Chapitre 23
Chapitre 23
Epanoui. La demande qu’il avait faite à Yu n’était visiblement pas tombée dans l’oreille d’un sourd, mais jamais l’Akoutie ne se serait attendu à un tel résultat. Il n’était pourtant pas surprenant. Il avait rejeté ce prétendant. Il l’avait envoyé à l’un des pires postes possibles, seul un poste de nettoyeur de cuves aurait pu être pire en soit. Et il s’était retrouvé devant la porte de son bureau, après être devenu le meilleur et avoir obtenu le soutien des autres. Ce n’était pas une broutille. Cela montrait une force de caractère exceptionnelle.
Il avait craint de l’avoir brisé, mais alors que Yu faisait son premier rapport, il se disait que cette idée était finalement ridicule. Son menton était haut, son regard franc, ses propositions travaillées et pertinentes. Pourtant il manquait quelque chose. Roch’mey mit un long moment avant de mettre le doigt dessus, il fallut plusieurs rapports avant qu’il ne le comprenne pleinement. Depuis le premier regard, il désirait ce petit Oom au corps magnifique et en retour, Yu le désirait. Il ne s’en cachait pas. Mais à présent qu’il commençait à apprécier cet ancien prétendant pour qui il était, en retour, Yu était froid.
Il mit encore quelques temps à observer, sans se décider à en parler, pour confirmer son hypothèse. Durant cette période, Yu alla évaluer les services alimentaires, les uns après les autres. Il remonta qu’une forme de soutien pourrait être prévue pour des passages d’âges critiques. Les petits d’une génération vieillissant en même temps, le besoin global en nourriture au sein de la couveuse se faisait variable alors que les effectifs de cuisiniers restaient stables. D’autres personnes, des sans noms comme des biens nommés, appréciaient de faire de la cuisine en loisir et leur offrir la possibilité de changer de poste, durant quelques heures ou quelques jours en fonction de leurs secteurs d’origine pourraient s’apparenter à une forme de vacances. Ce roulement, qu’il défendait depuis le premier jour, permettrait sans doute d’augmenter la productivité globale tout en soulageant les cuisines.
C’était plus difficile du côté de la manutention, un travail dont personne ne rêvait à priori et qui suivait les mêmes fluctuations. Pour eux, Yu proposa d’améliorer la qualité des appareils, si c’était possible et de réorganiser les trajets. C’était le point qu’on lui avait le plus confié. Ils avaient la sensation de courir comme des chiens fous en perdant beaucoup de temps à vide ou presque. Mais il revint surtout avec une autre idée, certains trajets étaient objectivement plus pénibles que d’autres que ce soit pour ramener les ressources à la couveuse ou pour les transporter au sein de la couveuse. Seulement tout le monde n’appréciait pas les mêmes trajets. Un système permettant à chacun de proposer ses trajets favoris, changeable régulièrement, permettrait d’offrir plus de satisfaction générale. Ici, cela ne changerait rien à l’efficacité ou à la productivité, mais pour l’Akoutie c’était tout aussi important.
Yu était en train de lui expliquer pourquoi des classes dans différentes zones de la couveuse pour les plus petits serait une bonne chose pour tout le monde, lorsque Roch’mey le coupa brusquement, sans prévenir.
- Tu as dit que tu étais amoureux de moi.
- … oui.
- Est-ce que c’est toujours le cas ?
Le petit Oom hésita, ses mains se mirent à trembler et quelque chose dans son ventre eut l’air de se décomposer, laissant un vide douloureux. Il allait mieux ces derniers temps. Son corps se reposait et il aimait vraiment ce métier qu’on lui avait confié. Avoir autant de contact avec l’Akoutie, c’était comme un rêve qui se réalisait mais en répondant à cette question, il avait peur de tout briser, encore une fois, sans même comprendre pourquoi. Roch’mey lui avait dit qu’il s’était trompé et qu’il l’avait mal jugé. Sur le coup, ça lui avait fait plaisir mais s’il décidait encore une fois qu’il s’était trompé et que finalement, il n’était que l’être détestable qu’il croyait au début ?
- Sois honnête avec moi, Yu. Murmura l’Akoutie voyant le silence s’éterniser.
- Je rêve de toi depuis toujours. Tu es… la personne idéale à mes yeux. C’est pour ça que je suis tombé amoureux et c’est pour ça, que je n’aimerais jamais personne d’autre que toi.
