Urban Fantasy/Miami Vice
Miami, 1985 – 7 heures du matin
Elle entra dans les locaux de la Brigade du Crime Organisé ou OCB sans faire de bruit mais le silence se fit au fur et à mesure qu’elle traversait la salle des inspecteurs.
Les bottes de moto qu’elle portait ne faisaient pas le moindre bruit sur le lino élimé. Sa tenue de motard, de cuir noir, ne produisait aucun craquement.
Dans le silence qui se répandait dans la salle, tous les yeux fixés sur elle, elle acheva sa traversée et ouvrit la porte du bureau du Lieutenant Castillo, sa longue tresse lui battant les chevilles.
Elle glissa ses Ray-Ban Aviator Miroir dans sa poche de poitrine, s’assit à la place du Lieutenant et ouvrit un tiroir dont elle sortit un certain nombre de dossiers.
Le détective Crockett, qui s’était à moitié levé à son entrée, se rassit, stupéfait. Son partenaire, le détective Tubbs, referma la bouche. Ce qui les avait tous le plus surpris n’était pas son entrée ou même sa tenue de moto de cuir noir, trop chaude pour la température extérieure, mais le fait qu’elle se fut assise au bureau du Lieutenant.
Revenu de sa surprise initiale, Crockett se leva brusquement, faisant crisser son fauteuil sur le vieux lino, et marcha rapidement jusqu’au bureau de Castillo.
- Je peux savoir ce que vous foutez là ?
Deux yeux blancs quittèrent le dossier qu’ils étudiaient et, lentement, remontèrent vers le visage bronzé du détective, détaillant le personnage au passage : pantalon de soie et lin Versace, froissé, tee-shirt de soie, froissé, holster d’épaule et Bren ten à gauche, cheveux blond foncé mi-longs, barbe de trois jours, expression de colère et d’outrage, cernes. Mignon, très mignon, sûr de lui et complètement épuisé.
Son parfum était prenant et capiteux. Ses narines palpitèrent pour mieux déchiffrer cette odeur qui la troublait et l’empêchait de se concentrer sur les dossiers qu’elle lisait. Rien de bien concluant ne ressortit de son examen, mis à part une forte attraction physique. Tout ceci ne lui prit qu’une fraction de seconde.
Puis les yeux blancs se fixèrent dans les yeux bleu-vert un peu délavés aux paupières légèrement tombantes. Les yeux bleu-vert se détournèrent, le détective retourna s’asseoir, abasourdi par ce qu’il avait cru voir.
- On dirait un Castillo femelle ! s’exclama-t-il.
- Des commentaires, Crockett ?
La voix qui sortit du bureau était, malgré la sécheresse du message, particulièrement belle, chaude et harmonieuse, quasiment musicale et fit courir un frisson sur la peau sensible du détective.
L’interpellé ne dit rien pendant un court instant puis, se levant, retourna à la porte du bureau. Des mois d’habitude le firent s’arrêter sur le seuil, levant la main pour frapper. Il suspendit son geste.
- Oui, Madame, dit-il fermement.
- Je vous écoute, répondit-elle sans lever les yeux du dossier qu’elle lisait, comme le précédent occupant du bureau avait coutume de faire.
- Ce bureau…
- N’est pas le mien, oui, je sais. Il a l’avantage d’être là et à disposition.
- Le Lieutenant Castillo n’a pas…
- Fait surface depuis quatre jours, oui, je sais.
- Je…
- Rassemblez l’équipe dans la salle de réunion pour 8h. Café et donuts autorisés. Sans lait pour moi, le café.
- Je ne suis pas…
- Ma secrétaire, oui, je sais. Rendez vous service et convoquez l’équipe pour 8h.
La femme en cuir noir se replongea dans sa lecture. Crockett retourna à son bureau, marmonnant dans sa barbe : « Mais pour qui elle se prend, celle-là !! »
Dans son dos retentit une petite phrase : « Je ne suis pas sourde. »
Définitivement mouché, il se laissa tomber comme un sac sur son fauteuil à roulettes. Inutile de convoquer l’équipe, ils avaient tous assisté à la scène, muets d’étonnement.
* *
8 heures. La femme en noir entra dans la salle de réunion. Les six autres détectives se précipitèrent et s’assirent autour de la table qui avait vu bon nombre de réunions, mais aucune sans le Lieutenant Castillo depuis son arrivée à la brigade.
Autour de la table se trouvaient donc Sonny Crockett, déjà examiné, et son partenaire, Ricardo Tubbs, un bel homme de race noire, habillé de manière plus classique que son complice, mais vêtu lui aussi de soie italienne, portant dans le lobe de l’oreille gauche un petit diamant. Ses cheveux très frisés mais non crépus formaient un halo anarchique qui prenait la lumière en reflets cuivrés.
Stan Switek, blond, grand, musclé et légèrement en surpoids, et son partenaire, Larry Zito, brun et mince, tous deux vêtus de pantalons confortables et de chemises hawaïennes. Ils donnaient l’impression d’être deux crétins mais on décelait chez eux une grande finesse et un grand dévouement. Moins voyants que leurs collègues mais tout aussi excellents policiers. Sujets, parfois, à des bourdes.
Ensuite, deux très belles femmes, de moins de trente ans, une belle brune aux grands yeux noirs d’origine cubaine, Gina Calabrese, et une splendide Noire, sculpturale, Trudy Joplin. Toutes deux vêtues de manière sobre, d’une robe très à la mode et de souliers à talons.
Debout à un bout de la table se tenait une femme de grande taille, à la taille étroite et aux épaules larges, à qui sa tenue de cuir noir donnait un air massif. Les Ray-Ban étant glissées dans une poche de poitrine, ils purent tous voir les yeux blancs qui avaient réduit Crockett-la-grande-gueule au silence. Les pupilles qui les regardaient étaient verticales comme celles d’un chat. Et les cheveux qu’ils avaient cru blond platine étaient blanc nacré.
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