Réflexions sur le statut du narrateur

2 minutes de lecture

    Est-ce que l'auteur est différent du narrateur ?

    Il n'y a pas plus différent en ce sens car celui qui dit "je" n'est pas l'auteur. C'est soit un des personnages de l'histoire, soit un inconnu plus ou moins omniscient qui raconte quelque chose.

    L'auteur peut dire "Aujourd'hui, M. X va mourir au chapitre 30" et le faire. Même s'il l'écrit textuellement dans le livre, c'est le narrateur qui le dit, ce n'est plus lui. L'auteur est tout puissant mais quand il écrit, il transfère son autorité au narrateur. C'est lui le maître, et il est d'autant plus fort qui n'existe pas. En dehors du livre, le narrateur n'est rien cependant, on rend toute la gloire à l'auteur; mais dans le livre, la création dépasse son créateur, l'auteur.

    

    Et l'autobiographie ? C'est encore plus flagrant paradoxalement. L'auteur et le narrateur son forcément dissociés. Certes l'auteur raconte sa vie mais :

    Il n'est plus celui qu'il met en scène. Rousseau et ses souvenirs d'enfance. Il se raconte tel qu'il se souvient avoir été, et encore, il n'est pas à l'abri de la mauvaise foi, volontaire ou pas d'ailleurs. Comment se souvient-il de la situation ? Il la voit à travers le prisme de sa subjectivité. Même en essayant de retrouver l'instant précis, il sera toujours voilé par son vécu. Même en essayant d'être objectif, c'est voué à l'échec parce qu'il a forcément ressenti quelque chose à ce moment et cette émotion a marqué au fer rouge le souvenir qui en a résulté. La description est toujours rétroactive : ce que l'on vit est par définition indicible puisque la parole ou l'écriture supposent un acte conscient et donc de prendre du recul, donc de perdre la spontanéité de l'événement. Ainsi, l'auteur qui parle de lui-même enfant, parle d'une autre personne. L'auteur est livré au narrateur.

    Alphonse Boudard qui raconte le petit Alphonse, se raconte, mais avec son oeil plus vieux au moment de l'écriture. Il y a tout ce qu'il a vécu qui est comme autant d'obstacles qui l'empêchent d'accéder à lui-même.

    Si c'est l'enfant Boudard qui raconte quelque chose, c'est d'autant plus un narrateur que l'auteur Alphonse Boudard lui-même.

    C'est encore plus frustrant car sitôt vécu le moment, c'est fini, on ne pourra plus le vivre en tant que tel; il est passé du côté des souvenirs, il n'est déjà plus le même...

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