C’était vrai. Triste mais vrai. L’Akoutie pouvait bien le maltraiter en le rejetant ou se montrant injuste envers lui, à côté de ça, il travaillait chaque jour à l’amélioration de la couveuse. Il travaillait pour rendre la collectivité plus heureuse. Il souriait, quand il pensait que personne ne regardait, devant le bonheur simple d’un sans-nom heureux. Roch’mey était un bon Akoutie, présent et investi dans sa mission. Il souhaitait le meilleur pour chacun d’entre eux, tous, sauf peut-être lui, Yu. A sa connaissance, il était le seul et l’unique à avoir eu à souffrir d’une décision injuste. Même les sans-nom les moins bien lotis semblaient comprendre pourquoi ils avaient été condamnés à de tels sorts. Ils s’étaient montrés violent envers d’autres, ils avaient abandonné avant de débuter sachant pertinemment ce qui les attendrait, ils avaient refusé de se préparer. Pour chacun d’entre eux, Yu avait découvert, stupéfait, que l’Akoutie avait proposé une alternative. Personne avant lui n’avait été condamné à la laiterie ou au service général. Ils avaient tous eu la même proposition, une proposition qu’il aurait refusée : celle de quitter la couveuse pour aller ailleurs, sur une planète accueillante ou au service d’un vaisseau quelconque.
- Est-ce que tu as une question à me poser ? demanda Roch’mey tout en basculant en arrière dans son fauteuil, dans une posture détendue.
- J’ai l’impression de ne faire que des erreurs, d’être tout le temps… en décalage.
- Mais tu m’aimes toujours ?
- Un peu plus chaque jour.
- D’accord.
Yu hésita un instant en crocheta ses doigts les uns avec les autres, les servant nerveusement avant de demander :
- Est-ce que c’est un problème ?
- Non. Je n’aime pas me sentir désiré comme si j’étais un trophée quelconque. Je n’aime pas que des prétendants me fassent du rentre-dedans pour répondre à des ambitions idiotes. Je n’aime pas que l’on convoite le fait de devenir mon compagnon comme si c’était … la première place de quelque chose. Je déteste tous ceux qui font ce genre de choses.
Yu se décomposa peu à peu en l’écoutant, il tenta de bredouiller que ce n’était pas ça, il n’était pas comme ça, pas vraiment ou en tout cas, il ne l’aimait pas parce qu’il était l’Akoutie. Un autre Akoutie, quelqu’un d’injuste avec tous ou de violent, quelqu’un qui ne se serait jamais abaisser à s’intéresser aux autres… un Akoutie comme ça, il l’aurait haïe. Mais Roch’mey ne l’écoutait pas vraiment et il balaya toutes ses paroles précipitées et maladroites d’un revers de main dans le vide.
- Au plus le temps passe… Au plus j’apprends à te connaitre et au plus tu me plais. Tu es un peu trop entier peut-être, mais ce n’est pas vraiment un défaut. C’est plutôt une surprise.
Yu hésita, baissa la tête un instant puis la releva pour observer le visage qui lui plaisait temps avant de murmurer, la voix nouée :
- Une bonne surprise ?
- Oui, une bonne surprise à un détail près.
- Quoi ?
- Je suis exclusif.
Durant presque une seconde, Yu ne comprit pas ce qu’il voulait dire. Il n’avait actuellement plus aucun coït avec un autre individu et il n’en désirait pas. Il n’avait toujours désiré que ce Koros. En quoi ce détail pouvait être problématique ?
- Je ne désire que toi.
- Alors ce ne sera pas dur de quitter la laiterie je suppose.
- Je… Je suis réaffecté ?
- Oui, tu continueras ton travail de représentant. Il te plait, n’est-ce pas ?
- Je l’adore !
- Parfait. En dehors de ça, tu n’as plus aucune obligation… et si tu le désires, je serais ravi de manger avec toi ce soir pour disons, faire un essai.
Roch’mey sentit le sang grimpait à ses joues, mais son teint était bien assez sombre pour que cela reste invisible. Il se sentait idiot et maladroit. A la couveuse, les choses ne se passaient pas en douceur et il n’avait pas eu à faire la cour à qui que ce soit. Les prétendants étaient appareillés, du jour au lendemain et ils se retrouvaient, en couple, actif durant des coïts, avant même d’avoir eu le temps de comprendre. Les examinateurs qui tombaient amoureux étaient rares, mais l’entente était souvent sexuelle dans un premier temps. S’il n’avait lui-même pas résisté à cette envie tenace qui ne lâchait pas ses reins, ça se serait passé ainsi pour eux également.
S’il était malhabile, sa proposition amena néanmoins Yu à lui offrir le plus joli des sourires et Roch’mey s’en voulut un peu plus encore. Soudain, il avait l’impression que le garçon revivait, comme s’il lui avait redonné de l’oxygène après une apnée trop longue. Il se promit de tout faire pour ne plus jamais le voir ainsi en détresse et il allait lui murmurer quelques mots doux quand Yu le coupa.
