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Retour au noir et blanc, sur le troisième mur de ma pièce de musique.

Cet artiste est très important dans l’Histoire de l’Harmonica. A plus d’un titre.

Encore un Noir, très bien vêtu. Il est debout, dans un studio d’enregistrement.

Une veste croisée sur une chemise, une cravate rayée. Deux stylos dépassent de la poche supérieure de sa veste. Le bras gauche pendant, la main droite tient l’harmonica, dont il est en train de jouer.

Son regard est dirigé vers la droite ; que regarde-t-il ? Une partition ? Comme il a l’air très grand, j’imagine mal un pupitre à cette hauteur, mais peut-être la partition est-elle suspendue au plafond…

Bon, je plaisante, la plupart des grands harmonicistes jouent « à la feuille », c’est-à-dire sans feuille : à l’oreille, sans partition.

Il a été le pionnier du Chicago Blues. Il a vraiment préparé la voie aux grandes stars du genre, comme Big Walter.

Il n’avait pas commencé la musique avec l’harmonica, mais avec l’harmonium.

A l’âge de 14 ans, il était pompiste et vendeur dans un drugstore. Pour arrondir ses fins de mois, il chantait et jouait de l’harmonica dans les rues, dans les juke-joints* et même dans une émission radiophonique, où il avait été remarqué pour ses imitations de trains à vapeur et de chasse au renard à l’harmonica. L’imitation des trains à vapeur sur l’harmonica est un bon moyen de jouer rythmiquement, tout en faisant voyager le public.

Il s’est installé à l’âge de 19 ans à Chicago. Nous étions alors en 1923. Déjà se faisait sentir les prémices du blues.

Il se produisait beaucoup sur les marchés aux puces et dans les salles des quartiers sud de Chicago, où il rencontra le guitariste et chanteur de blues Big Bill Broonzy, qui l’a fait enregistrer de nombreuses fois.

Notre jeune héros brillait non seulement par son jeu d’harmonica, mais aussi par ses compositions. C’était aussi un chanteur merveilleux, qui interprétait ses chansons avec une décontraction et une sobriété, qui faisaient le charme de son interprétation. A l’harmonica, il jouait souvent en octave-split*.

Alors qu’avant lui, on jouait souvent en première position*, il a imposé le jeu en deuxième position, notamment avec le titre Key To The Highway.

Au printemps 1966, il est pris dans une violente querelle de voisinage, dans laquelle il est abattu d’une balle en pleine tête.

Il s’appelait William McKinley Gillum, mais on le surnommait Jazz Gillum.

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* juke-joint : établissement aux Etats-Unis d’Amérique, où l’on joue de la musique, où l’on danse, où l’on joue à des jeux d’argent et où l’on boit beaucoup (non, pas de l’eau). C’était à l’origine un lieu très fréquenté par les Américains d’origine africaine du Sud des Etats-Unis. Installés à la périphérie des villes, dans des bâtiments délabrés et abandonnés ou dans des maisons privées, les juke-joints offraient de la nourriture et des boissons aux travailleurs fatigués. Une manière pour les propriétaires de ces lieux de gagner de l'argent en vendant de la nourriture ou de l'alcool de contrebande ou en leur louant une chambre bon marché.

Le terme « juke » viendrait du mot « jug », qui signifie « tapageur ». Quant à « joint », cela signifie « mixte ». C’était donc un lieu où se rendaient hommes et femmes (c’est mieux, pour danser). Les juke-joints furent les tout premiers lieux privés des Noirs issus de l’esclavage, qui voulaient s’éloigner de la pression raciale exercée par les Blancs.

* octave-split : technique qui consiste à couvrir plusieurs ouvertures de l’harmonica avec la langue, tandis que l’on souffle ou que l’on aspire dans les ouvertures situées de part et d’autre de la langue, par les commissures des lèvres. Par exemple, en procédant de la sorte en soufflant des les ouvertures 4-5-6-7 sur un harmonica en do et en bloquant les ouvertures 5-6 avec la langue, on obtient l’octave do-do.

* première position : le fait de jouer un morceau dans la même tonalité que celle dans laquelle l’harmonica est accordé, en utilisant beaucoup de notes soufflées, notamment dans l’aigu.

* deuxième position : le fait de jouer un morceau dans une tonalité située à une quinte juste au-dessus de la tonalité de l’instrument, en utilisant principalement les notes aspirées du registre grave.

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