile, profitant de cet aperçu de ce qu’il n’aurait pas.

- Et si je te prenais, maintenant ?
- … je dirais oui, mais tu viens de m’ordonner de prendre soin de moi. Je ne suis pas sûr d’être physiquement apte à t’offrir ça, sans blessure.

Roch’mey acquiesça et sur ses lèvres, il y avait l’ombre d’un sourire. Si Yu parvenait à prouver qu’il était obéissant et honnête, alors peut-être pourrait-il le croire sur parole ? Satisfait, il conclut :

- Rendors-toi. Tu retourneras à la laiterie plus tard.

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