- Je viendrai. Merci de m’accorder cette chance… Reprenons. Concernant l’emplacement d’études des jeunes, beaucoup de jeunes prétendants rêvent d’avoir des enfants et le contact avec les petits pourraient les aider à mieux gérer les premiers moments après la naissance. J’ai cru comprendre que c’était toujours délicat… même si ça ne concerne pas le fonctionnement interne de la couveuse, je pense que c’est un point à prendre en compte.
Il poursuivit, inconscient que Roch’mey le dévorait des yeux et que caché par la table, une érection de plus en plus forte était en train de se développer. Ce petit corps cachait une volonté sans limite et sans faille qu’il était difficile d’abattre et Roch’mey pourrait l’aimer pour ça. Il pourrait l’aimer pour leur passion commune de la couveuse. Il pourrait l’aimer pour cette générosité qui se cachait derrière des attentions froides qui pouvaient sembler égoïstes. Il pourrait l’aimer pour ce froissement de sourcil discret, lorsqu’il n’écoutait plus vraiment. Immédiatement, le grand Koros tenta de se reprendre, soufflant dans l’espoir de faire désenfler son sexe tendu, en vain. Il avait de plus en plus envie de rire devant le ridicule de la situation, attendre pour diner ? Attendre jusqu’au soir ? Attendre un instant de plus ce qu’ils désiraient tout deux depuis le premier regard ? C’était sans doute l’excitation, mais il ne comprenait plus vraiment pourquoi. Pourquoi attendre alors qu’ils pouvaient s’aimer ?
Sans un mot, il se redressa, dévoilant son sexe épais et lourd, de plus en plus tendu et sentir les yeux fascinés de Yu sur sa chaire suffit à venir le durcir jusqu’à ce qu’il fouette son propre ventre. Malgré tout, il se surprit à surveiller l’entrejambe de l’Oom, cherchant à vérifier s’il était capable d’être excité lui aussi.
- Il n’y a aucune obligation. Tu ne risques rien à dire non, mais si tu en as envie… viens.
La voix grave de Roch’mey était délicieuse à ses oreilles. Une partie de lui-même se dit que ce n’était pas bien, que son métier comptait vraiment et que les autres étaient importants. Mais en même temps, le Koros dont il rêvait était là, à deux pas de lui et il semblait le désirer réellement, le rejeter n’aurait aucun sens. Alors il avança jusqu’à lui et posa la main sur ses côtes. Sa peau sombre était chaude, plus douce qu’il ne l’aurait cru et lorsqu’il le tira vers lui, Roch’mey le suivit, comblant la distance entre eux jusqu’à mettre leurs corps en contact. Yu se pencha vers lui et embrassa son pectoral dont le muscle se tendit, l’arrondissant un peu plus, sous le baiser.
Yu n’était pas spécialement de petite taille pour un Oom, mais Roch’mey, comme tous les Koros était bien plus grand alors il n’eut aucune difficulté à embrasser son cuir chevelu avant de respirer tout contre lui, s’imprégnant de son odeur. Les mains cherchèrent des prises sur leurs corps respectifs et à chaque endroit qu’ils trouvaient leurs corps s’adaptaient l’un à l’autre comme si c’était finalement naturel. Il y avait l’hésitation et la maladresse des premières caresses mais tout en ayant l’assurance et la certitude que c’était le bon appareillement.
Un soupir échappa à Yu alors qu’il sentit le pénis, énorme, de celui qu’il aimait venir se frotter contre son ventre et en réponse, son propre sexe durcit et ses tétons, pourtant fatigués, en firent autant. C’était comme si tout son corps s’allumait dans un brasier terrible tout en tentant de le rejoindre, pointant et se tordant vers lui. La main ferme de Roch’mey s’accrocha au creux de ses hanches et sans la moindre hésitation, il le souleva pour l’asseoir sur le bureau, se glissant entre ses genoux pour l’attirer un peu plus près encore.
Les lèvres noires rejoignirent le cou clair qu’elles saisirent dans un baiser passionné, suçotant la peau et la léchant tout à tour. Roch’mey hoqueta, se figeant tout à fait, lorsque la main fine de son partenaire qui frôlait son ventre glissa plus bas pour suivre les lignes de son corps jusqu’à caresser, d’un revers délicat de main, ses testicules lourdes. Roch’mey remonta jusqu’à son oreille, pour lui chuchoter doucement :
- Ne me fait pas l’amour comme à une machine.
