Chapitre 2

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— Juliette Clarck.

— Présente !

Quel soulagement ! Violette et moi sommes toutes les deux dans la même classe. Nous sommes certes séparées par plusieurs bancs, mais nous sommes dans la même classe. Actuellement assis sur nos chaises, nous observons tous notre professeur principal faire connaissance avec nous à l’aide de nos prénoms.

— Thibault Ferra.

— Présent.

Mr Sanchez, enseignant en espagnol, sera notre professeur principal et référent pour cette dernière année de lycée. Il est grand, mince avec une certaine musculature. Ses cheveux noirs sont parfaitement peignés vers l’arrière et sa peau bronzée fait ressortir la couleur caramel de ses yeux. Vu les traits de son visage, je lui donnerais dans la trentaine.

Notre professeur continue de nous appeler un par un mais je n’y fais pas vraiment attention. Ou du moins, je n’y fais pas attention jusqu’à ce qu’il m’appelle moi.

— Léna Stanley.

— Euh… Oui, c’est moi. Présente.

Il me dévisage un instant avant de continuer l’appel. Cette fois, je m’enferme complètement dans ma bulle. J’observe tout le monde, je vois leurs lèvres bouger, mais je ne suis pas là.

Je suis dans un autre monde. Je chasse des dragons, je suis fondatrice des rêves. Dans ce monde, je connais l’amour. Je suis qui je suis et je ne porte pas de masque. Je ne fais pas semblant dans ce monde.

Un coup de coude me fait quitter mon petit paradis silencieux. Je redresse brusquement la tête pour voir qui m’a fait ça. Au passage, je me bloque légèrement la gorge et je réprime un gémissement. La personne à l’origine de ce petit coup est un garçon. Il est assis à côté de moi. Approximativement, je lui donnerais un ou deux ans en plus que moi. Est-ce un stagiaire ?

Je le dévisage et, sans piper mot, il me désigne le professeur du menton. Je suis son regard et tombe sur les yeux perçants de Mr Sanchez. Celui-ci me scrute comme s’il attendait quelque chose de moi.

— Oui ?

Je regrette instantanément la faiblesse de ma voix. J’ai l’air d’une gamine.

— J’attends toujours votre réponse, s’impatiente Mr Sanchez.

Quelle réponse ? j’ai envie de hurler. Mais on m’a bien élevée - n’est-ce pas maman et papa ? - alors je me contente de lui répondre gentiment et simplement.

— Je suis désolée, je ne sais pas de quoi vous parlez.

Notre professeur principal laisse échapper un long soupir avant de laisser tomber ses feuilles sur son banc. D’un pas décidé, il s’avance jusqu’à moi, suivi de près par les yeux du reste de la classe. Il se positionne devant mon bureau, pose ses main sèchement sur le bois et déclare d’une voix sévère mais calme - trop calme :

— Je ne suis pas là pour faire garderie ou même pour donner cours à des sourds. Alors, la moindre des choses serait de me respecter en m’écoutant. Non ?

Je déglutis et hoche vivement la tête de haut en bas.

— Bien. Maintenant, je vais te reposer ma question. Quelle option as-tu pris ?

Sérieusement ? Tout ça pour une option ? Enfin, j’ai appris à mes dépens qu’il valait mieux ne jamais contredire un professeur où aller à l’encontre de ce qu’il nous demande.

— Sciences fortes, je balbutie. Et math forte.

Il acquiesce et se redresse.

— Eh bien voilà. Ce n'était pas compliqué. Que je n’ai plus à te reprendre comme ça. Et tu peux remercier ton petit copain de t’avoir sorti de cette situation. Sans lui, tu aurais pu commencer l’année avec une retenue.

Et sans rien dire d’autre, il tourne les talons et retourne se positionner devant le tableau interactif. Je peux tout à coup mieux respirer, mais mon coeur bat toujours aussi vite. Un regard à ma gauche m’indique que Juliette me fixe.

Tu vas bien ? me demande-t-elle silencieusement.

Oui, ça va, je lui réponds de la même manière.

Mensonge. Bon, OK, le prof vient peut-être de me faire très peur. Mais ça va aller ! J’ai juste besoin de souffler un peu. Et comme me l’a conseillé Mr Sanchez, je devrais remercier ce garçon pour m’avoir sauvée de cette situation. Je fais abstraction du fait qu’il l’a appelé mon “petit copain” et je réfléchis.

Je ne peux pas le remercier si je ne connais pas son prénom. Mais je ne peux pas l’interpeller non plus si je ne connais pas son prénom. Donc, je suis coincée. Oui, puisque je n’ai pas écouté les présences. Je pourrais peut-être lui donner un coup de coude dans le bras, comme il l’a fait avec moi ? Non. Ce serait très bizarre. En plus, je n’ose pas me retourner. J’ai toujours ça quand je suis près d’un garçon ; je n’ose pas le regarder. Et si je le dévisageais ? Si il s’imaginait que j’ai des pensées étranges et déplacées derrière la tête ?

