Champivolant !
Une falaise surplombait la forêt depuis le nord. Elle était constamment balayée par les vents rageurs venus des contrées lointaines. À son sommet se dressait fièrement un petit champignon au chapeau étincelant des lueurs du jour naissant.
Une nappe de spores colorées baignait la cime des arbres où s’activait la dernière danse des papillons fluorescents sur le point d’aller se cacher. Le champignon s’était réfugié ici pour ne plus avoir à courir partout. Ses réserves de nutriments devaient être à nouveau remplies s’il voulait survivre jusqu’au lendemain. Or, sur cette falaise de pierre, il n’y avait rien de bon pour lui.
Il devait descendre et plonger dans la marée de mâles surexcités qui pullulaient. Une idée qui ne lui plaisait guère. Alors, il réfléchit à un autre moyen. Il regarda le nuage de spores, les papillons, sentit le vent qui le bousculait, et les feuilles, larges et épaisses, virevolter dans tous les sens.
Il ne trouva pas d’idée intéressante. Il décida donc de s’en retourner dans la forêt lorsqu’une bourrasque le décolla du sol. Il battit frénétiquement des racines pour tenter de se rattraper à quelque chose, mais il était déjà plus haut qu’il ne l’avait jamais été.
Il parvint à grand effort à attraper une grosse feuille et s’y accrocher de toutes ses forces. Il glissa ainsi sur l’air comme une araignée d’eau sur un étang. La sensation était à la fois exaltante et terrifiante.
Une nouvelle bourrasque le propulsa au loin. Il se retrouva à parcourir la forêt à dos de feuille. Il descendait progressivement jusqu’à atteindre une trouée dans la cime ; une clairière au sol occupé par une harde de cerfs au bois d’écorce et aux pattes félines. Ils furent attirés par ce beau champifeuille, et sortirent une longue langue pour le gober tout cru. Le petit champignon agita ses racines afin d’en faire fuir ces gluants appendices. Heureusement, il les dépassa trop vite pour être happé, mais se prit en contrepartie un gros arbre en pleine face.
Il grimpa le long du tronc afin de se mettre à l’abri. Lorsqu’il atteint son faîte bousculé par la danse des branches, il découvrit un phénomène étonnant et incomparablement plus terrifiant que l’hiver. Au-dessus de son chapeau volaient d’innombrables champignons qui l’avaient suivi sans qu’il ne s’en aperçoive.
Depuis lors, tous les matins au début du printemps, les femelles champignons, cachées dans leurs buissons, virent s’abattre sur elles une pluie de champivolants ; des mâles qui se laissaient tomber du ciel dans une traînée de spores et de joyeux couinements.
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