Et dans le même temps, il laissa sa propre main tomber jusqu’au sexe de l’Oom afin de le saisir. Il était tendu, chaud et humide contre sa paume et avec une douceur infinie, il le pressa et commença à faire coulisser sa peau, dévoilant et masquant tour à tour son gland rougit par l’afflux de sang. Il avait eu peur que Yu ait menti, qu’il soit incapable de ressentir le moindre désir. Heureusement son sexe montrait le contraire. Plus encore, la manière dont il se cambra contre lui, la bouche grande ouverte dans une mimique de choc alors qu’il peinait à trouver de l’air, accablé par le plaisir, acheva de le convaincre. Il profita de cette boucle, pulpeuse et tendre, offerte, pour l’embrasser avec passion.
Ses doigts vinrent se crisper contre ses épaules, le tirant un peu plus contre lui, forçant le contact comme s’ils pouvaient fusionner. La main pressée de Yu fit quelques mouvements brusques pour tendre complètement celui qu’il aimait avant de glisser ce gland trop gros près de sa fente. Roch’mey l’embrassait toujours. Avec délicatesse, il commença à basculer ses reins, se frottant contre son intimité, laissant son sexe, si long et si gros, voyageaient entre ses cuisses. Yu remuait, cherchant une position idéale pour le coït. On lui avait appris à se placer, mais pour la première fois de sa vie, il voulait voir le visage de son partenaire lorsqu’il entrerait en lui. Il voulait le voir se crisper ou peut-être se détendre sous l’extase. Roch’mey sembla le comprendre, car il l’invita à se coucher sur le bureau, chassant les documents et autres objets d’un revers de main. Seul l’instant présent comptait.
- Tu es sûr ? demanda-t-il malgré tout.
- Mais oui… pénètres-moi ! répondit Yu, incapable de gérer l’excitation sexuelle qu’il connaissait si rarement.
Un rire, grave et chaud lui répondit et le sexe épais recommença à danser tout contre lui. Roch’mey n’était pas une machine, il n’avait pas de capteur pour savoir à quel point il était tendu ou détendu alors il glissa la main jusqu’à l’antre et la tâtât doucement. Il avait l’habitude de ce type de pratique, mais le plus souvent, il ne cherchait pas à faire naitre du plaisir. Cette fois-ci, tout en jouant avec l’anneau pour le convaincre de le laisser entrer, il palpa les petites fesses douces de son autre main. Il les pinçât gentiment pour en éprouver la masse et lorsqu’elles se recouvrirent de frissons, en même temps que son entrée palpitait, il se mordit la lèvre pour étouffer un gémissement de pure luxure. Un gémissement, moins étouffé et plus plaintif lui répondit. Yu n’en pouvait plus d’attendre.
- Je te jure que je suis prêt !
Roch’mey se pencha, l’embrassa et dans le même mouvement, poussa ses hanches en avant, pour plaquer de plus en plus fort son sexe contre l’anus de son compagnon. Il y eut un instant de résistance avant que le corps de Yu ne cède et il s’engouffra en lui, continuant de pousser jusqu’à atteindre les tréfonds de son être. Il resta ainsi, planter en lui, fermant les yeux pour apprécier l’idée d’être enfin pleinement ensembles. Liés.
Sous son corps épais, Yu remua. Il commença tranquillement à le faire bouger dans son corps tout en s’accrochant fermement à ses bras épais. Les regards se rivèrent, s’accrochèrent et ils se firent l’amour sans jamais ciller, cherchant leur plaisir autant que le plaisir de l’autre, réagissant au moindre râle, à la moindre crispation ou hésitation.
- Plus fort. Chuchota l’Oom.
Et en réponse, Roch’mey recula les hanches pour se jeter de nouveau en lui. La brutalité dont il faisait preuve contrastait avec ses mains caressantes et la langue, douce, qui venait effleurer son corps. C’était tellement bon. Yu aurait aimé jouir en même temps que lui, mais son corps s’emballa, le fauchant par surprise. Il poussa un cri sourd, choqué et observa son sexe, entre leurs ventres, répandre son lot de semence. A l’intérieur de lui-même, tout son corps palpitant, serrant avec rudesse son Akoutie qui sous cette sensation nouvelle vint à son tour. Il eut tout juste le temps de saisir ses hanches pour le garder bloquer, restant au fond de lui alors que son sperme frappait avec force sa matrice. Elle résista bien peu de temps, permettant ainsi à son amant de l’ensemencer.
- Je t’aime. Chuchota Yu tout en se serrant contre le corps humide de transpiration.
Le grand Koros l’embrassa en retour, avec une dévotion rare. Il était incapable de lui répondre qu’il l’aimait, lui aussi, mais il savait reconnaitre la compatibilité de leurs corps et il ne doutait pas que des sentiments puissants naîtraient rapidement, maintenant qu’il comprenait mieux son partenaire.
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