Jeanne... la nouvelle voie...

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- Eh vous là-bas ! Descendez de cette statue !

L'interpellée se glisse au sol dans un cliquetis métallique... 

- Ah messire le gardien du bon peuple, je voulais simplement vérifier si ce destrier était à ma convenance mais par, mon Dieu Joye, il est raide comme la lance de Saint-Georges.

- Vous vous foutez de moi !... Que faites-vous caparaçonnée dans cette armure ? On n'est pas en période de carnaval...

- Gentil Sergent, ne laissez monter votre ire… par Sainte-Catherine, entendez-plutôt que toutes gentes dames, aujourd'hui, se doivent d'être protégées, corps et vertu, en honorable cause.

- Bon ça suffit comme ça ! Vous allez nous suivre au poste...

- Sachez mon petit seigneur que je ne suis que mes voix, celles du ciel infini qui, seules, me commandent et m'inspirent ce que doit …

- Brigadiers embarquez-moi cette énergumène !

A cet instant la jeune femme en armure, tire son épée et fonce sur les deux gendarmes voulant la saisir.

- En garde manants, vous ne me capturerez pas comme à Compiègne !... Jeanne la Pucelle n'a rien perdu de sa pugnacité !… Les deux gendarmes reculent... l'épée brandie à bout de bras, la guerrière avance sans faillir et c'est aussitôt la débandade sur la place du Martroi.

A ce début de printemps, les employés communaux avaient en partie démonté la statue équestre de Jeanne d'Arc. Il s'agissait de la nettoyer comme cela se fait chaque année avant les fêtes johanniques. Délestée de sa cavalière, ne restait que la monture sur le socle, et c'est alors qu'elle se trouvait en croupe, qu'un officier de la police municipale a interpellé l’inopportune amazone...

Des sirènes hurlent de toutes parts, un cordon de policiers et de pompiers cerne la place d'où tous les passants ont été repoussés sans ménagement. Telle une furie, celle qui se dit être, Jeanne la Pucelle, poursuit à grandes foulées les deux malheureux policiers bientôt à bout de souffle. Elle, malgré le poids de sa cuirasse, ne perd pas une miette de terrain. Nul n'ose s'approcher craignant de prendre un mauvais coup d'estoc... Il faut pourtant que cesse ce cirque. L'alerte vient d'être donnée : « Une folle en armure se prenant pour Jeanne d'Arc sème la panique sur la place du Martroi à Orléans ». On envisage alors d'envoyer une compagnie de CRS pour maîtriser cette foldingue... mais ce n'est pas nécessaire...

Les deux agents fuyant devant cette diablesse, d'épuisement, sont tombés à terre ; la guerrière dans une posture magnifique, les tient, au bout de son épée. Elle enlève son heaume... chevelure courte auburn, frange légère barrant le haut de son front lisse, yeux bleus verts, elle leur sourit avec ravissement.

- Debout messires ! Par la grâce de Notre Seigneur, le dieu du ciel, vous êtes mes prisonniers !...

Profitant de ce répit une vingtaine de policiers s'approchent par derrière la forcenée. Ils la saisissent par surprise, couchée au sol, on lui retire son épée mais, à cause de ses gantelets de fer, il est impossible de lui passer des menottes.

Elle ne s'est pas débattue… c'est à six qu'ils la transportent en position horizontale jusqu’à un car de police...


Au commissariat…

Le capitaine Fraigneau n'a pas pas pour habitude d'être tendre avec les interpellés passant dans son bureau, il est en permanence secondé par le lieutenant Jocelyne Marchadier, dont l'allure décontractée et le visage ouvert, inspire bien plus confiance.

- On reprend : nom, prénom, date de naissance !...

- Jeanne d'Arc, dite la pucelle, je suis née le 14 Avril 1412 à Domremy village adoré de ma belle Lorraine...

Fraigneau jaillit de son siège tel un diable hors sa boîte...

- Écoute bien la cinoque en acier inox, tu arrêtes de te foutre de ma gueule... Jeanne d'Arc est morte depuis longtemps, brûlée vive à Rouen... Nous sommes en 2016 … ça fait …

- Ça fera 585 ans le 30 mai prochain… précise Jocelyne Marchadier juchée à califourchon sur une chaise à l'assise inversée. Elle fait les gros yeux à Fraigneau, hors de lui.

- C'est bien possible, répond laconiquement, la pseudo Jeanne la Pucelle...

- Marchadier vous voyez bien qu'elle se fiche de notre gueule ! hurle le capitaine...

- Voyons mademoiselle ... euh... D'Arc... reprend le lieutenant, nous ne pouvons raisonnablement enregistrer une telle identité, alors s'il vous plaît, répondez avec exactitude à nos questions.

- J'ai toujours répondu avec véracité et honnêteté à tous mes inquisiteurs lesquels ne m'ont aucunement ménagée et fait subir mille tourments... fort heureusement, mes Voix m'ont toujours bien conseillée...

- C't'une folle ! s’égosille Fraigneau, foutez-moi ça en cellule  !… On arrête avec toutes ces cornichoneries ... Et puis débarrassez-là de cette armure ridicule !…

A suivre : « l'eau c'est du feu ! »

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