Non, je ne peux pas lui demander son nom ni même l’observer. De ce que je me souviens, il avait des cheveux bruns clairs et ondulés, des traits plutôt carrés et marqués, ainsi qu’une peau légèrement bronzée. Il a une tête à s’appeler… Théo. Il s’appelle peut-être Théo. Ou pas.

Oh bon dieu ce que c’est compliqué la vie en société ! Bon, c’est décidé, je lui demande son nom. Par politesse ! Non, je ne peux pas. Si, je peux. Non.

— Mike. Je m’appelle Mike.

Mes joues virent au rouge quand je me tourne vers ledit Mike. Il me dévisage et j’ose le scruter, moi aussi. Il est exactement comme je l’avais dit, mais ce sont ses yeux qui attirent mon attention. Un mélange parfaitement équitable de gris, de vert et de brun. Ils sont profonds et pourtant si froids ! Je remarque alors une touche de doré, comme si on avait secoué un pinceau près de ses yeux. Waouw. Il a des yeux magnifiques.

— P-pardon ? je bredouille.

Il ne réagit pas à mon ton ridicule, il se contente de me répondre d’un ton détaché, sans aucune émotion :

— Tu m’as demandé mon nom. Je m’appelle Mike. Et pas Théo.

Oh non. Ce n’est pas possible, n’est-ce pas ? Il ne peut pas lire dans mes pensées ? Non, c’est impossible. Impossible. Mais une tout autre solution vient germer dans mon esprit. J’ai parlé tout haut. Il m’arrive souvent de confondre pensées et paroles, mais je ne pensais pas que ça pouvait m’arriver dans les pires situations ! J’ai l’air tellement bête, maintenant. Il faut que je rattrape ma bêtise.

— Oh. Eh bien, oui. J’avais oublié ton prénom. Désolée.

Il se détourne sans rien ajouter. Génial. Bravo à moi-même ! Je ne sais pas gérer une relation sociale, ce n’est pas un scoop. Mais tout de même ! Que va-t-il penser de moi ? Et dire que nous sommes à côté toute l’année pour le cours d’espagnol. Il va falloir que je rattrape cette bêtise. Je ne sais pas encore comment, mais je vais trouver.

— Bien, je vais vous distribuer votre manuel d’espagnol.

Mr Sanchez se dirige vers son armoire et en sort une vingtaine de grands manuels aux couleurs rouge et jaune. C’est là que je me rappelle qu’après avoir bégayé, je n’ai même pas remercié le fameux Mike de m’avoir sauvée.

— Hum… Mike ?

Il se tourne vers moi dans un soupir et hausse les sourcils.

— Oui ?

— Merci. Pour tout à l’heure.

Il hausse les épaules et répond simplement :

— Tu n’es pas obligée de me dire merci parce qu’il t’a dit de le faire, dit-il figé comme une statue.

Je rougis. Maudit rougissement ! Je ne peux pas parler deux minutes à un garçon sans rougir. Et ça n’a absolument rien à voir avec le genre de la personne. C’est juste… comme ça. J’ai ça depuis toujours. Même avec mes cousins ! Et je jure de ne pas aimer mes cousins. Ou du moins, pas comme ça.

Je veux lui répondre, mais je ne sais pas quoi dire. Cependant, je refuse de lui donner raison, de lui laisser le dernier mot. Alors, toujours rouge de honte, je murmure.

— Non, je voulais vraiment te remercier.

Il hausse les sourcils et je comprends que c’est peut-être pire comme ça, finalement. Oh là là, il faut vraiment que je réapprenne les codes sociaux. Pourtant, je les connais ! Cela fait dix-sept ans que je les apprends en observant les autres autour de moi. Pourtant, lui - Mike -, il n’agit pas comme les autres. Il réagit de manière étrange.

— Vous recevrez par mail la facture du manuel, nous apprend Mr Sanchez. Et si vous n’êtes pas encore capable, le courrier sera envoyé à vos parents.

Comme un automate, j’hoche la tête en même temps que les autres. Quand le professeur s’approche de moi, je saisis le manuel qu’il me tend et le range immédiatement dans mon sac avec mes autres affaires.

Mr Sanchez fini de distribuer tous les manuels, puis il retourne à sa place et s’assied à son bureau.

— Bien. Maintenant, je vais vous présenter le programme en espagnol de cette année.

Je réprime un soupir. Je sens que ce cours va être bien long…

¡Comencemos! (Commençons !)

OK, j’ai déjà envie de dormir…

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