Chapitre 3
Nous nous éloignâmes un peu de la maison, et nous fîmes du feu tout en cuisant la viande. Cléa surveillait la ville, tandis que je surveillai le feu, pour qu’il ne se propage pas trop. Après avoir mangé, nous nous remîmes en marche en direction de la ville.
- Qu’es-ce qu’on fait ? On passe par la rue principale, ou par les petites rues ?
- La rue principale, décréta Cléa. Ce n’est pas parce que nous marchons dans des petites rues qu’il y a moins de personnes dans les maisons. Et de toute façon, ce sera plus rapide.
- Bonne argumentation, approuvai-je. Allons-y.
Nous passâmes à côté des maisons, moi regardant à gauche, elle regardant à droite. Nous regardions parfois derrière nous, mais sans jamais cesser d’être vigilants. Mais il n’y avait pas une ombre dans les maisons.
Nous n’aperçûmes aucune silhouette cachée dans un recoin d’une rue. Cléa me murmura :
- Tu vois, il n’y a personne. Je te l’avais dit.
- Nous n’avons pas traversé toute la ville ! protestai-je.
Un cri retentit soudain devant nous. Nous pointâmes immédiatement nos armes dans la direction du cri. Un homme, presque nu, courait vers nous. Il était poursuivi par une petite troupe d’Affamés.
- On m’a déjà fait ce coup-là, ronchonnai-je.
- Aidez-moi ! Aidez-moi s’il vous plait !
- Courez jusqu’à nous ! criai-je en retour.
Mais alors que l’homme arrivait près de nous, une transformation s’opéra soudain. Il poussa un grognement, puis se jeta sur moi, tel un loup déguisé en chien. La bave aux lèvres, il susurra :
- Contrairement à mes collègues, j’arrive encore à parler. Ça m’aide à trouver de la nourriture.
De toutes mes forces, je lui donnai un coup de poing, qui le fit reculer, et qui me permit de me relever.
- Tire ! criai-je à Cléa.
Immédiatement, elle tira sur la troupe d’Affamés. Mais la troupe semblait bien organisée, et nous fûmes bientôt encerclés par une dizaine d’Affamés. Le meneur ricana, la bouche toujours dégoulinante de bave :
- Vous vous êtes faut avoir. Vous n’avez aucune chance de vous en sortir, malgré vos armes…
Je lui tirai dessus, et il s’évapora dans un petit nuage de particules. Les autres Affamés s’entre-regardèrent, mais ils continuèrent à nous encercler.
- Ça n’a pas marché, constata Cléa.
- Ce n’était pas mon plan, de tuer le chef pour les déconcentrer, dis-je. Mais maintenant, ils ne peuvent plus concevoir de plan un tant soit peu intelligent.
- Donc ?
- Donc, dis-je, on utilise les armes.
Je tirai sur un Affamé qui bondissait sur moi. Cléa fit de même, mais tous les autres Affamés, mus par leur instinct, se jetèrent sur nous.
D’un geste vif, je sortis le sept de Pique, et fis un geste dans les airs, en prenant soin que Cléa ne soit pas dans le rayon d’action de la carte. Deux Affamés s’écroulèrent par terre. Je répétai l’action une fois, et il ne resta que trois Affamés.
Ceux-ci hésitèrent, puis fuirent. Cléa eut le temps d’en tuer un avant qu’ils ne disparaissent.
- Tu n’étais pas obligé de faire ça, dis-je.
- Ils vont peut-être rameuter d’autres Affamés, se justifia-t-elle.
- Dans ce cas, nous ferions bien de courir, dis-je en rangeant le sept de Pique, dont il ne restait plus qu’une action.
En effet, durant notre semaine dans la forêt, j’avais utilisé quatre fois le sept de Pique, une fois le cinq, trois fois le neuf de Trèfle, six fois le neuf de Carreau ( pour allumer les feux ) et et deux fois le huit de Cœur, pour soigner quelques blessures.
- On y va ! cria Cléa, en voyant des Affamés surgir de l’autre bout de la rue.
Nous courûmes de toutes nos forces, tirant parfois derrière nous pour ralentir l’ennemi. Alors que nous arrivions aux dernières maisons, une troupe d’Affamés surgirent devant nous.
- Ne ralentis pas ! criai-je. On fonce !
Nous tirâmes dans le tas sans nous arrêter de courir, et les Affamés, effrayés par ces tirs dévastateurs, s’écartèrent en couinant de peur. Nous sortîmes donc de la ville sans mal ni douleur.
Lorsque je jetai un coup d’œil derrière moi, les deux troupes d’Affamés se combattaient entre elles.
- Encore une fois, haleta Cléa, c’était tout juste.
- Bah, un peu d’exercice favorise la santé, dis-je en m’asseyant par terre.
- Il ne faut pas trop en faire, répliqua-t-elle.
- C’est vrai, nous sommes continuellement en train de faire de l’exercice, admis-je. Ce n’est pas grave.
- On vivra plus longtemps, c’est sûr, ironisa Cléa. Donc, après la ville, nous devrons passer par les montagnes.
- On va faire de l’escalade ? fis-je, incrédule. Et c’est toi qui dit que l’on fait trop d’exercice…
- Il y a un chemin, dit-elle en levant les yeux au ciel. Tu nous vois faire de l’escalade sans matériel ?
- Nous vivons bien dans un monde post apocalyptique. Comparé à ça, de l’escalade sans matériel, ce n’est pas grand chose.
Cléa leva les yeux au ciel, puis dit :
- Tu as fini ta pause ?
Sans répliquer, je me levai et la rejoignis :
- Il est où, ton chemin ?
- Quelque part, dit Cléa. Il suffit de le trouver.
- J’ai compris, soupirai-je en sortant de mon sac les cartes de mon grand-père. Puisque je ne peux pas compter sur toi pour m’aider, je vais m’aider moi-même…
- Sans moi, tu n’aurais pas su que passer par cette ville serait plus court ! protesta Cléa.
- Sans toi, je serais devenu fou depuis longtemps, dis-je.
Cléa se tut subitement, tandis que j’étalais au sol les cartes.
- Tu peux surveiller la ville, s’il te plaît ? demandai-je. Les Affamés pourraient revenir.
- Si c’est demandé aussi gentiment, murmura-t-elle.
Je repérai facilement la ville que nous venions de traverser, avant de répéter le chemin dont parlait Cléa, un petit chemin à peine indiqué sur la carte. J’estimai la distance entre la ville et la maison de Cléa, ce qui me permit déduire notre heure d’arrivée.
- Tu avais raison, nous arriverons ce soir, dis-je en rangeant la carte. Quant à ton chemin, il ne doit pas être connu de beaucoup de personnes, car j’ai eu du mal à le trouver sur la carte. Tu es sûr que c’est un chemin reconnu ?
- C’est un chemin de randonnée, répliqua Cléa. Si tu veux une route plus visible, on n’a qu’à prendre la route départementale qui est juste en bas !
- Ça sera plus agréable de marcher sur de l’herbe que sur du bitume. En route ! Nous avons assez traîné.
Annotations
Versions