Manifeste et règlement libertins
Libertins
Nous, les impies manifestons, de manières ostentatoires et provocantes,
Nous, gens de gueule oublions nos devoirs dans la débauche,
Nous, les mécontents amoureux de nos sentiments, vivons dans l’indifférence de la religion.
Soyons incrédules chassons toutes ces superstitions ridicules qui asservissent l’homme.
Vivons dans l’hédonisme, recherchons le plaisir et évitons les déplaisirs qui forment des impératifs catégoriques.
En tant qu’hédonistes maximisons nos plaisirs, quels qu’ils soient.
Appliquons la maxime de Chamfort, jouissons et faisons jouir, sans faire de mal ni à nous même, ni à personne, et que cela soit toute notre morale.
La religion ne nous a pas rendus meilleurs dans l'expression de nos désirs, au contraire, elle les a rendue pire contre ceux qui ne croient pas en ce mensonge d'un châtiment divin.
RÈGLEMENT POUR NOTRE SOCIÉTÉ DE PLAISIR DE LA CHAIR ET DE PENSEES.
Notre société de damoiselles, dames et d’hommes s’étant réunie en diverses occasions pour se divertir par les divins plaisirs érotiques, des belles lettres et de la pensée, imaginée la plus fieffée garce de ce temps la marquise de N, duchesse, la fort égayée dans sa vie, Madame la duchesse de B par les sieurs de B de la R, de son épousée Félicité, Lubin de P et le très estimé et puissant duc de V ; des jouissances, qui ont pour seuls effets, par l’estimée intelligence de ceux qui les ont imaginées et qui possède une fort grande expérience des hommes et des femmes, ont cru convenable d’ordonner, c’est-à-dire de régler cette société de manière que chacun puisse inventer et exécuter ensuite ce qu’il croira pouvoir faire plaisir, soit aux dames, soit aux hommes, soit aux uns et aux autres en général. En conséquence, il est arrêté que ladite compagnie est et demeure soumise aux articles ci-après, délibérés et acceptés d’un commun consentement :
ARTICLE I.
Nul homme ne pourra être admis dans ladite société qu’il n’ait seize ans accomplis ; les dames y seront reçues à tous âges et tous seront égaux en droit, de s’exprimer, de jouir à leurs convenances et voix.
ARTICLE II.
Il sera nommé président nommé par tous les membres, soit homme, soit femme, dont les fonctions dureront pour une durée d’une année pleine. Parmi eux, ce président sera dument élu par voix de suffrage secret.
ART. III.
Quiconque, soit homme, soit dame, qui pendant un seul jour ne jouirait point au sein de ladite société, sera puni de la manière suivante : seront placés ses habits dans un endroit où tout le monde puisse les voir, avec un billet sur lequel sera inscrit le nom du coupable.
ART. IV.
Chacun devra sans cesse jouir les uns des autres, que cela soit par les actes du péché de chair, soir par la belle parole et la belle pensée ; il sera possible d’inviter des étrangers dans la société, il sera alors dit publiquement tout ce qu’on peut savoir de ses péchés, sans être retenu par aucune considération, ni morale.
ART. V.
Aucun membre de la société, soit homme, soit femme, n’aura le droit de se confesser après d’un quelconque homme d’église ; et quiconque contreviendrait à cette défense sera condamné, que cela soit une femme ou un homme, à satisfaire tous les hommes et femmes de la compagnie. Seuls seront admis les fautes de jouissances devant notre ou nos confesseurs hommes et femmes de dieu débauchés ; qui pourra absoudre les dits péchés.
ART. VI.
Il est expressément défendu de dire du mal les uns des autres, d’être intolérants vis-à-vis de quiconque, sous les peines déterminées d’exclusions provisoires ou définitives.
ART. VII.
Si un homme ou une femme pense l'emporter sur les autres en intelligence et en beauté, il ou elle devra le prouver et si il en est incapable, devra subir le supplice choisit par l’assemblée.
ART. VIII.
Toutes et tous seront dans l'obligation de gouter aux plaisirs au moins quatre fois par mois, et de plus, toutes les fois qu'elles en seront requises par quelqu'un de la société, sous peine d'encourir une double punition.
ART. IX.
