La Créature de l'Hiver. (Partie Trois)
Les fils du petit champignon s’agrippaient à l’écorce épaisse et collante du haut pin ; les pommes, massées sur lui, silencieuses, car quelque chose rodait dans les ombres des grands arbres, masqués par leurs fûts et leurs larges racines couvertes de mousse sèche orangée.
Les branches et les feuilles mortes craquaient sous le poids imposant d’une créature, dont ils ne percevaient que des fragments obscurs et inquiétants ; elle paraissait massive, haute et dangereuse. Le champignon aurait voulu fuir, aller retrouver sa maman, mais une angoisse, un instinct lui interdisait de bouger, comme les pommes immobiles.
La créature de l’hiver laissa apparaître un museau fait de chair blanche décousue. Elle l’ouvrit avec une longue inspiration sifflante et plongea avec bestialité cette gueule derrière une racine, arrachant un copieux morceau de terre où gesticulaient de malheureux champignons.
Soudain, un nuage de spores orangées se répandit autour d’elle, d’où ils n’entendirent plus que les craquements sinistres d’une mastication.
Son festin achevé, la bête affamée leva ses odieux naseaux au-dessus du nuage, puis renifla longuement à la recherche de nouvelles proies. Enfin, elle émit un râle, grave et profond, de ses babines noires, fendues, entrouvertes.
Le nuage se dissipa, glissant autour du champignon et des pommes choqués. La créature avança son buste imberbe, massif, achevé par son énorme tête et ses géantes pattes avant, dont les doigts griffus s’enroulaient autour des troncs, ses jambes minuscules traînant une large queue à la peau déchirée et rougie par les blessures. Son corps entier était recouvert de ces vieilles plaies noircies, révélant ses muscles épais.
Le champignon et ses amies attendirent – tous tremblants – qu’elle s’éloignât d’eux, pour ensuite s’en retourner à la sécurité de leur chez eux ; hélas, les yeux rétrécis, sa face immonde tournée vers eux, la bête avait trouvé de nouvelles proies.
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