Quand un homme ou une dame de la société aura commencé à raconter une histoire, à lancer un débat philosophique ou scientifique, et ceux qui ne lui auront point laissé achever, ces derniers seront condamnés à la punition déterminée par celles et ceux qui auront été intérrompus.
ART. X.
Toutes les délibérations de la société seront adoptées à la majorité des membres présents ; et ceux qui obtiendront le plus de suffrages seront toujours ceux qui l'emporteront.
ART. XI.
Si un secret était confié à un membre de la société par un de ses membres, ou par toute autre personne, et qu'il fût divulgué, l'homme ou la dame qui se sera rendu coupable de cette indiscrétion sera condamné à ne point jouir pour une durée déterminée par l’assemblée, sans pouvoir jamais s'en exempter directement ni indirectement.
ART. XII.
Il est défendu à qui que ce soit, dans les assemblées de la société, de garder un seul moment le silence : plus elle ou il brillera par sa pensée et son verbe, plus elle ou il méritera de louanges ; et celui qui le premier cessera de parler devra être tourmenté par tous les membres de la société, jusqu'à ce qu'il dise les motifs qui l'ont obligé à se taire.
ART. XIII.
Tous les sociétaires se doivent mutuelle assistance, ils ne pourront se soustraire à rendre un service à un autre membre : et s'il est prié par l'un d'eux de faire une commission, il doit la faire toujours sans contraintes.
ART. XIV.
Chacun sera tenu d'envier le bonheur d'autrui, et de lui donner par conséquent tous les agréments qui dépendront de lui ; et s'il en a la possibilité, et qu'il ne le fît pas, il sera puni suivant le bon plaisir de l’assemblée.
ART. XV.
En chaque assemblée, le membre où qu'il se trouve, sans être retenu par aucune considération morale, sera obligé de se retourner s'il entend le plaisir de dame ou homme , ou à tout autre signe, et de répondre de la même manière, sous peine de ne pouvoir rien refuser de tout ce qui lui serait demandé pendant la durée d'un semestre entier.
ART. XVI.
Voulant en outre que chacun ait ses aises, il est prévu à ce que tout homme ou dame couche aux rassemblements, l'un sans sa femme, l'autre sans son mari, sous peine d'être condamnés à coucher ensemble quatre semaines de suite sans interruption.
ART. XVII.
Celui ou celle qui débitera le plus de paroles pour ne rien dire sera le plus déshonoré, et nous n’en feront pas plus grand cas.
ART. XVIII.
Tous les membres de la société, tant hommes que femmes, doivent aller à tous les pardons, à toutes les fêtes, à toutes les cérémonies qui se célèbrent; ils doivent également se trouver à tous les festins, collations, soupers, spectacles, veillées, et érotiques divertissements qui ont lieu dans les maisons de ses membres, bien sur les obligations contraires sont tolérées.
ART. XIX.
Les dames et hommes pourront prendre ou se faire prendre par le devant ou par le derrière, comme ils le jugeront à propos, et nul ne pourra juger de leurs mœurs.
ART. XX.
Aucune dame, ni homme de la société ne pourra porter sur lui tout habillement qui embarrasse ; les hommes, de leur côté, devront honorer tout dame ou homme qui le lui demanderait, sous peine d'être condamnés à regarder les plus grands vits de la place enconnés et déculés sans pouvoir jouir.
ART. XXI.
Chacun, soit homme, soit femme, afin de se mettre mieux en crédit, ne pourra se vanter de ce qu'il a et de ce qu'il fait : s'il vient à dire la vérité, il sera puni suivant le bon plaisir du président.
ART. XXII.
Nul ne manifestera sa puissance, ni sa richesse de manière ostentatoire par aucun signe extérieur.
ART. XXIII.
On passera la majeure partie de son temps à se parer et à faire sa toilette, sous peine, pour le contrevenant, de ne jouir ou de faire jouir aucun des membres de la société.
ART. XXIV.
Quiconque, répéterait ce qu'il aurait dit ou fait lors de nos assemblée à toutes personnes étrangères à nos mœurs, sera condamné à rester le derrière en l'air, et chacun de la société devra lui donner vingt coups de fouet.
ART. XXV.
Quiconque, qui irait communier à la messe de son plein gré, sera puni comme criminel de lèse-majesté.
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